Pukkelpop 2010
Kiewit, le 19 août 2010
The National
Il y deux ans de cela, la foule ne se bousculait pas pour venir applaudir The National sous le Marquee. Il faut dire qu’à l'époque, tout le monde n’avait pas forcément Boxer dans l’oreille, tout juste Alligator. Et encore, ça c’était pour les amateurs de la première heure. C’est pourtant grâce au magistral Boxer qu’en deux ans les New-Yorkais se sont construit une solide réputation de groupe phare de la cold wave 2.0. Promotion sociale oblige, c’est désormais sur la Main Stage qu’ils sont amenés à se produire, devant un public au moins cinq fois plus nombreux !
C’est certainement très bon pour les finances de savoir faire bouger une masse de gens de cette ampleur, mais reste à voir si la masse en question est encore capable de profiter de la prestation à sa juste valeur. Ne se fourvoie-t-on pas à vouloir faire jouer sur la Main Stage et en début de soirée un groupe qu’on aimerait surtout voir se produire dans une arrière salle de café ? Il est évident que The National n'est pas taillé pour les stades. Non seulement pour une question de carrure et de charisme, mais aussi pour une question de puissance sonore tout bêtement : quand on a un répertoire principalement constitué de balades mélancoliques, on fait moins bouger les gens que quand on chante du U2…
Cependant, le groupe, emmené par un Matt Berninger plus habité que jamais, a su relever le défi avec brio. Malgré un album pas très rigolo, Matt Berninger et son verre de vin ont réussi à faire passer quelque chose parmi une foule religieusement à l’écoute ; et ce n’est pas les quelques cuivres ni les quelques chœurs additionnels qui ont vraiment changé la donne. Sans non plus jouer pour les seuls premiers rangs, le groupe a réussi à captiver en préservant l’intimité latente de ses titres - ce qui pouvait sembler relever de la gageure - avec un set plutôt hétéroclite. Ainsi après une heure de jeu, la fin du concert a sonné comme le claquement de doigt du psychanalyste qui tire un patient de l’hypnose.
Romain
Broken Bells
L’audience de la Marquee paraît étrangement clairsemé en ce début de soirée. “Broken Bells… C’est pas le projet de deux mecs connus?” lance un torse-poil à son pote tout en feuilletant laborieusement son programme. “Ouais, je crois que c’est un des types qui chantait “Crazy” et un autre qui joue dans groupe pas mal.” lui réplique son pote entre deux gorgées de bière. Alors que la troupe se faufile sur scène en toute humilité, le premier balance son coude dans les côtes du second: “Alors, ce sont lesquels, les deux mecs connus?”. Alors oui, le premier mec connu, c’est un peu le gars qui chante. James Mercer (The Shins, hein!) sera donc pointé du doigt facilement. Le second, celui qui “n’a pas tellement la tête à jouer dans un groupe de rock” - dixit nos camarades sus-cités - c’est bien Danger Mouse, accessoirement moitié de Gnarls Barkley et sans aucun doute producteur très occupé. Voilà déjà un spectateur à la curiosité satisfaite.
On ne peut pas dire que Broken Bells mise sur les effets tapageurs. Pas de panoplies extravagantes ni de solos virtuoses. On s’ajuste derrière son clavier, son micro et on s’accorde cordialement. Les gars s’expriment sur scène comme un ensemble, sans se faire de l’ombre. La voix est claire, les compos sont classes, chacun se dandine en toute courtoisie. De son côté, le public semble découvrir une à une les perles pop du groupe, les singles provoquant à peine plus de remous. Le public a l’air content aussi. Parce qu’au fur et à mesure, il se rend compte qu’elles sont sacrément bien foutues, les chansons de Broken Bells. Et tout cela semble tellement naturel, comme ces mecs qui font quatorze tours de cheval d’arçon et qui ne perlent même pas du front. Un set tout en simplicité qui permet donc à une tente à moitié remplie de prendre le plus frais des apéros. Sans trop s’éloigner de la grande scène bien sûr, où ce petit monde ira se faire tamponner quelques minutes plus tard…
Gwen