Primavera Sound
Barcelone, le 26 mai 2011
M. Ward
Vendredi / Scène San Miguel / 20.00
C'était chouette She & Him, un peu moins les Monsters of Folk. Mais il était vraiment temps pour M. Ward de jouer les égoïstes et de se lancer dans l'écriture d'un nouvel album en solo. C'est désormais chose faite. Il faudra par contre patienter encore quelques mois pour se faire une idée du résultat. Et ce n'est pas ce concert espagnol qui aura été généreux en nouveaux titres. En effet, M. Ward s'est surtout amusé à revisiter les passages les plus remuants de ses deux meilleurs albums, Post-War et Transistor Radio, snobant allégrement le très mou du genou Hold Time mais se fendant par contre d'une bonne petite reprise du "Roll Over Beethoven" de Chuck Berry en fin de prestation. Prestation par ailleurs impeccable, et finalement à l'image de cet artiste dont les choix parfois country/folk traditionnalistes peuvent rebuter, mais dont le talent d'écriture ne souffre pas la moindre critique. Des retrouvailles qui font donc extrêmement plaisir.
Pulp
Vendredi / Scène San Miguel / 01.45
On ne va pas vous faire un dessin: cette reformation de Pulp était LE concert à ne pas manquer à ce Primavera. Conséquence logique: la scène San Miguel, la plus grande du festival, est noire de monde et l'excitation palpable. Excitation qui se transforme rapidement en délire total lorsque les lumières s'éteignent, que les quatre lettres de Pulp s'allument progressivement en haut de la scène et que le groupe se lance dans un "Do You Remember The First Time" qui ne tardera pas à mettre tout le monde d'accord. Alors que Jarvis Cocker avait claironné dans la presse que son plus grand souci était de ne pas massacrer les meilleurs titres du groupe neuf années après son dernier concert, on se dit que ce genre de déclarations devait relever de la plus pure intox. En effet, en ce vendredi soir, il était bien difficile de dire que ce groupe-là remontait sur scène après une si longue absence. Peut-être plus rôdé qu'il ne l'a jamais été, le groupe fait son travail sans la moindre fausse note, et sert donc de rampe de lancement idéale pour un Jarvis Cocker complètement déchaîné et jamais avare en punchlines – on a particulièrement apprécié son "This evening is not about ancient history, we are going to make history!" lancé d'entrée de jeu. Forcément, face à une telle démonstration de force et une setlist puisant dans toute la discographie du groupe, le public ne se fait pas prier et donne à peu près autant d'énergie que le père Jarvis. Et on ne vous parle même pas de la transe collective qu'ont occasionné "Disco 2000" et "Common People". Et après 1h30 de concert, on se rend à l'évidence: il a fallu s'enquiller des albums solo bien chiants de Jarvis Cocker alors qu'on aurait pu vivre de tels moments de grâce quelques années plus tôt. Par contre, n'ayez crainte: un paquet de dates en festival est prévu cet été, et vu le succès monstre qui pointe le bout de son nez, on risque de voir Pulp revenir pour une tournée en salle en 2010/2011. Et ce sera amplement mérité.
Battles
Vendredi / Scène Ray-Ban / 03.45
Lorsqu'Interpol perd Carlos D. ou que Nick Olivieri se fait virer des Queens of the Stone Age, ce n'est pas bien grave: the show must go on alors on dégote un type à la personnalité pas trop envahissante à qui on demande de jouer discrètement les imitateurs. Par contre, quand Battles se sépare du génial bidouilleur Tyondaï Braxton, c'est tout de suite une autre paire de manches pour lui trouver un remplaçant digne de ce nom. Aussi le groupe a-t-il décidé de continuer l'aventure en trio. Et ça fait un peu mal au cœur de dire cela, mais on ne lui promet pas un avenir radieux s'il poursuit sur cette voie. Déjà que le nouvel album n'est pas bien folichon, mais l'expérience live est, elle, encore plus énervante. On comprend en fait rapidement que sans Tyondaï Braxton, le groupe perd une grande partie de son identité, à commencer par ces bidouillages vocaux qui faisaient de morceaux comme "Atlas" ou "Tonto" des bombes irrésistibles. A la place, on doit désormais se coltiner les featurings de Kazu Makino de Blonde Redhead, Gary Numan et Mattias Aguayo, qui étaient tous présents au Primavera par écrans géants interposés. Et on a alors la désagréable impression que le groupe se limite à une démonstration de batterie signée John Stanier, tandis que les deux autres cocos font de leur mieux pour sauver ce qui peut encore l'être.