Pukkelpop 2015: les gagnants, les perdants
Kiewit, le 20 août 2015
PERDANT : la grande scène
Mon premier jour de Pukkelpop remonte au 22 août 2002. Ce jour-là, la tête d’affiche se nommait Jane’s Addiction. Et c’était génial. Il est par contre impensable de voir ce genre de noms sur la Main Stage en 2015. Des choix ont été posés, et ils semblent avoir pour seul objectif de réunir, à quelques exceptions près, un improbable mélange de stars des charts, de vieilles gloires qui n’ont plus rien à proposer, de local favourites et d’un gros paquet de merdes pseudo-indie qui collectionnent les dizaines de millions de vues sur YouTube.
Le problème ? C’est que la Main Stage a fait le plein tout le weekend, et que le festival affichait une nouvelle fois sold out. Pire encore : quand on voit certains trucs programmés dans le Marquee (coucou George Ezra et ses badaboudibou… coucou Kodaline et son folk qui ferait passer le pire de Mumford & Sons pour du Philip Glass) on se dit que cette scène-là est elle aussi sur une pente savonneuse.
Bref, qu’une bonne partie des gens qui ont quand même déboursé 200 EUR pour le combi-ticket (à peine un peu moins qu’à Rock Werchter) s’accommodent très bien d’une programmation d’une telle pauvreté est inquiétant pour ceux qui faisaient déjà le pèlerinage en terres limbourgeoises dans les noughties.
Sur les scènes annexes, à de trop rares exceptions, c’est surtout le manque de têtes d’affiche indie qui nous a le plus interpellés, et cela malgré une bonne qualité globale – OK, le Fuck Yeah Fest de Los Angeles organisé simultanément n’a pas facilité la tâche des programmateurs.
En tout cas, quand on voit comment évolue la situation, on se dit qu’il faudra à l’avenir aussi tenir compte des décisions prises par Herman Schueremans, l’homme derrière Rock Werchter dont les envies de grandeur ont été clairement affichées ces dernières années, entre l’évocation d’un déménagement vers un nouveau site ou l’aménagement de l’espace actuel pour y ajouter une nouvelle scène. Au mieux, une multiplication des scènes à Rock Werchter pourrait venir siphonner un bon paquet de groupes que le fan historique du Pukkelpop aimerait voir disparaître de l’affiche. Au pire, … on préfère ne pas y penser en fait.
GAGNANT : Tame Impala
Tame Impala, c’était sans doute la bête de foire la plus attendue par les fans de rock psyché qui ne se sont pas sentis insultés par l'omniprésence de synthés sur le petit dernier du groupe, Currents. Peu d'albums ont connu une exégèse aussi passionnée et partagée. Mais dès leur entrée sur scène, les Australiens semblent déterminés à nous agripper par les roupettes avec l'homérique "Let It Happen" - et à prouver aux derniers sceptiques qu’on ne tient pas là un enième groupe de rigolos gavés de champis. Samedi dernier, ce titre a sonné encore plus couillu que sur le disque et a pénétré les globules rouges de chaque spectateur du Marquee, entièrement acquis à la cause de Kevin Parker à la seconde où le pied a foulé la pédale d'effet. Et que dire de ce son : épais, et parfaitement dosé pour mettre en valeur les voix de tête du Frodon psyché ultime. C'est simple : à lui seul, Parker synthétise 60 ans de musique populaire. Et ouais, ce qu'on a entendu pendant une heure dans cette ambiance moite, c'était du doo-wop qui copulait avec du MJ; du Moroder qui gravitait autour de volutes floydiennes tandis qu'une voix lennonesque nous certifiait qu'il se sentirait plus heureux "Eventually ahahahaaaa" s'il nous laissait sur le carreau. T'es fou mec, tu nous as harponnés avec ton disco-psych-electro. Maintenant on vit, on dort, on boit, on couche ensemble, on ne se quitte plus. On ne laissera jamais cela arriver.
GAGNANT : notre système digestif
Pour le festivalier un peu gastronome, la Route des Saveurs aux Ardentes a toujours constitué une sorte d’étalon-or, une vraie valeur ajoutée et un exemple à suivre. Petit message à l’attention du festival liégeois : c’est bon les gars, vous pouvez allez vous rhabiller. Ici, on a carrément eu droit à un village dédié à la bonne bouffe, placé dans un petit bois adjacent au Shelter. Avec sa vingtaine de foodtrucks rivalisant d’arguments, on pourrait même parler d’un festival dans le festival.
Malgré sa localisation à côté de la scène la plus bruyante, on aura eu la sensation inestimable de prendre une pause, une vraie – on sait que c’est devenu mission impossible dans un grand festival. Et pas question ici de se faire entuber au nom de la hipsterisation gastronomique : pour le prix d’un mauvais dürüm vendu à quelques dizaines de mètres de là, vous pouviez bouffer une pizza au feu de bois, un sandwich au porc émincé nappé de sauce BBQ au whisky ou un véritable fish’n’chips nappé d’une sauce tartare maison à se taper le cul par terre. Bref, celui qui est rentré cette année chez lui en disant que la bouffe de festival est toujours aussi infâme est un sombre connard.
PERDANT : Ho99o9
Les gars de Ho99o9 n’ont que quelques titres à leur actif, et pourtant la hype les entourant est déjà conséquente. Il faut dire que les Américains savent nous vendre un produit bien marketable comme il faut : une sorte de croisement bien graveleux entre Death Grips, les Bad Brains et Odd Future. Un projet et une vision musicale très convaincants sur disque, d’ailleurs. Par contre, pour ce qui est du live, va falloir repasser. S'il n y’a rien à dire sur la scénographie ou les visuels (enfin à condition d’aimer la violence gratuite, les séries B et les films gore), musicalement, ce fut extrêmement poussif, indigeste, et souvent inintelligible. Bref, ça nous aurait presque fait regretter d’avoir raté Young Thug pour cette imposture si on ne s’était pas barré après 15 minutes de ce non-événement. Surtout que la fierté d’Atlanta, sans retrouver sur scène la flamboyance de ses performances en studio, a livré une prestation tout à fait honorable dans un Dancehall tout acquis à sa cause.
PERDANT : Ty Dolla $ign
A peu près tout ce qu’on a dit ici s’est vérifié lors de ce concert dont le seul moment fort aura été l’entrée du emcee californien sur un Hover Board. EPIC FAIL sur toute la ligne.