Songs For Silverman

Ben Folds

Sony – 2005
par Popop, le 15 février 2005
5

En dix ans de carrière – six en groupe et quatre en solo, Ben Folds a prouvé à maintes reprises qu’il était non seulement un pianiste de génie mais également un compositeur surdoué, capable de fusionner pop, jazz, rock, et les influences de Randy Newman et Joe Jackson dans des hymnes lyriques ultra-jouissifs de 4 minutes. D’où les espoirs les plus fous qui surgissent à chaque nouveau disque du bonhomme, surtout depuis l’excellent Rockin’ The Suburbs de 2001 et malgré 3 EPs un peu faciles parus en 2003 (Speed Graphic et Sunny 16) et 2004 (Special D). Pas la peine de jouer les prolongations, Songs For Silverman est une déception. Certes, seulement une demi-déception, mais une déception quand même.

Premier constat : Ben Folds a vieilli. Le gaillard est désormais marié, avec deux enfants (toute référence à une série télévisée cynique est ici à exclure), presque rangé, et préfère désormais écrire des odes à sa petite fille (on penche même pour le terme de berceuse) et des ballades pour amoureux transis plutôt que de faire bouger les banlieues comme 4 ans auparavant. Second constat : Ben Folds se prend désormais pour Billy Joel, Elton John et Brian Wilson à la fois, mais ne parvient pas à sortir grand-chose de cette improbable hydre à trois têtes. Au mieux, comme sur "Jesusland", il repompe habilement les chœurs de Pet Sounds. Au pire, comme sur "Late", hymne naïf écrit en souvenir d’Elliott Smith, on frôle la réincarnation prolétaire de "Candle In The Wind".

De l’ensemble, on sauvera surtout la première moitié du disque, rondement menée par l’efficace « Bastard » (Ben Folds Five ressuscité), le single "Landed" et le très jazzy "You To Thank". Même "Gracie", mièvrerie écrite pour sa progéniture, parvient à charmer par son piano en roue libre, son violoncelle habile et sa rythmique toute mignonne. La suite sombre malheureusement dans des tempos lents et mous du bide, servis par des paroles indigestes, des mélodies tristes et des accords régurgités mille fois par le passé. On se demande d’ailleurs bien pourquoi "Give Judy My Notice", l’un des titres les plus anecdotiques de la trilogie de EPs, réapparaît ici dans une version encore plus poussive. Manque d’inspiration chronique ?? Ou passage à vide définitif masqué en reconversion intéressée - en vue d’une carrière facile et lucrative aux Etats-Unis ? Les paris sont ouverts. Pour l’instant, c’est fifty-fifty.