Les Ardentes
Liège, Parc Astrid, le 9 juillet 2009
The Rakes
Jour 2 / Parc / 18.00-19.00
Si les Rakes avaient pas mal fait parler d’eux avec la sortie du très bon Capture/Release en 2005, bien aidés il faut dire par l’utilisation du titre « Open Book » dans une pub CanalSat, leur carrière a depuis sombré dans un certain anonymat, la presse ne parlant que trop peu des deux derniers albums du groupe, le plutôt calme Ten New Messages et leur petit dernier, le survolté Klang, qu’il venait justement présenter en Belgique aux Ardentes. Emmené par un Alan Donohoe pour le moins imbibé mais complètement habité, le groupe a sans trop forcer son talent justifié son statut d’élément indispensable de l’arrière-garde du rock britannique et a surtout démontré que outre « Strasbourg » et « Open Book », il a encore un sacré paquet de bombes post punk sous le coude. Les soixante minutes passées en compagnie du groupe nous ont également permis de nous rendre compte combien depuis le début de leur carrière les Rakes n’ont pas évolué – et ce n’est pas leur déménagement à Berlin pour y enregistrer Klang! qui y a changé quelque chose. N’empêche, à cette heure de la journée, il n’y avait pas meilleure mise en bouche...
!!! (chk chk chk)
Jour 2 / Parc / 19.30-20.30
Le choix fut difficile, très difficile, entre les Américains de !!! et les belges des Disko Drunkards. Les derniers nommés étant déjà programmés au Pukkelpop et les premiers cités s’étant octroyé un peu de temps libre en Europe pour venir y présenter quelques titres qui devraient figurer sur le successeur de Myth Takes, il fut décidé de passer une heure en compagnie d’un groupe qui, lors de son dernier passage aux Ardentes, avait déjà foutu un souk pas possible malgré une place bizarroïde dans la programmation (12h30) pour cause de remplacement en dernière minute des Dirty Pretty Things de Carl Barât. Désormais « réduits » à six membres suite au départ de la tornade blonde John Plough, !!! n'en reste pas moins une incroyable machine à groover, il faut dire bien aidée par les mouvements lascifs et un tantinet gay-friendly d’un Nic Offer qui ne ménage pas ses efforts pour que le public l'accompagne planer au dessus d'un énorme chaudron 'post funk' qui fleure bon les psychotropes en tous genres. Et s'il n'est pas toujours facile de se faire une idée précise de la musique du groupe tant il semble parfois exister un gouffre entre les versions studio et l'interprétation live, on peut quand même vous affirmer sans trop se tromper et à en juger pat la réaction d’un public extatique que le nouvel effort des Américains, qui devrait débarquer avant la fin de l’année, risque fort de rencontrer le même succès critique et commercial que son prédécesseur.
The Field
Jour 2 / Aquarium / 21.30-22.30
S’il y en a bien un dont la tâche a été rendue difficile, voire impossible, par la répartition des horaires, c’est bien lui. Lil Wayne, puis finalement Method Man & Redman, The Field devait ainsi se produire en même temps que la plus grosse tête d’affiche hip-hop sans pouvoir broncher. Pourtant on connaît la valeur musicale du Suédois, lui qui avec seulement deux albums (From Here We Go Sublime et Yesterday and Today) s’est largement imposé comme une valeur sûre au cœur de la nouvelle sphère techno : amoureuse et trippée. Comme annoncé par son nouvel album, c’est sans surprise que cette prestation live s’est vue joliment accompagnée d’une batterie (avec un John Stanier absent derrière les fûts) et d’une guitare basse pour un récital plus organique qu’à l’accoutumée. Le résultat est sans appel, et si l’obscurité des lieux laisse transparaître une salle à moitié remplie, il n’en reste pas moins que cet amas de nappes entremêlées résonne avec la force des grands : intense et profondément viscérale, les turpitudes d’un océan a priori si calme se déchaînent dans des élans psychédéliques de haute volée durant une heure bien remplie. On ne doute pas une seule seconde que le show assuré par les deux américains sur la grande scène valait le détour, mais derrière les « Pop Pop Pop Pop », « Bring It On Nigga » et autres éructations vivifiantes, n’oubliez jamais que du côté de The Field, les murs ont également tremblés.
Etienne de Crécy
Jour 2 / Parc / 01.30-02.30
Cador de la house pour certains, déchet hype rejeté par la mer pour d’autres, nul ne connaît vraiment la véritable identité actuelle d’Étienne de Crécy. En tout cas sin on devait trouver une bonne raison d’aller voir le vétéran français jouer les matous sur la grande scène, c’est très certainement pour la structure visuelle qui l’accompagne. Véritable trésor d’ingénierie, « Le Cube » est une merveille pour les yeux, réinventant l’art du veejaying comme il parvient à faire oublier la musique elle-même. Et ceci n’est pas un mal car s’il serait mesquin de cracher notre venin sur le Étienne de Crécy 2.0, il faudra malgré tout se résoudre à avouer que le set du français a tout du set electro lambda pour jeunots en plein climax auditif. Ce qui nous amène à penser ce cube comme une vitrine grandiose, qui justifie à lui seul (et lui seulement) la place du Français sur une main stage au bord de la rupture. Pas de quoi s’enthousiasmer outre mesure, pas de quoi lui jeter la pierre non plus. Au pire, il restera comme une expérience visuelle assez unique, chose assez rare chez les artistes étiquetés dancefloor.
Adam Beyer
Jour 2 / Aquarium / 04.00-06.00
Voilà encore un classique inaltérable. Déjà présent il y a deux ans de cela, Adam Beyer pouvait à nouveau ravir les indécrottables de la scène techno minimale, l’authentique, celle qui vous explose entre les mains toutes les deux mesures. On le sait, à l’heure du peak hour, toutes les cartes sont redistribuées et seuls les plus courageux auront droit à la rasade électronique. Adam le sait mieux que personne et s’exécute sans mal à distribuer un son dépouillé et rigide pour jouer en adéquation avec les oreilles restantes. Certains trouveront cette techno trop mécanique ou trop dirigiste, mais la précision du maître suffira une fois de plus à faire taire la critique. Car tout qui a déjà goûté à ce genre de tornade minimal techno sait qu’ici on ne rigole pas avec la musique électronique : le sujet est sérieux et les lignes de basses en sont le dernier porte-parole vivant. Alors quand une foule de zombies trouve encore assez de force pour suivre la cadence imposée par celui que certains qualifieront de légende, cela donne tout naturellement une messe musicale à la limite de l’occulte, balancée entre souffrance physique, éthylisme avancé et jouissance libertine. À l’aurore, le dancefloor ne ment pas : c’est soit l’hystérie, soit le retour au lit. Pour beaucoup ce soir là, l’oreiller était encore loin.
The Experimental Tropic Blues Band
Jour 3 / HF6 / 19.40-20.30
« Cette chanson est dédicacée à Michael Jackson, parce qu'en Belgique, on aime les violeurs d'enfants » Pour balancer ce genre de fulgurances, il fallait forcément s'appeler Dirty Wolf, aimer se trimballer à poil sur scène et faire partie de ce qui reste encore à l'heure actuelle l'un des groupes belges les plus sous-estimés, j'ai nommé The Experimental Tropic Blues Band. Groupe qui ne vit vraiment que lorsqu'il prend d'assaut une scène, le combo liégeois allie le meilleur des Cramps, des Sonics et de Bo Diddley à la puissance scénique d'un Jon Spencer surcoké et n'a pas son pareil pour plonger son public dans une transe alcoolisée, à un point tel qu'on se demande comment il se fait qu'il n'a pas encore tapé dans l'œil des gars de chez In The Red. A l'évidence, le groupe se fout de tout, à commencer par les modes et le qu'en-dira-t-on, et cela fait un bien fou dans un grand évènement comme les Ardentes où il est de bon ton de déambuler dans les allées affublé de sa plus belle casquette New Era ou de son Windrunner le plus scandaleux. Y’a pas à dire, on a tous en nous quelque chose de The Experimental Tropic Blues Band…