Tout le monde veut la jouer comme Turnstile (et on vous dit qui va y arriver)
Comme tant d’autres sous-genres des musiques à guitares avant lui, le punk hardcore vit aujourd’hui un inattendu quart d’heure de gloire, dans le prolongement de la sortie en 2021 de l'immense GLOW ON. Et dans les QG de nombreux labels revient la même question, lancinante: qui sera le prochain Turnstile? Alors qu’ici se pose une autre question: existe-t-il une formation capable de réaliser un tour de force aussi impressionnant? En attendant d’y voir plus clair, notre habituelle générosité dans l’effort fait le reste : on a décidé de vous mâcher le travail en vous donnant un petit aperçu des forces en présence, et de vous faire comprendre en filigrane pour qui on est prêt à mettre en jeu notre légendaire street cred.
Si vous doutiez encore de l’appétit carnassier des labels pour cette nouvelle scène punk hardcore, sachez que Militarie Gun est désormais signé chez Loma Vista, label qui héberge des artistes comme St. Vincent ou Denzel Curry - ce qui a du sens, puisque c’est sur les affiches des mêmes festivals que ces noms sont amenés à se croiser dans les mois à venir. On peut aussi comprendre pourquoi le label a décidé de miser sur ce beau petit cheval californien : si la base est punk et bien vénère (logique, le chanteur Ian Shelton se pète aussi les cordes vocales avec le groupe de powerviolence Regional Justice Center), Militaire Gun y ajoute des influences post-punk / post-hardcore, quand il ne la dilue tout simplement pas dans des choses beaucoup plus pop et mélodiques, pour un résultat qui se rapproche parfois d’un son « college rock » autrefois honni. C’est très efficace et ça n’attend plus que de transformer l’essai sur album ce 23/06. En attendant, ne vous gênez pas pour poncer les EP All Roads Lead to the Gun I & II sortis l’année dernière.
Formé à San Francisco autour de 2015, Drain est loin d'être un nouveau venu sur la scène mais a vu son exposition démultipliée ces trois dernières années. D'abord repérée par la légendaire écurie Revelation Records (Youth Of Today, Gorilla Biscuits) sur laquelle la bande du toujours très enthousiaste Sammy Ciaramitaro (également aperçu dans Gulch) a sorti son premier méfait California Cursed, c'est désormais sous la protection du géant Epitaph que roule Drain, à tombeau ouvert bien sûr, avec un hardcore trashisé et plein de good vibes, quelque part entre Power Trip et les Beach Boys - si, si. Drain est bel et bien en train de surfer la vague d'une hype légitimée par des concerts sauvages. Logique donc qu'ils enchainent cette année avec Living Proof, deuxième livraison qui devrait définitivement asseoir leur domination en haut des affiches hardcore, avant une immersion dans un circuit plus mainstream ?
Autre entité à avoir fait son chemin dans nos sonars en période de pandémie, Gel est un groupe du New Jersey qui remet au gout du jour un punk hardcore crasse inspiré de grandes figures 80's telles que Negative Approach ou Discharge. L'attrait ici ? Ses riffs d'une affolante efficacité et une section rythmique qui joue avec la rapidité d'un Thalys reliant Bruxelles à Paris. L'EP Violent Closure en 2021 avait déjà su nous convaincre du gros potentiel de Gel qui deux ans plus tard effectue ses vrais débuts sur Only Constant, premier album de 10 titres en 16 minutes paru en mars via Convulse Records. Avec une bonne centaine d'apparitions au compteur et une poignée de morceaux infectieux sous le coude, Gel s'est sérieusement fait sa place aux États-Unis, étape par étape et toujours en bonne compagnie. Le succès de leur toute première tournée européenne atteste que l'excitation autour du projet est réelle et que le meilleur reste très probablement à venir pour cette équipe là.
High Vis
Pour des raisons purement historiques, le punk hardcore a souvent été une histoire d’Américains - pour ne pas dire de Californiens. En tout cas, ce sont souvent des groupes américains qui donnent le ton et se taillent la part du lion. Même si la scène UKHC, dont sont notamment issus des Higher Power (Roadrunner Records), des Chubby & The Gang (Partisan Records) ou The Chisel (toute nouvelle signature sur Pure Noise) est régulièrement bouillonnante, pas toujours facile donc pour les autres d’exister, sauf à être particulièrement doué ou original dans l’approche. Les Londoniens de High Vis cochent ces deux cases, eux dont la musique doit autant aux Dead Kennedys et à Minor Threat qu’aux Stone Roses et à PiL. Sans hype démesurée ou emballement artificiel, le premier album du groupe a réussi à se faire une place dans pas mal de coeurs et de playlists pour la seule qualité de ses compositions. Nous sommes plus de six mois après la sortie du second intitulé, Blending, et très clairement, on sent que le groupe a pris une autre dimension. Notre petit doigt nous dit que ce n’est que le début.
Les premières parties de Limp Bizkit, une palanquée de concerts (parfois dans des fast-food), des tournées partout et des festivals dont Coachella en point d'orgue cette année… C’est peu dire que depuis la sortie du premier album How Flowers Grow fin 2021, l’agenda de Scowl a largement vrillé. Également issu de cette scène de la Bay Area dont l'éruption n'en finit plus, le groupe de Santa Cruz s’est frayé un chemin sur tous les line ups en à peine deux ans. Comment ? A coup de tubes punk bien véloces, dorénavant dilués dans un rock alternatif 90’s, comme en témoigne la nouvelle direction prise sur un nouvel EP Psychic Dance Routine. Désormais sur une autoroute, on voit mal comment la bande menée par la très charismatique Kat Moss échouerait à atteindre une nouvelle audience pas forcément issue du hardcore mais qui ne s’oppose pas à une petite activation du pit quand il le faut.
Si vous n’avez pas encore abandonné la lecture de ces lignes, on vous conseillera également de jeter une oreille attentive, toujours sur Convulse Records, au punk hardcore de GUMM dont le premier album vient tout juste de sortir ainsi qu'au saisissant synth-punk de MSPAINT, dont on vous a déjà dit tout le bien qu’on pensait du premier disque.
Si vous aimez votre punk brut et menaçant, le premier album de Spy qui sortira début juin sur l’inévitable Triple B Records devrait vous titiller les cavités. Celui-ci fait suite à deux EP remarquables et remarqués sortis en temps de pandémie. Le groupe sera par ailleurs en tournée européenne dès cet été, idéal pour les personnes qui préfèrent les concerts sous la barre des 14 minutes environ.
Toujours sur Triple B Records, mentionnons Mindwar, groupe de Lokeren, qui vient également de sortir son premier album, Still At War. Après des années de charbonnage sur les scènes belge et européenne, on ne peut que se réjouir de voir ces chantres flamands du spinkick passer à la vitesse supérieure. Chaudement recommandé si vous aimez quand la vibe se situe quelque part entre Cro Mags et Hatebreed.
Toujours en Belgique, le quatuor bruxellois Instructor a publié Terror Zone en toute fin d’année dernière. Un remarquable premier album, ambiance NYHC et coups de shlass dans une ruelle sombre, paru sur l’excellente maison britannique Quality Control. C’est également à ces joyeux lurons à qui l’on doit la résurgence dans la capitale belge d’une scène punk/oi/hardcore qui traine ses guêtres du côté du Cobra Jaune. Merci à eux pour ça.
On en place également une pour la formation californienne Vamachara qui vient de publier son second album baptisé No Roses On My Grave chez Closed Casket Activities. Cinq ans déjà après un premier essai et quelques changements de line-up plus tard, il est grand temps pour ces pourvoyeurs de hardcore métallique made in LA de pulvériser la concu grâce aux 28.993 mosh parts qui parsèment désormais leur discographie. Une tournée européenne débutera en juin pour eux et une belle occasion pour vous de libérer la créature des cavernes qui sommeille en votre for intérieur.
Enfin et dans le reste du monde, renseignez-vous donc sur Speed (Australie, Flatspot Records) dont on attend prochainement le premier album, The Worst Doubt (France, BDHW) qui enregistre actuellement son second long-format, Kruelty (Japon, Profound Lore Records) qui vient de publier l'oppressant mais très réussi Untopia ou encore le powerviolence de Zulu (US, encore Flatspot Records) dont on a récemment pu aborder le travail dans ces pages.
Et parce que le namedropping a atteint dans cet article des niveaux de sauvagerie digne de la filmo de Nicolas Winding Refn, on termine par un plaisir simple : une playlist de 20 titres, au terme de laquelle vous filerez certainement vers le Decathlon le plus proche pour vous acheter un gros sac de sable.