Un "maire de la nuit" pour Londres. Et Paris et Bruxelles dans tout ça?
Afin de résoudre les conflits entre les boîtes de nuit et les riverains ou les autorités, Londres pourrait avoir son premier "maire de la nuit", ambassadeur d'une industrie qui pèse aujourd'hui au Royaume-Uni la bagatelle de 66 milliards de livres. En effet, tous les acteurs du secteur déplorent la détérioration des conditions de travail dans un milieu de plus en plus fliqué, alors que les fermetures de clubs se succèdent à un rythme inquiétant dans la capitale anglaise, souvent victime de la gentrification, des projets immobiliers à gogo ou d'une législation de plus en plus restrictive - on se rappelle des récents déboires de l'emblématique Fabric.
Mais tout n'est pas noir dans la nuit londonienne. La métropole anglaise peut compter sur sa taille, son multi-culturalisme et son attractivité pour les artistes et hurluberlus en tout genre pour renouveler sans cesse son offre. Si l'industrie de la nuit fait face à des difficultés, il suffit de se plonger un peu dans les communautés dont on se sent proche pour trouver une flopée d'évènements dont les Parisiens et les Bruxellois ne peuvent que rêver.
Du côté de Bruxelles, d'ailleurs, même si certains se complaisent dans la complainte de la nuit bruxelloise agonisante, on est plutôt d'avis qu'on n'est pas trop mal servis. Même si la question des lieux est compliquée (pas mal de lieux ont disparu sans jamais être remplacés ces dernières années), l'offre en soirée est finalement large pour une ville de quelques centaines de milliers d'habitants.
Citons dans le désordre les soirées Leftorium, Antitapas, CatClub, Libertine Supersport, ou Black Out, les samedis du Fuse, la Strictly Niceness, Mon Cul Ta Praline ou Velvet69. Très certainement, ce n'est pas toujours passionnant, mais tout cela se concentre dans un rayon finalement assez restreint. S'il fallait comparer l'offre bruxelloise à l'offre londonienne (ou même parisienne), il faudrait aussi lui greffer celle d'Anvers, de Gand et de Liège - même si ces villes sont peut-être moins concernées par les problèmes qui gangrènent Bruxelles, ou alors dans des proportions moindres.
Clairement, tout n'est pas idéal, mais le Belge se doit de remercier le bon Dieu d'avoir son gros cul paresseux qui traîne quelque part entre Paris, Londres et Amsterdam. Ce qui fait de la capitale européenne une étape de choix pour des artistes qui débarquent dans un pays où le pouvoir d'achat est suffisant pour qu'ils puissent espérer des cachets dignes de ce nom. Parce qu'en termes de population, l'autre capitale de l'UE qui se rapproche le plus de Bruxelles, c'est Sofia. Et franchement, t'as pas envie d'être un clubber bulgare.
Quant à Paris, même si elle a souvent souffert d'une mauvaise réputation, elle semble de plus en plus offrir de nouvelles opportunités, au point que même cet ineffable pisse-froid de Serge Coosemans en dit du bien. Oui, Paris redevient une capitale digne de ce nom pour les oiseaux de nuit. La Concrete est devenue une véritable institution pour les branchouilles, tandis que le Rex, le Nüba, la Machine du Moulin Rouge ou le Badaboum proposent des programmations plus ou moins pointues et internationales. La preuve également avec VIRGO, fruit de l’union des promoteurs Sonotown et La Rafinerie et nouveau plus grand club de Paris, ouvert fin septembre. Sans oublier les scènes un peu plus alternatives comme le Batofar, le Glazart, la Java, ou les grands rendez-vous du Weather ou The Peacock Society.
La mairie de Paris a d’ailleurs elle aussi compris l’enjeu que représentait une vie nocturne correctement et intelligemment gérée, qui a dopé l'attractivité d'une ville comme Berlin ces dernières années. Un Conseil de la Nuit est né en septembre 2014. Deux fois par an, élus, associations, professionnels, chercheurs se réunissent autour de l’auto-proclamé « Maire de la Nuit » Clément Léon, adjoint au maire Anne Hidalgo. Le Conseil de Paris s'organise lui autour de sept groupes thématiques : nouveaux espaces, prévention des conduites à risques, vie nocturne et discriminations, mobilités nocturnes, tranquillité publique et médiation, commerces et travail de nuit, information et promotion de la vie nocturne. Dans les deux cas, il s’agit uniquement d’un rôle de concertation et de médiation et les deux instances ne mettent en place aucune mesure.
Bruxelles a donc certainement quelque chose à gagner en suivant le modèle de Londres ou celui de Paris. Reste tout de même à voir les résultats concrets de ces décisions politiques. Le poste londonien consistera à "rassembler les établissements, les résidents, les autorités locales, les services de transport, la police et les secours pour créer des relations saines et examiner les politiques à mettre en œuvre" d'après le Night Time Industries Association, qui regroupe les patrons concernés. Le travail comprend également une part de négociation en amont afin d'éviter de créer de futurs problèmes, notamment lors de la création de zones résidentielles à proximité des clubs.
Bref, qu'on habite Londres, Paris ou Bruxelles (et on vous parle même pas des pauvres gens à Sofia), il y a encore énormément de pain sur la planche si l'on vent défendre une culture clubbing qui, qu'on le veuille ou non, est régulièrement attaquée et menacée. Mais on y croit.