Plays John Carpenter
Zombie Zombie
Depuis plus de 30 ans réalisateur de films de série B, d'horreur et de science-fiction, John Carpenter a toujours été un véritable aimant à geeks. La critique ciné, principalement européenne, l'adore, entendant lire entre les lignes de ses scénarii souvent simplistes une critique féroce des travers de la société américaine. Le public nerdy et les cinéphages tordus le vénèrent également du fait que dans ses films, marginaux et autres inadaptés sociaux y ont souvent le beau rôle. Que Carpenter n'ait plus rien sorti de vraiment déterminant depuis le nanar Invasion Los Angeles en 1988 n'arrive même pas à ternir la superbe d'un culte toujours très conséquent. Ne boudons toutefois pas trop les plaisirs potaches et toxiques : si la qualité réelle de ses films est objectivement discutable, il est par contre indéniable que des productions comme Dark Star, Assaut, Halloween, The Thing ou encore New York 1997 et Vampires dégagent furieusement de la patate, du fun, de l'anarchie et ont assurément marqué plusieurs générations de spectateurs - d'ailleurs pas recrutés que parmi les amateurs satanistes de strictes bêtises gore.
Ce que l'on sait généralement moins, c'est que John Carpenter n'est pas qu'une icône cinématographique. C'est aussi quelqu'un qui pesa son poids de notes entêtantes sur l'histoire de la musique électronique, influençant notamment les débuts du smurf (la BO d'Assaut a été samplée par Afrika Bambaataa & The Soulsonic Force) ainsi que les DJ's new-wave ("The End Disco Version", classique dancefloor des années 80). A la barre de productions souvent fauchées, le réalisateur n'avait pas d'argent disponible pour les orchestres de cinéma, aussi les bandes originales de ses films étaient toutes fabriquées à partir d'une boîte à rythmes et de séquences de synthés ultra-répétitives - opération à l'époque quasi-inédite, du moins aux Etats-Unis. Carpenter composait lui-même ses musiques et les voulait basiques, sombres, tendues, voire désespérées; histoire de considérablement renforcer l'ambiance paranoïaque et claustrophobique de ses films où l'on croisait forcément peu de monde, vu l'absence de budget pour la figuration. A l'époque, ce minimalisme allait totalement à l'encontre des canons de la musique de films et il est passé pour carrément révolutionnaire. Carpenter l'a très bien compris et en a ensuite considérablement joué puisque même sur ses films plus mainstream et friqués, il a imposé ce qui est devenu un style musical en soi, souvent proche de la techno minimale, de la new-beat et de l'electro des années 80.
Un tel pedigree ne pouvait évidemment que rencontrer la passion de ces geeks patentés de Zombie Zombie (et de Joakim, qui les produit), grands chipoteurs de matosse analogique devant l'éternel et fins connaisseurs de l'histoire musicale des véritables pionniers de l'électronique. L'influence de Carpenter sur la musique du duo parisien est une évidence depuis toujours et trouve ici une incarnation ultime sous la forme d'un EP de 5 reprises de musiques de films de John Carpenter. C'est une expérience auditive agréable. Un bon disque qui pourrait toutefois être meilleur, car plombé par une adoration dévote envers son modèle. Etienne Jeaumet et Cosmic Neuman auraient en effet tout eu à gagner de prendre davantage de libertés par rapport au matériel de base. Le relooking est en effet très sage, trop sage, timide, discret, classique : un feeling un peu plus organique, un peu plus funky, une légère touche clubbing. Ce n'est pas que l'on s'ennuie, c'est juste que l'on se plaît à imaginer ces reprises de John Carpenter transcender le pur exercice de style, se voir totalement réappropriées par Zombie Zombie plutôt que simplement honorées. A l'origine très dénudées, beaucoup d'habillages restent possibles et il est donc un peu dommage d'en rester au plaisir geek de chipoter des séquences et de rajouter pas mal de batterie. Bien sûr, ce disque n'a pas la prétention d'être important en soi. Pour les musiciens, c'est un petit plaisir entre deux enjeux plus importants, les albums. Un travail de passeurs aussi, sans doute, puisque invitant clairement à (re)découvrir les originaux, il est vrai souvent estomaquants. Quoi qu'il en soit, l'hommage se poursuit sur scène, là ou excellent réellement Zombie Zombie, bien davantage qu'en studio.