Mango
Sascha Funke
On était sans grandes nouvelles du label Bpitch Control depuis la sortie massive de Happy Birthday du duo Modeselektor. Heureusement pour nous, l’écurie emmenée par la belle Ellen Allien nous propose, afin de rattraper son retard, une heure en tête-à-tête avec un des membres les plus discrets de son équipe. Evidemment, Sascha Funke est loin d’être un novice, parcourant son temps grâce à une foultitude de maxis aussi bien pour sa maison mère que pour un autre label tout aussi réputé (Kompakt Records), et rendant compte finalement de son immense talent au travers d’un premier album unanimement accepté par la critique de l’époque (Bravo).
Et quoi de mieux pour affirmer sa patte résolument novatrice que de prendre le contre-pied de ses anciennes réalisations, délaissant quelque peu une agressivité toute relative pour des plages plus romantiques, éternellement pop. On ne soulignera jamais assez l’importance d’une dimension mélodique omniprésente au cœur d’une techno minimale dirigiste au possible, sorte de gouffre qui ne trouvera probablement une issue de secours que dans une approche plus ou moins appuyée de l’élément mélodie. L’Allemand l’a bien compris et puise dans son esprit embué tout le savoir-faire qui le caractérise pour accoucher d’une œuvre finalement épurée et hautement chaleureuse. Les deux premiers titres en sont l’illustration précoce : « Mango » et « We Are Facing The Sun », deux pièces pleines de sérénité qui hésitent en permanence entre des nappes en apesanteur aussi douces qu’un oreiller au retour de soirée et un groove lumineux, assurant dans la répétition une tendance hypnotisante assumée tout au long de cet album.
Il ne fait nul doute que cette tendance au charme romanesque s’accompagne parfois d’une poignée de clichés propres à cet élan de sensibilité (notamment « Summer Rain », interlude coupant le disque dont on se serait probablement passé une fois le disque terminé) mais que dire face à un tel degré de maîtrise ? Probablement pas grand-chose car, une fois le disque arrivé à sa moitié, voilà que Monsieur Funke débarque sans prévenir avec des intentions autrement plus sauvages, distillant avec « Double-Checked » et « Lotre » un duo de bombes minimale en puissance, tordant les lyrics dans une implosion de matière furieusement maîtrisée. Après ce point d’orgue courageux, la chute n’en est que plus douce, ralentie par les guitares aqueuses de « Chemin Des Figons », résumant dans ses huit minutes la progression impeccable de ce Mango au sommet.
C’est cette ambivalence que l’on aime avec Sascha Funke, cette intelligence au service du bon goût qui a le soin de prendre son temps pour ne jamais commettre l’irréparable. Voilà au final une poignée de titres inédits qui fait admirablement bien le pont entre les beaux jours qui s’annoncent et le brouillard d’hiver que l'Allemand n’éclipse qu’à moitié d’un revers de la main, car trop occupé à se prélasser dans ces grandes étendues propices à l’apaisement. Dream On, Dreamer.