Kendrick Lamar / Drake : well, that escalated quickly (UPDATE 06/05)
Kendrick Lamar avait été clair sur "euphoria" : "‘Back To Back,’ I like that record / I'ma get back to that, for the record". Une punchline bien meta donc, référence à un diss track rageur de Drake sorti lors de la bataille qui l'opposait à Meek Mill en 2015. Et on a envie de croire que le Canadien aura eu besoin de cette bisbrouille avec l'autre plus grand rappeur de la planète pour sortir enfin de sa luxueuse zone de confort.
Jusqu'à il y a quelques heures, dans le feud qui l'opposait à Kendrick Lamar, le Canadien peinait à se montrer à la hauteur de l'enjeu et de l'engrenage dans lequel il avait foutu le doigt. Pour rappel, il y a d'abord eu un album de Future et Metro Boomin dans lequel une bonne partie de ses anciens amis l'attaquaient frontalement. Mais c'est Kendrick Lamar sur "I Like That" qui semblait le plus remonté que jamais, et répondant à l'affirmation de J. Cole selon laquelle lui, Drizzy et K Dot formaient le Big Three du rap US : "motherfuck the big three, nigga, it’s just big me".
Cette punchline a donc été à l'origine des faiblards "Push Ups" et "Taylor Made", que Kendrick Lamar s'est empressé d'effacer des tablettes en sortant un "euphoria" annihilateur. Tout cela en l'espace de quelques jours évidemment. Mais ce n'était apparemment qu'une mise en jambe car cette nuit, l'escalade fut véloce. Tout a commencé par "6:16 in LA", un titre produit par Sounwave et Jack Antonoff qui devra attendre que son sample d'Al Green soit clearé avant d'être sur les plateformes de streaming.
En attendant, on file sur Genius pour comprendre que le morceau fait des références à OVO Sound, le label de Drake, et à des taupes qui s'y trouveraient et bosseraient pour le camp Lamar. Quant à sont titre, il est autant un renvoi à d'ancien titres de projets de Drake ("5AM in Toronto", "4PM in Calabasas", etc) qu'une référence à la fête des pères, et donc à Adonis, le fils de Drake qui avait joué un rôle central dans la bataille Drake / Pusha T il y a quelques années, et qui avait été pris pour cible dans "euphoria" quand Kendrick Lamar remettait en question les talents paternels de Drake - et c'est vrai que c'est pas le paternel de l'année notre Aubrey.
Et la dimension familiale de cette affaire, Drake l'a forcément aussi bien digérée que le grec que tu t'enfiles en fin de nuit. C'est bien connu : on ne touche pas à la famille et il ne lui aura fallu que quelques heures pour balancer à son tour un "Family Matters" qui commence par ces mots : "You mentioned my seed, now deal with his dad / I gotta go bad, I gotta go bad". Et c'est là qu'on sent que tout est possible.
En tout cas, sur 7 minutes plus énergiques que ses trois derniers albums réunis, Drake tire à balles réelles et n'épargne personne : de Metro Boomin à Rick Ross en passant par Future, tout le monde en prend pour son grade, même si cela n'est jamais très élégant. Et puis histoire de remettre une bonne grosse pièce dans la machine, il termine en laissant sous-entendre que, non content d'avoir trompé son actuelle compagne, Kendrick Lamar a été violent par le passé ("They hired a crisis management team / To clean up the fact that you beat on your queen").
Et c'est là qu'on se dit que dans les deux camps, on doit passer son temps à chasser la rumeur dégueulasse et à usiner de la punchline assassine. Car moins d'une heure plus tard (!), Kendrick Lamar adressait déjà sa réponse à Drake, sous la forme d'un nouveau titre intitulé "meet the grahams" - une production phénoménale de The Alchemist.
Et si Kendrick Lamar garde son calme, les attaques sont plus frontales que jamais, et ciblent le cercle intime de Drake, Kendrick Lamar s'adressant directement à Adonis ("Dear Adonis, I'm sorry that that man is your father, let me be honest / It takes a man to be a man, your dad is not responsive") et à la mère de Drake ("Dear Sandra, your son got some habits, I hope you don't undermine them / Especially with all the girls that's hurt inside this climate"). Et puis comme pour nous faire comprendre qu'il a peut-être tout dit sur Drake et sa toxicité, il termine sur cette phrase, élégante et percutante comme son auteur : "Fuck a rap battle / This a lifelong battle with yourself".
On vous avait dit "peut-être", et ce matin, avant même que Drake ait eu le temps de répondre, on se réveillait au son de "Not Like Us", nouveau diss track de Kendrick Lamar, cette fois produit par DJ Mustard. Un titre qui troque son piano menaçant pour un beat qui bounce comme un lowrider rutilant. Et à l'intérieur, un sacré moteur monté par un Kendrick Lamar plus remonté que jamais depuis le début de l'affrontement. "Not Like Us" s'ouvre sur un "pssst I see dead people" qui fait bien mal, et enchaîne sur une série de punchlines qui ciblent Drake bien sûr (on a beaucoup aimé le "You run to Atlanta when you need a check balance"), mais aussi ses copains d'OVO et toutes les choses louches ou pénalement répréhensibles dont ils auraient pu se rendre coupables ("Certified Lover Boy? Certified pedophiles").
C'est encore d'une rare violence et on espère une seule chose : que Drake, quoi qu'on puisse penser de lui et de sa trajectoire depuis quelques années, se montre à la hauteur d'une passe d'armes qui est entrée au panthéon des "feuds" les plus légendaires du rap US en un week-end à peine.
Drake ne pouvait pas rester silencieux au risque d'hériter du statut de perdant qu'une bonne partie de la toile lui avait déjà attribué dimanche soir. Alors cette nuit, le natif de Toronto a sorti "The Heart Part 6", en référence à une série de titres de son opposant entamée en 2010. Q'y apprend-t-on? Que Drake serait un fin stratège qui avait tout vu venir ("I am a war gеneral, seasoned in prеparation My jacket is covered in medals, honor and decoration"), que les fameuses taupes qui alimenterait le camp Lamar en rumeurs seraient en fait les pions d'un plan élaboré pour le tromper ("We plotted for a week and then we fed you the information / A daughter that's eleven years old, I bet he takes it"), que le seul et unique clou sur lequel Drake semble en mesure de frapper est cet enfant qui ne serait pas de Kendrick Lamar mais de son plus proche collaborateur Dave Free ("And why isn't Whitney denyin' all of the allegations? Why is she following Dave Free and not Mr. Morale?"), que les traumatismes évoqués dans son précédent album serait à l'origine d'obsessions fantasmées sur ses précédents diss tracks ("Deep cuts that never healed and now they got infected") et qu'il serait peut-être temps de mettre à tout cela. Ce qu'un morceau aux textes aussi faibles (mais à la très bonne prod de Boi-1da) que "The Heart Part 6" semble en effet justifier.