Concert

Les Ardentes 2011

Liège, le 7 juillet 2011
par Jeff, le 14 juillet 2011

Gablé
Samedi / 18.30 – 19.20 / Aquarium

Le truc à Gablé, c’est le n’importe quoi. Le grand, le beau, l’indescriptible n’importe quoi. Impossible de lire un article au sujet du groupe français sans y trouver les mots « foutraque », « fulgurant » et « imprévisible ». Mais c’est vrai qu’elle est foutraque, fulgurante et imprévisible, leur musique. Et particulièrement jouissive aussi. À l’image de son dernier album (Cute Horse Cut) et de ses 19 morceaux alignés en moins de quarante minutes, le concert de Gablé est une affaire de grands moments de folie douce, d’explosions imprévues, de délicatesse pop, de folk danieljohnstonien ou de rap borborygmé. Mais surtout, là où la discographie de Gablé éveille chez son auditeur une saine curiosité, sa transposition scénique est, elle, plutôt propice à vous foutre des frissons et vous infliger des déflagrations complètement inattendues mais jamais désagréables. Véritable montagne russe qui fait pleinement honneur à l’imaginaire des trois membres du groupe, ce concert a fait partie de ces petits moments de bonheur qui pimentent un festival. On les en remercie, évidemment.

Darkstar/Shackleton/Hatcha
Samedi / 21.30 – 00.00 puis 01.00 – 02.30

Vu la vision très manichéenne de l’organisation, assénant de la techno à tout berzingue le vendredi, le samedi, c’est dubstep à toutes les sauces. Enfin non, pas à toutes les sauces, plutôt à la sauce qui déblaie, ce brostep ridicule qui motive tous les clones à jouer la uk bass music avec des claviers assourdissants, ultra digitalisés et bien loin de ce qui pouvait se faire dans la fumée des clubs anglais il y a quelques années encore.

Mais revenons au départ, car peu pourront le raconter. En effet, en début de soirée se sont jouées les prestations de deux des producteurs les plus côtés du genre. Acte 1 : Darkstar, adoubé par Kode9 et son label Hyperdub pour un premier album à l’audace folle, pop et très en retrait par rapport à l’ensemble de la scène. Sur les planches, la mutation est totale : la formation joue tout sur des claviers d’une profondeur abyssale, à la limite d’une ambient extrêmement cosmique. Les voix chantent haut, le rythme est discret, l’immersion est à son comble.  Il ne reste plus rien de dubstep là-dedans (déjà que sur l’album, il fallait être attentif) sinon de vagues infrabasses, presque imperceptibles, qui viennent chatouiller le ventre et surtout rajouter une couche deep derrière les montagnes de claviers. Au final nous étions trente, c’était le meilleur concert des quatre jours.

Shackleton suit derrière, peu ou pas de spectateurs supplémentaires. Avec son dubstep ethnique et ses visions ambient, l’Anglais a une fois de plus démontré qu’il était l’un des plus grands monstres de la composition actuelle. Une première moitié de set conforme à ce qu’on a pu entendre sur son récent Fabriclive, certainement la meilleure partie de la prestation. La deuxième l’a davantage vu présenter des morceaux test, virant carrément techno sur la fin. Au final, on retiendra deux choses : premièrement Shackleton a fait montre d’une maîtrise qu’on lui connaissait déjà ; deuxièmement on s’est retrouvés entourés de trente pelés, dont une dizaine a consenti à lâcher un applaudissement. Pendant que sur la grande scène, Snoop Dogg balançait des « Snoop Doggy Fizzle Shizzle Wizzle » à tout va, les deux meilleurs concerts des Ardentes se sont joués devant cinquante audacieux. Ce qui en dit long sur l’esprit du public liégeois.

Enfin, on voulait lâcher une quenelle en règle à l’adresse d’Hatcha – Dj pionnier ayant donné le nom au genre, figure de la conscience dubstep jusqu’à un certain point – mais on se ravise à temps. Avoir la plus belle collection de dubplates d’Angleterre pour finalement jouer un set où tu passes le plus clair de ton temps à entendre le Transformer Optimus Prime se taper une grosse diarrhée, ça s’appelle du gâchis. Ou du suçage de bites consumériste, c’est selon. En fait, devenir fan d’Hatcha après l’avoir vu pour la première fois aux Ardentes, c’est comme devenir fan des Strokes sur Facebook uniquement après avoir écouté leur dernier album. Back to basics, mon pote.

 Crédits photos: Goldo et Sébastien Cuvelier