2008-2013 : le goût des autres
Chronique par Lelo Jimmy Batista
Dézingueur freelance et brute sanguinaire derrière l'excellentissime blog J'irai verser du Nuoc-Mam sur tes tripes
The Spits
The Spits V
2008-2012 (on écartera d'office 2013, encore un peu verte) : les prétendants sont nombreux mais le choix finalement pas si compliqué. Déjà parce que je range mes disques par année (ça facilite la recherche), ensuite parce que je n'en garde pas tant que ça (je ne suis ni collectionneur ni archiviste, je ne garde donc que ceux que j'aime profondément, viscéralement). Instinctivement, j'avais opté pour le génialissime "1000" de Cheveu, mais le fait est que je suis plongé depuis plusieurs semaines dans les titres de leur prochain disque (qui sortira en janvier 2014) pour écrire la bio qui ira avec, et que ce nouvel album pulvérise à tel point "1000" qu'il m'est, dans l'immédiat, assez difficile de revenir dessus. J'ai éliminé La Chatte pour les mêmes raisons ("Crash Ocean", sorti cette année, étant très largement supérieur à "Bastet"). Restaient Scorpion Violente et les Spits. Ce sera finalement les Américains, à qui j'ai donné l'avantage pour une raison très simple : la connerie. Infuse, absolue, inaltérée. Il y eut un soir, et il y eut un matin, et le septième jour, Dieu créa les Spits et le bonheur et la mongolerie furent. Riffs stupides, claviers primitifs, voix d'attardés mentaux : la recette est connue (1 tiers Misfits, 1 tiers Screamers, 1 tiers Ramones, deux doigts de Descendents, servir vite, mal, et avec beaucoup de glace) et largement éprouvée (le fabuleux troisième album de 2003, un classique) mais demeure résolument inoxydable. Mieux, elle se perfectionne pour caresser désormais, du bout des ses doigts pingres et crasseux, l'invulnérabilité absolue. Car avec ce cinquième album (inutile de chercher le titre, il n'y en a pas non plus sur celui-ci), les lazer-punks de Seattle, loin de se contenter de garder leur forteresse volante à flot, passent clairement à la vitesse supérieure, direction l'hyper-monde dégénéré, entassés à 5 dans un van en flammes à contre-sens sur l'autoroute. Finies les digressions, caprices et morceaux complètement autres qui venaient parfois ralentir la course sur les disques précédents, le groupe joue ici comme on braque une boulangerie : avec fracas et sans perdre une seconde. Entre saccage intégral ("All I Want", "Fed Up", "I'm Scum") et foutage de gueule total (a-t-on jamais entendu les mots "My Life Sucks" prononcés avec autant de flegme et de mépris ?), les Spits pulvérisent en un peu moins de 19 minutes toutes les scories et les miasmes de l'univers connu, collent un cancer du cul à Bon Iver et livrent Pitchfork aux hackers serbes avant de disparaître dans la nuit, direction constellation golmon, avec la satisfaction d'avoir vengé le coeur de tous ceux qui ont, un jour, risqué leur vie en gravissant une falaise escarpée juste pour le plaisir de pisser depuis le sommet. Essentiel.