Primavera Sound
Barcelone, le 26 mai 2011
Big Boi
Jeudi / Scène Ray-Ban / 21.15
Faudra quand même un jour qu'on leur dise aux rappeurs, que s'enfiler un de leurs concerts est déjà un effort en soi, la prestation visuelle étant très souvent limitée à sa plus simple expression. Aussi, il serait judicieux de demander deux petits choses aux DJ qui les accompagnent: premièrement de ne pas se sentir obligés de gueuler comme des putois à chaque fin de phrase (généralement, la star de la soirée est déjà flanquée d'un acolyte dont c'est le seul travail) et deuxièmement de ne pas demander à leur ingé son de tester la résistance aux basses des enceintes. Pas de bol, le bibendum qui accompagnait Big Boi s'est rendu coupable de ces deux péchés. C'est d'autant plus regrettable que le flow de Big Boi est l'un des plus affutés de la planète rap et que les productions de son dernier album solo ou au sein d'Outkast sont souvent des exemples de sophistication qui méritent mieux qu'un son massif qui annihile la moindre nuance et rend parfois compliquée la simple identification d'un titre. On ressort de ce concert d'autant plus frustré qu'en une heure bien remplie, on a pu (essayer d')entendre un paquet de tubes passés et présents, de "Mrs. Jackson" à "Shutterbug" en passant par "The Way You Move" ou "B.O.B.".
The Walkmen
Jeudi / Scène Pitchfork / 23.00
Généralement, quand on voit un groupe quelques semaines avant le Primavera, c'est l'occasion rêvée de s'éviter un impossible dilemme une fois sur place – et dieu sait s'il a fallu faire des choix difficiles en trois jours. Mais dans le cas des Walkmen, leur prestation la semaine précédente aux Nuits Botanique avait été bien trop courte pour un groupe qui se fait tellement rare par chez nous. De plus, aussi belle avait-elle pu être, elle avait vu la formation basée à NYC en garder sous le coude et opter pour une setlist placée sous le signe de l'élégance décontractée. Aussi, vu l'ambiance bavarde et bruyante qui règne souvent en festival, il était probable que les Américains allaient ressortir les guitares qui tranchent. Bingo! Et pour le coup, on peut même dire que les Walkmen ont livré l'un des tous meilleurs concerts de ce Primavera. Puisant allégrement dans ses deux derniers albums studio (Lisbon et You & Me), le groupe a été bluffant de maîtrise, alternant en permanence entre moments de grâce éthérée et envolées soniques portées par un Hamilton Leithauser des grands soirs. Cerise sur le gâteau, outre un "The Rat" hurlé en cœur par un public mystifié, on a eu droit à ce nouveau morceau déjà présenté à Bruxelles et qui laisse augurer du meilleur pour le prochain album. The Walkmen, groupe le plus sous-estimé de la planète. Sûrement, mais à égalité avec Spoon alors.
Salem
Jeudi / Scène ATP / 02.15
C'est chaque année la même chose. A chaque entame de journée, le festivalier orne de marqueur fluorescent un programme encore vierge, comme pour bien baliser une journée chargée. Evidemment, il n'est pas arrivé de deux heures sur le site que les rencontres en tous genres et l'alcool ingurgité foutent le souk dans ses plans. Ce concert de Salem, on n'avait pas prévu d'y être et à l'heure actuelle, on ne sait toujours pas pourquoi on y était. Soit. On allait enfin pouvoir se faire une idée plus précise du phénomène "witch house", un genre que le groupe américain est le seul à représenter, ce qui lui garantit une exposition maximum. Pourtant, le concert commencé de quelques minutes à peine, on en vient à se demander ce que le rédac' chef de Magic RPM avait bien pu prendre comme psychotrope surpuissant pour foutre cette bande de hipsters doublés de bras cassés en couv' du magazine. Entre les beats pseudo-menaçants, l'attitude complètement jean-foutre et le blondinet qui rappe à peu près aussi bien que le tonton Marcel qui essaie d'imiter Eminem à la communion du petit, on nage dans le WTF intersidéral où l'on frôle la noyade. On ne sera d'ailleurs sauvé du naufrage que par la grâce d'une chanteuse dont la voix diaphane s'associait finalement assez bien aux productions de ses petits amis. Et même si on a pu trouver un certain charme à l'ensemble par moments, cela ne doit pas nous enlever de l'idée que ce truc est probablement ce que la hype bienpensante a façonné de plus surfait ces douze derniers mois.
Girl Talk
Jeudi / Scène Llevante / 05.00
Lors de ses précédents passages chez nous, on ne peut pas dire que Girl Talk ait vraiment déchaîné les foules, son public se composant d'une petite base de fans bien hardcore convaincus que ses ingénieux mélanges dépassent le stade du simple mash-up et sont bien plus que la musique de foire dénoncée par quelques pisse-froids élitistes. Alors forcément, on se demandait un peu ce que l'Américain foutait là à 5 heures du matin, dans un festival où la musique purement festive n'a pas vraiment droit de cité, et qui plus est sur l'une des plus grandes scènes du festival. On imaginait surtout qu'on n'allait pas être des masses à se déhancher au son des associations plus improbables les unes que les autres du producteur de Pittsburgh. Pourtant, à notre arrivée sur la scène Llevante, la plaine est noire de monde et l'ambiance complètement surchauffée. Girl Talk a déjà commencé son set, la scène s'est déjà transformée en dancefloor géant et Greg Gillis, torse nu, est déjà sur une autre planète, les yeux rivés sur son MacBook. Pour le reste, on vous passe les détails et on vous renvoie aux trois albums du bonhomme, tous rigoureusement indispensables. Ce qui est sûr, c'est que sur le coup de 6 heures, la fin des hostilités avait un léger goût de trop peu. Les sourires eux, était très larges.