Dear Science
TV on the Radio
Lorsque les gars de TV on the Radio ont débarqué il y a de cela cinq ans, les qualificatifs manquaient souvent pour décrire la musique de ce collectif new-yorkais à géométrie variable, et les plus inventifs des rédacteurs s'étaient sentis obligés de créer des genres qui n'évoquaient finalement pas grand-chose. Il faut dire que ce mélange improbable d’influences nombreuses (rock, soul, free jazz, pop, electro, post punk, new wave et j’en passe) avait de quoi désarçonner.
Mais comme c'est souvent le cas avec les artistes véritablement originaux, la musique des Américains, à défaut de fédérer un large public, a au moins eu le mérite de diviser ce dernier et de susciter chez lui des réactions fortes - certains criant au génie tandis que d'autres n'y voyaient qu'une épaisse et ennuyeuse tambouille arty. Grâce à deux albums pour le moins réussis, le groupe est ainsi parvenu à se tailler une solide réputation et a même propagé sa bonne parole par l'entremise de son guitariste Dave Sitek qui a notamment partagé ses secrets de fabrication avec la naïade hollywoodienne Scarlett Johansson. Mais alors que le groupe nous revient avec sa quatrième réalisation, Dear Science, l'effet de surprise s'est logiquement estompé pour faire de TV On The Radio un groupe dont on attend surtout qu'il accouche d'un nouvel opus à la hauteur des précédentes livraisons.
Cependant, ce serait mal connaître la bande à Tunde Adebimpe. Car si d'aucuns pensaient que le groupe allaient continuer d'exploiter le juteux filon révélé par le massif Desperate Youth, Blood Thirsty Babes, celui-ci a préféré jouer la carte de la (relative) surprise sur un Dear Science qui reprend pourtant les choses là où le Return to the Cookie Mountain de 2006 les avait laissées. Certes, TV on the Radio reste ce groupe exigeant au possible, et le brumeux "Halfway Home" et ses couches multiples nous le prouve, mais il semble avoir quelque peu arrondi les angles et adouci son propos sur Dear Science. N'allez pas croire qu'en 2008, TV on The Radio nous fait du Hot Chip ou du Arctic Monkeys. Non, le combo de la Big Apple est resté fidèle à sa ligne de conduite originelle et prône les vertus d'une musique qui ne se refuse aucune folie et qui affectionne les structures d'une magnifique complexité.
Mais si par le passé, on pouvait reprocher à TV on the Radio d'en faire un peu trop et de rendre l'écoute de ses albums quelque peu indigeste, ici, tout semble avoir été fait pour rendre l'expérience plus passionnante et enivrante que jamais, comme en témoignent la ballade lumineuse « Family Tree » ou le funk blafard de « Golden Age ».
A n'en point douter, avec Dear Science, TV on the Radio franchit une nouvelle étape et poursuit une progression que beaucoup pensaient pourtant terminée. Cet opus est clairement un grand disque, l'oeuvre d'un groupe majeur résolu à marquer de son empreinte son époque. Vu le sans faute affiché sur ses trois dernières réalisations, c'est plutôt bien parti.