Festival International de Benicassim
Benicassim (Espagne), le 17 juillet 2008
Metronomy
Vodafone FIB Club / 20.30-21.30
Première constatation: 24 heures ou presque se sont écoulées depuis mon dernier passage dans le Vodafone FIB Club et le son y est toujours aussi exécrable. Et aujourd’hui, ce sont les Anglais de Metronomy qui sont les premiers à en faire les frais. Avec un son grossier et des voix difficilement audibles, difficile donc de s’attirer les faveurs d’un public toujours somnolent en raison de la chaleur insupportable qui règne sous la tente malgré une heure relativement tardive. Mais en dépit de ces conditions pas vraiment favorables, le groupe fait de son mieux pour réveiller les festivaliers avec son électro pop minimaliste qui lorgne du côté de Hot Chip et qui tente de démontrer, tant sur le fond que sur la forme, que Kraftwerk et Devo c’était cool, mais un peu trop ‘branlette arty’ quand même. Et c’est vrai que sur des titres comme « Holiday » ou « Radio Ladio », on pourrait presque leur donner raison. Ceci dit, on attendra la parution de leur album en septembre pour se faire une idée plus claire de leur cas.
Jeff
El Guincho
Fiberfib.com / 21.30-22.30
El Guincho pourrait bien être l’un des produits d’exportation espagnols les plus populaires de l’année 2008. Avec son album Alegranza, disponible par chez nous d’ici peu via Young Turks (le label des magnifiques Holy Fuck), Pablo Diaz-Reixa fait instantanément penser à un artiste qui a marqué de son empreinte l’année passée, j’ai nommé Panda Bear. Mais si la musique du rejeton d’Animal Collective évoque la pop ensoleillée en provenance directe de Californie, les boucles hypnotiques d’El Guincho nous transportent vers des latitudes encore plus tropicales pour une expérience qui vous titille les sens dès les premiers loops. Ceci étant, aussi convaincant soit el Guincho sur disque (on vous en reparlera bientôt), le jeune Catalan a encore quelques progrès à faire en live. Seul avec ses machines et ses percussions, il semble quelque peu perdu malgré une progression par couches (les boucles hypnotiques se succèdent pour attirer le public vers la transe) qui lui facilite quelque peu la tâche. Pour la personne qui découvrait El Guincho lors de ce concert à Benicassim, la prestation s’est probablement soldée par une fin de non-recevoir. Les autres se sont quant à eux laissés porter par les rythmiques tribales et hallucinées, toutefois conscients qu’il reste à El Guincho du chemin à parcourir pour devenir la vraie bête de scène qu’il pourrait être s’il maîtrisait davantage son sujet.
Jeff
Fujiya & Miyagi
Vodafone FIB Club / 22.00 – 23.00
Persuadé que le set des Babyshambles serait annulé pour cause d’arrestation par la Guardia Civil/d’overdose/de cuite monstrueuse/de manque d’envie (biffez la mention inutile), et ratant par la même occasion le magnifique "Buongiorno Espana" lancé à la foule par un Pete Doherty démontrant par là toute sa maîtrise des langues étrangères, c’est repu et désaltéré que je prends la direction de la scène Vodafone pour assister à la prestation de Fujiya & Miyagi, qui avait été une véritable révélation lors du dernier Pukkelpop. Malheureusement, dès que Matt Hainsby balance les premières notes de "Ankle Injuries" sur sa basse, on se dit que ça joue incroyablement bas et/ou que le public, pourtant pas des plus nombreux, parle incroyablement fort. De plus, le groupe, maintenant devenu un quatuor, ne semble pas vraiment dans son assiette et balance à la va-vite sa set list, sans véritable énergie, les temps morts entre les chansons semblant interminables. Même le visuel, pourtant particulièrement réussi (et proche de l’imagerie que l’on retrouve dans les clips de F&M, avec des images très 80’s de Pac-Man et de dominos pixellisés) ne parvient pas à me sortir de la torpeur dans laquelle je viens d’être plongé. Et au bout d’une demi-heure, je renonce avec un sentiment de gâchis, mais en me disant que cette déception me permettra d’obtenir une bonne place pour assister au très attendu concert de Hot Chip!
Laurent
Hot Chip
Fiberfib.com / 23.00 – 00.00
Le chapiteau Fiberfib étant déjà plein à craquer bien avant le début du concert de Hot Chip, zapper la fin de Fujiya & Miyagi, histoire de retrouver son compère, de s’hydrater et d’être bien placé, était une riche idée. Et dès que les Londoniens montent sur scène et entament les premières notes de "Shake a Fist", puis de "Boy from School", on se dit qu’on va passer une heure mouvementée car c’est tout le chapiteau qui commence à sauter et à reprendre tous les titres à l’unisson. Au bout d’un quart d’heure à peine, la chaleur est déjà intenable et on ne compte plus les garçons torse nu et les filles ayant abandonné tout bout de tissu devenu inutile.
C’est à cet instant que, frappé par un besoin aussi pressant que subit, mon compagnon d’aventure est contraint de m’abandonner. Le temps pour lui de sortir péniblement du chapiteau et voilà les 5 nerds anglais qui balancent "Over and Over", entraînant une espèce de délire collectif. Ca saute, ça chante et ça danse dans tous les sens et un regard vers l’arrière indique qu’on retrouve des spectateurs bien au-delà des limites du chapiteau, et que dans celui-ci, quelques intrépides ont décidé de grimper dans les deux arbres plantés là, à la recherche d’un peu d’air frais. Car pour le reste des mortels, le set imparable de Hot Chip fait de plus en plus de victimes parmi ceux qui ont voulu s’aventurer dans les premiers rangs… et même plus loin, les personnes plus petites commencent à se sentir oppressées et demandent à leurs voisins de plus grande taille la permission de passer quelques instants sur leurs épaules histoire de se refaire une santé. Ce qui aura valu à votre serviteur de se retrouver avec, autour du cou, une Anglaise plus très fraiche et dont la dernière épilation remontait à plusieurs jours déjà.
Pendant ce temps-là, sur scène, les membres du groupe semblent heureux de l’effet produit sur la foule et enchaînent les titres "Bendable Poseable", "Out at the Pictures", "Made in the Dark" (enfin un peu de répit), tout y passe. Alexis Taylor saute de manière assez comique avec ses maracas en main, et Joe Goddard se déhanche toujours autant, faisant penser à un Baloo sous acid. Mais si "Over and Over" avait déjà mis nos organismes à rude épreuve, ce n’est rien comparé à ce qui survient lorsque Hot Chip envoie "Ready For The Floor", qui déclenchera, selon les propos d’un observateur avisé placé quelque peu en retrait "la troisième guerre mondiale". Au bout d’une heure et après cet ultime coup de grâce, les cinq Londoniens décident de nous abandonner à notre triste sort avec une reprise du "Nothing Compares to You" de Sinead O’Conor. Le public quitte ensuite le chapiteau après y avoir laissé sa voix et quelques litres de sueur, mais conscient d’avoir assisté à l’un des meilleurs moments de ce FIB 2008. Et d’y avoir contribué aussi, car l’enthousiasme du public est pour beaucoup dans ce concert finalement très proche dans la forme de celui (très réussi lui aussi) donné au Botanique de Bruxelles quelques semaines plus tôt, mais qui avait laissé une impression beaucoup moins marquante. En tout cas, si c’est ça l’Apocalypse, on est prêts pour le Jugement dernier !!
Laurent
My Bloody Valentine
Escenario Verde / 23.50-01.00
C’est une équipe de trois rédacteurs que nous avons dépêchée à Benicassim, et pourtant, impossible de trouver parmi eux un fan indécrottable de My Bloody Valentine. Tête d’affiche incontestable de ce festival aux côtés de Leonard Cohen, le groupe récemment reformé (quoiqu’il dit ne s’être jamais vraiment séparé) revient après une absence longue de 15 ans et a déclenché chez ses nombreux fans une euphorie comparable à la reformation (toute pourrie) des Pixies. Personnellement, si j’aime un nombre incalculable de groupes chez qui on décèle sans le moindre problème l’influence de MBV, la discographie du groupe m'a toujours laissé de marbre. Ceci dit, c'est avec l'espoir de vivre une expérience cathartique que je zappe le concert de Spiritualized, pourtant excellent quelques jours plus tôt aux Ardentes, pour me rendre devant une grande scène bien garnie. Minuit pétante, le groupe débarque. Enfin, parler de groupe dans le cas de My Bloody Valentine est quelque peu exagéré. On a plutôt l'impression que quatre entités distinctes réunies par un amour inconsidéré pour le bruit ont pris place sur scène pour exécuter sans broncher leur part du travail : pas un mot, pas un sourire complice, pas un regard ne sera échangé. Ceci dit, les fans ne sont pas vraiment venus pour cela, mais plutôt pour entendre le groupe interpréter les odes à la distorsion et au boucan qui ont fait de Kevin Shields et ses ouailles l’un des groupes les plus marquants de la décennie précédente. Et à ce petit jeu, le public espagnol va en prendre plein les oreilles soixante minutes durant et ce, malgré une première moitié de concert légèrement poussive (il faudra attendre le magnifique "I Only Said" pour que commencent les choses sérieuses) et des voix purement et simplement inaudibles. Terminant sur un final apocalyptique à vous retourner les viscères, le groupe s’en va comme il s’en est venu : sans un mot, mais avec le sentiment du devoir accompli. Les fans ont adoré. Quant à moi, ce n'est pas ce concert qui me fera changer d’avis au sujet du groupe.
Jeff
Roisin Murphy
Escenario Verde / 01.30-02.30
C’est sur une scène exclusivement masculine que la belle Roisin Murphy fait son apparition au festival de Benicassim. Devant une horde de spectateurs sortant à peine du concert exigeant au possible de My Bloody Valentine, la rescapée du groupe Moloko pouvait présenter son dernier opus (Overpowered) en toute sérénité. La scène plongée dans le noir, il est 01h30 lorsque les choristes commencent en l’absence d’une Roisin qui n’arrivera qu’une poignée de minutes plus tard. Dès ses premiers pas, la starlette nous fait comprendre qu’elle sera la seule et unique lumière de cette nuit : dans une combinaison d’argent, l’Irlandaise s’élance comme provenant directement du futur. Pendant une bonne heure de concert, la belle jouera à ce jeu d’effeuillage progressif devant ses milliers de spectateurs tout acquis à sa cause. On pourrait alors imaginer une musique avant-gardiste qui viendrait se marier aux décors futuristes, malheureusement, il n’en est rien. Roisin se contente de présenter son album sans en changer une note et les touches disco electro pop version 80’ accusent un peu le coup sur cette scène pourtant bel et bien magnifique. On s’en désole et s’en lasse à la longue, car après quelques essayages, le défilé de mode devient pénible. Toutefois l’allure du concert a suffi à nous amuser un temps, et c’est à un Mika aussi extravagant que la scène de fin que reviendra la tâche de véritablement marquer cette soirée. Peut mieux faire.
Simon
Chromatics
Vodafone FIB Club / 02.30-03.30
On a beau être arrivé relativement tard sur le site, avoir tenté de gérer cette journée du vendredi comme on attaque une étape de montagne, c’est-à-dire sans se griller dès les premiers lacets, il n’en reste pas moins qu’au moment où les Chromatics montent sur scène devant un public des plus clairsemés (la faute à Mika et Erol Alkan programmés en même temps), notre équipe n’en mène déjà plus très large. On pourrait alors penser que les basses lancinantes des Américains allaient sonner le glas de nos ambitions du jour. Il n’en fut cependant rien. Certes, leur mélange de new wave et de disco synthétique n’est pas le remède idéal contre la fringale, mais il cache toutefois un énorme pouvoir de séduction, un peu à l’image de son interprète principale dont il suffit de suivre le pas de danse répétitif pour être pris au jeu. S’ouvrent alors les portes d’un monde où la froideur glaciale des ambiances est atténuée par le chant lascif et envoûtant d’une Ruth Radalet qu'on a bien du mal à quitter du regard. L’air de rien et dans la plus grande indifférence, le groupe a livré un concert impeccable, de ceux qui vous laissent un sourire hébété sur la tronche et une envie tenace de le revoir au plus vite.
Jeff
The Glimmers
Fiberfib.com / 04.00-06.00
Alors que pendant ce temps-là, en Belgique, le monde politique n’en finissait plus de s’étriper sur des problèmes dont le citoyen lambda n’a finalement que faire, mettant à mal l’unité d’un pays qui n’a vraiment pas besoin de ça, les deux Gantois des Glimmers, eux, restaient fidèles à une politique lancée il y a de cela une vingtaine d’années : party, party, party. Face à un public qu'Erol Alkan avait pris soin de mettre sur les rails pour le reste de la nuit avec un de ces sets dont il a le secret, les deux Belges n'ont pas vraiment dû forcer leur talent pour foutre un souk pas possible dans une tente Fiberfib.com encore copieusement garnie malgré l’heure. Accueilli dans la tente par le tube « Why Not ? » des Teutons de Alter Ego, le décor était donc planté. S’en sont suivies deux heures absolument délirantes, faites d'électro, de new wave et de moments finalement très... rock'n'roll.
Jeff
Photos: Archivo FIB / François Ollivier, Oscar Tejada, Liberto Peiro, Natalie Paco