DJ Kicks
Chromeo
Très souvent, l’objectif d’un DJ Kicks est double. Sa mission première est évidemment de divertir, mais il est une seconde, tout aussi importante, qui consiste à éclairer la lanterne du fan qui a parfois un peu de mal à cerner les contours de l’univers d’un artiste qu’il apprécie tout particulièrement. Dans le genre instructif et euphorisant, les deux derniers volumes en date de la prestigieuse série du label K!7, signés Hot Chip et Booka Shade, faisaient figures de véritables cas d’école. Et alors qu’en cette année 2009, on attendait avec impatience que mystérieux et évanescent Burial se fende d’une sélection mixée de derrière les fagots, ce sont les Canadiens de Chromeo qui déboulent pour pallier à l’absence de la figure tutélaire du dubstep. Forcément, entre la profondeur du dubstep de Will Bevan et la superficialité de surface du duo P-Thugg et Dave 1, il y a un gouffre béant. Adeptes de ce que les années 80 ont engendré de pire (les synthés gouleyants et les avalanches de vocoder, ils adorent ça), les deux zozos sont quand même parvenus à enfanter l’un des albums les plus jouissifs de ces dernières années, l’ultra-référencé et jamais kitsch Fancy Footwork.
Forcément, vu les influences revendiquées des Québécois, il était évident qu’il fallait s’attendre à un objet pour le moins insolite pour une série qui a plutôt l’habitude d’héberger des artistes connus pour leur sérieux. Et force est de constater que niveau tracklisting, nos bons amis de Chromeo se sont montrés à la hauteur des attentes, ne ménageant pas leurs efforts pour nous dégotter quelques vieilleries de derrière les fagots, qu'ils associent à quelques électroniciens d'aujourd'hui à la réputation bien établie. Ceci étant, l'histoire est connue: il ne suffit pas d'élaborer un mix dont la seule lecture des titres suffit à faire jaser pour transformer l'essai, et ce DJ Kicks de Chromeo en est la parfaite illustration. Certes, l'ambiance de cette sélection aux fort relents disco/soul et new wave est festive et décontractée, mais le choix des titres pose trop régulièrement problème pour faire de ce DK Kicks un objet digne de l'investissement. Ainsi, si les bonnes surprises ne manquent pas (les pionniers de l'italo-disco de Kano, la french touch hédoniste de Lifelike ou la soul chaleureuse de Leo Sayer), les moments de souffrance sont presque aussi nombreux (la palme revenant ici à Diane Tell et à Pierre Perpall). Quant à Chromeo, ils se montrent bien en deçà de leur niveau habituel sur leur reprise du "I Can't Tell You Why" des Eagles.
Instructif, ce disque l'est indubitablement. Par contre, son capital gaudriole et second degré succulent, une constante sur les albums de Chromeo, est trop souvent mis à mal par des titres oscillant entre l'insupportable et le ridicule. Dommage et forcément décevant dans le chef d'un duo qui nous avait habitué à beaucoup mieux.