Pukkelpop 2015: les gagnants, les perdants
Kiewit, le 20 août 2015
GAGNANT : les Evil Superstars
Le dernier véritable concert des Evil Superstars a eu lieu en septembre 1998 à Bruxelles. On dit "véritable" parce que lors d’un concert de reformation en 2004 ils interprétaient le Jerusalem de Sleep à l'AB et en 2013, dans cette même salle, c'était un set cosmic synth qu'ils proposaient.
Mais cette fois c’était la bonne, sur leurs terres, devant « leur » public. On ne va pas se mentir : vu ce que sont devenues les forces motrices du groupe (Tim Vanhamel est aux abonnés absents depuis des plombes et Mauro Pawloski s’encroûte chez dEUS), on avait de grosses craintes. Des craintes qui ont rapidement été balayées par un concert d’un très gros niveau.
Car à l’exception d’un Tim Vanhamel à qui des cheveux blancs ôtent le look d’éternel adolescent, rien ne laisse penser qu’une grosse quinzaine d’années s’est écoulée depuis la disparition de ce qui restera l’un des groupes les plus sous-estimés et essentiels de l’âge d’or du rock belge.
Mais c’est aujourd’hui une évidence : vu le soin apporté à ce concert de reformation (ce son énorme, ces visuels, cette présence), et vu le tonnerre d’applaudissements au terme du dernier titre (l’inévitable « It’s a Sad Sad Planet »), on a dû mal à croire que les gars ne vont pas laisser parler leurs instincts mercantiles et ajouter un bon paquet de dates à leur calendrier dans les mois qui viennent. En même temps, pour un groupe qui n’aura jamais eu la reconnaissance qu’il mérite il y a 15 ans, ce ne serait qu’un juste retour des choses.
PERDANT : Father John Misty
Alors lui, on ne s'attendait pas vraiment à le voir figurer dans la case des perdants au vu de l'excellence de son I Love You, Honeybear. Mais voilà, quand on en fait trop, quand on gesticule dans tous les sens et qu'on réclame tous les projecteurs sur soi au point de réduire son groupe à une tripotée d'ombres asservies, on finit par faire chier son monde, c'est biologique. Tout le monde a déjà connu ça en soirée : le type lourd qui accapare l'espace vainement. Ainsi, malgré un "Bored In The USA" particulièrement émouvant, Josh Tillman a bien peiné à s'attirer la sympathie du public, se lançant dans d'interminables monologues plus égomaniaques les uns que les autres. Et c'est un constat très triste, car avec des chansons touchant à ce point à la quintessence du songwriting des 70's et avec une voix aussi pure, un poil de retenue et de pudeur auraient été bienvenues. Ou alors il fallait carrément la jouer à la Fat White Family et montrer son derche à toute la populace en sirotant tous les cocktails des backstages. Là, on n'aurait pas eu assez de nos deux mains pour applaudir.
GAGNANT : Amenra
Il y a des groupes dont on vous parle depuis des années, au sujet desquels vous ne lisez jamais rien de mal, et que vous ne connaissez pourtant qu’à peine. Amenra en faisait partie. Depuis mon retour, leur discographie tourne en boucle sur mes platines. Propulsés tête d’affiche dans le Shelter le vendredi en l’absence des géants de Mastodon (tristesse infinie), les Courtraisiens ont livré un show que les fans qualifieront probablement de prévisible, mais qui a eu l’effet d’une claque pour tous ceux qui se prenaient pour la première fois dans la tronche les déflagrations post-hardcore / sludge / black métal des petits Belges de chez Neurot Recordings, le label des darons de Neurosis. Une heure en forme d’expérience totale, pendant laquelle le temps s’est littéralement arrêté, pour un concert duquel on est sorti groggy, mais tellement heureux de se dire que l’on venait probablement de vivre l’un des plus beaux moments du festival.
GAGNANT : The Districts
Ça fait des plombes qu’on les suit, et le camarade Maxime nous avait dit le plus grand bien de leur prestation à la Route du Rock. Bref, ce concert des Districts faisait partie des trucs qu’on ne voulait manquer sous aucun prétexte. Et pour faire simple, c’était comme sur disque, mais en mieux. Cette rage post-adolescente qui anime leur indie rock, elle s’est parfaitement traduite dans un concert où le groupe a tout donné, nous faisant presque croire que c’était la dernière fois qu’on les laisse maltraiter leur matériel sur une scène. Vite, une nouvelle date belge…
GAGNANT : FFS
Malgré un album excellent et une jolie place dans l’affiche, la paire Franz Ferdinand / Sparks a dû composer avec une concurrence assez rude : un peu avant, un peu après ou en même temps qu’eux, on pouvait aller voir Christine & the Queens, Ellie Goulding, The Soft Moon, Father John Misty ou la Fat White Family. Bref, on n’était pas trop à l’étroit dans l’immense Marquee.
On ne va pas s’en plaindre, mais on regrettera que l’un des concerts les plus chouettes du festival n’ait pas eu droit à une salle comble. Car l’alchimie entre les iconoclastes Américains et la machine de guerre écossaise est d’une efficacité incroyable.
Il faut dire que la formule consistant à entrecouper les meilleurs singles de l’album de quelques uns des plus gros tubes des répertoires respectifs, c’est la garantie d’un souk pas possible. Et puis il y a quelque chose d’incroyablement attachant à voir Alex Kapranos et les siens jouer les choristes de luxe sur les plus grands tubes de Sparks, et d’extrêmement comique (mais dans le sens le plus positif du terme) à voir Ron Mael se démener comme un beau diable sur « Michael » ou « Take Me Out » - et probablement espérer que les coutures de sa chirurgie esthétique ne pètent pas à cause de tous ces mouvements.