Dour 2015
Dour, Plaine de la Machine à Feu, le 15 juillet 2015
Ce qu'on devait aller voir
Jon Hopkins
Le fait que Jon Hopkins soit arrivé en tête de notre sondage est symptomatique du pourquoi du succès de Jon Hopkins: sa capacité de parler à plus ou moins tout le monde. Pourtant, il faut bien admettre qu’on va avoir du mal à se montrer passionné pour sa prestation à Dour, tout simplement parce que c’est la même depuis la sortie d’Immunity, en 2013. Est-ce que c’est bien? Oui, indubitablement: c’est accessible et en même temps riche, il y a de jolies vidéos et lumières, et en plus, nous sommes dimanche à minuit, et à cette heure-ci, un pet de René la Taupe pourrait nous apparaître comme un chef-d’œuvre. D’ailleurs, pendant que Jon s’affaire à ses boucles harmoniques riches dans une Petite Maison ma foi bien aérée, Salut C’est Cool balance des beats cheaps à haute cadence avec paroles con-con et fait déborder la Cannibal.
Sunn O)))
Se taper un concert de Sunn O))) un vendredi en début de soirée sous la canicule hennuyère, c’est comme bouffer une glace en octobre: sur papier, ça n’a pas beaucoup de sens. Pourtant les fans le savent – après tout, qui d’autre qu'eux peut s’envoyer du Sunn O))) avec le sourire? – il ne suffira que d’un seul riff pour que ton chapiteau se transforme en deuxième cercle de l’Enfer. Expérience sonique, corporelle et infiniment mystique, cette heure en compagnie de Greg Anderson et Stephen O’Malley a fait le taf au-delà des espérances, regroupant un contenu naturellement épars en une grande messe diablement structurée (l’enfilade des séquences guitares/boucles drone; guitares/boucles drone/chant; chant/boucles drones et enfin le final guitares/boucles drone/chant), violente d’évocation et parallèle dans son rapport à l’espace. Sunn O))) en live, c’est l’évidence que le groupe sera toujours seul dans sa bulle, à des kilomètres de ce qu’on peut entendre dans la scène drone/black metal/doom-metal, toujours isolé pour notre plus grand plaisir. Enfin, comment ne pas remercier l’organisation de Dour de prendre ses couilles en main pour proposer, en toute connaissance de cause, un concert dont la moitié du public se cassera en cours de route (ou se bouchera inutilement les oreilles tout du long). Un des grands moments du festival, tant pis pour les fans de Kaaris.
A Place to Bury Strangers
Quand vous faites Dour avec des potes, et que vous avez la tâche de les traîner de scène en scène tout en gardant les troupes motivées, il faut faire preuve de ruse et d’intelligence. En particulier quand il s’agit de les amener à la Cannibal Stage pour se faire martyriser les oreilles par les distorsions rageuses de A Place To Bury Strangers. Souvent, il faut préparer ça en amont, leur parler régulièrement du groupe des mois avant le festival, pour que lorsque vous le mettez à votre programme, le nom résonne déjà dans leur mémoire. Tout ça pour que le trio new-yorkais casse vos mois d’efforts acharnés en se lançant, après un premier titre en forme d’appât, dans une prestation sombre et violente où les guitares volent sur la scène dès le second morceau. Très bien si tu veux t’en prendre plein la tronche sans être fan des rocks hardcore, moins bien si tu dois cultiver ton capital “confiance-concert” avec tes amis.
Santigold
Il y a pire qu’être déçu d’un concert dont on attend beaucoup, il y a être déçu d’un concert dont on n’attend rien. Avec son playback brouillon, paresseux, sans énergie ni présence scénique, et pas fondamentalement différent de sa prestation de 2009 (oui, OK, il y a des nouveaux titres, mais bon, c’est quand même les bons morceaux de son premier album qui restent au centre de la prestation), Santigold réussit à décevoir alors qu’on savait que ce ne serait pas très bon. #GG
Clap ! Clap !
On pourrait vous dire qu’on a été séduit par le mélange des genres super énergique de Clap! Clap!, vous dire que c’était exactement le concert qui fallait pour terminer en apothéose l’édition 2015 du Dour Festival, en profiter pour saluer la programmation “future world” du dimanche au Labo, avec notamment l’excellente prestation de débruit. Mais la vérité, c’est que dimanche à 1h45, on pieutait comme des vieux qui doivent être devant leur bureau ce matin-là à 9h, de préférence la gueule pas trop de travers.
Skepta – JME
Après la petite demi-heure de prestation de JME (qui se termine comme il se doit par un extrait de Shutdown du grand frère absent), une seule chose vient à l’esprit: comment le grime a-t-il pu passer de mode? Ce qui est certain après ce concert, c’est qu’on doute encore moins d’un retour sur l’avant de la scène de ce style puissant, dansant et urbain, bien plus versatile que la trap ou le dubstep. Quand à JME, les 20 minutes sur scène sont un peu courtes pour donner un avis définitif, mais il semble certain qu'il n'a rien à envier à son frère. Même s'il est clair que si on avait eu droit au concert programmé à l’origine, la fête aurait encore été bien plus grande!
Max Cooper
C’est marrant parfois comme des artistes aux parcours si différents proposent des lives si similaires. C’est le cas de Max Cooper, dont le concert fait irrémédiablement penser à la performance de Jon Hopkins, mais un cran au-dessus dans la grandiloquence, et un cran en dessous dans les chipotages électroniques. Un live d’électro assez planante, où le travail rythmique qu’on retrouve sur l’album Human ne transparaît pas des masses. Dommage. On peut aussi regretter des vidéos finalement pas super emballantes, et globalement l’impression tout au long du concert qu’il manque quelque chose. Peut-être de la sincérité? Après, la performance était présentée comme un projet spécifique (Emergence), et il serait injuste de dire qu’il s’agissait d’un mauvais live. Simplement, certain passages laissaient entrevoir des pistes sous-exploitées qu’on aurait préféré voir empruntées.
Tony Allen feat. Damon Albarn et Oxmo Puccino
Vous pensiez que que le moment déprime du festival - vous savez, ce moment où une chute brutale de votre taux de psychotrope vous ramène à l’absurdité absolue de l’existence - arriverait devant un groupe d’electronica allemand ou de de folk roumain? Raté! Cette année, l’honneur revient à la Tony Allen review, le “happy birthday” lancé par Damon Albarn pour les 75 ans de Tony (3 jours à l’avance, mais on va pas chicaner), le “nous sommes tous des artistes” de Oxmo Puccino, et le reste du groupe qui se demande ce qu’il fait là. Finalement, l’intérêt principal du concert, c’est d’imaginer les circonstances qui ont amené cette bande à se produire, à l’évidence quasi à l’improviste, sur la Plaine de la Machine à Feu. Notre pronostic, c’est que Dour a essayé de booker Blur, mais que le groupe a préféré se produire au Portugal. Damon, grand prince, aurait alors proposé de venir avec le reste de la bande pendant 15 minutes sur scène. On aurait pu s’en passer.
Nils Frahm
Avant le festival, on avait parié que le concert de Nils Frahm remporterait le trophée du concert le plus chiant de Dour 2015. On le reconnaît avec plaisir, ce ne fut pas le cas. Bien évidemment, la musique du pianiste reste bien plus appréciable dans le confort ouaté de son salon, de préférence avec un son un peu plus précis que ce qu’offre la Petite Maison. Mais malgré tout, un joli jeu de lumière sur l’orgue moderniste composé de divers instrument sur lesquels Nils s’esquinte, et bien, ça marche. Après, ça marche mieux sur les morceaux un peu plus puissants que sur les compositions subtiles et discrètes qu’il a tenté de livrer au milieu du brouhaha ambiant. Sans doute encore plus pour les Flamands drogués qui tentaient de danser sur le concert comme ils le feraient sur un set de trance. A Dour, le spectacle est souvent autant dans la salle que sur la scène.
Evian Christ
Le petit Evian, il ne carbure pas uniquement à l’eau (ça, c’est fait). C’est sans doute pour cela que c’est celui qui a le mieux tiré parti du cadre du Labo pour son concert. On a en effet pu profiter dans la salle complètement plongée dans le noir d’un jeu de lumière finalement assez simple mais plutôt efficace pour accompagner la trapcore (oui, je viens de l’inventer) du jeune producteur. Si dans la compétition pour le beat drop le plus lourd, Evian Christ se placerait sans doute dans le peloton de tête, sa musique se caractérise aussi par un tempo particulièrement lent, qui la rend quasiment indansable. En ajoutant à cela un petit goût pour les structures un peu plus complexes que les bangers traditionnels, on se retrouve face à une prestation fort courte (un petit 45 minutes alors qu’il était prévu pour une heure) et finalement assez répétitive, mais pas dénuée de bon goût.