La rédaction de Goûte Mes Disques vous a toujours pris par la main pour vous accompagner dans les méandres de la pop, du rock ou des musiques électroniques. Un truc intimiste pour le bonheur de vos oreilles. Pourtant, aujourd’hui, c’est dans l’immonde qu’on vous emmène. Après presque douze mois d’écoute, on peut vous amener à la lisière d’une musique déconseillée aux gamins et aux grenouilles de bénitier. Nous, on ne vous y accompagnera pas, on sera occupé à soigner une maladie qu’on a attrapée pendant la rédaction de ce papier, un début de misanthropie et de négativité prononcées parait-il. Ça ne devrait pas vous dissuader de pénétrer un monde musical (qui deviendra vite une énigme sociologique) puissant, froid et imagé. Un guide tout sauf exhaustif (en même temps vu la production depuis trente ans, ça aurait été hasardeux) du satanisme musical qui, on l’espère, vous ouvrira des portes sur une scène inédite dans l’histoire du rock extrême. Histoire d’en finir avec les sentiments pop à la noix, de remplacer les palmiers par des pentacles et de faire tourner ta belle-mère dans une orgie en plein cœur d’une forêt de Dovrefjell-Sunndalsfjella.
10.
Immortal
At The Heart Of The Winter
Il aura fallu attendre cinq albums pour qu’Immortal se montre réellement à la hauteur des attentes. Un rendez-vous avec l’histoire qu’Abbath (qui cumule alors la guitare, la basse, le chant et les claviers) et Horgh ont longtemps cherché au cours des quatre premiers albums (de qualité plus que méritante, si on s’attache particulièrement à la brutalité de Pure Holocaust et Battles In The North) et qui arrive sans trop prévenir avec ce At The Heart Of Winter sorti dans une époque de transition, déjà moins saturée de toute cette obsession oldschool/sacrifices humains/thé dansant avec le Malin. At The Heart Of The Winter, c’est probablement le récit metal le plus épique de toute l’ère black. Un disque-iceberg que tu ne peux pas éviter sans y laisser des plumes, un mastodonte de production et de riffs qui continue de foutre des biffles quinze ans après sa sortie.
Immortal est à l’image de ses deux membres : différent. Pas de satanisme à la petite semaine, pas de production merdique, et beaucoup, beaucoup de heavy-metal dans la formule. C’est un produit unique qui s’offre à nous, bien moins brutal que les précédents, mais tout aussi rapide et vindicatif. Et qui dit tendance heavy dit forcément technique de feu, entre batterie ultra carrée et guitares affûtées comme des rasoirs. Le chant est épisodique, classique et maîtrisé, mais c’est surtout la narration des parties instrumentales qui sont le véritable cœur de cette plaque en or – bien aidée par une production claire et extrêmement guerrière. Sorti en 1998, At The Heart Of The Winter demeure encore comme une des œuvres les plus propres et intellectualisées du black norvégien. Peut-être la porte d’entrée la plus accessible pour les néophytes.
9.
Bathory
Under The Sing Of The Black Mark
Ce top non-exhaustif étant volontairement très court, cette liste a été réalisée par élimination successive, en décomptant les disques dont on ne pouvait pas ne pas parler (ce qui nous a contraints à laisser au placard des plaques qui nous tenaient pourtant à cœur). Dans cette logique, parler de Bathory s’est directement imposé comme une obligation morale, ne serait-ce que pour faire un peu d’histoire. Car Bathory – tout comme Venom, Hellhammer ou Celtic Frost – fait partie des premiers à avoir tendu vers quelque chose possédant les caractéristiques d’un « true » black metal. Imaginée comme une sorte de speed-metal qui proposerait une alternative valable à la surenchère de death-metal qui sévit en Norvège à la fin des années 80, la musique de Bathory va vite se mettre à causer de Satan, à beugler sur des rythmiques typées punk et surtout à créer une première brèche qui formera rapidement le nid d’une tradition nationale en forme de mainmise presque totale sur dix longues années.
Passé le premier « album » éponyme, enregistré dans une cave par quatre mecs à peine en âge d'entrer à l’université, Bathory va marquer de manière définitive l’histoire du black avec ce Under The Sign Of The Black Mark, bien meilleur dans sa production et dans son approche. Et il faudra seulement trente-cinq minutes à la bande de Quorthon pour imprimer son nom sur les tablettes du genre, très certainement grâce à l’énergie et à la rapidité punk qui se dégage de ces neufs titres, à l’équilibre magnifique de sa production (il faut entendre le cœur des soli pour le croire) et à l’autre qui hurle des lyrics de feu comme un putois à qui il ne reste plus qu’une poignée d’heures à vivre. Un disque à part, tant historiquement que musicalement, absolument immanquable dans la collection des apprentis suppôts que vous êtes.
8.
Xasthur
Subliminal Genocide
Fini la suprématie de l’Europe continentale sur le black metal (en provenance de Norvège, surtout, mais aussi des pays méditerranéens, de la France et de la Suède), on vous parle ici d’une époque où cette musique a désormais traversé l’Atlantique pour vivre une nouvelle jeunesse chez les Ricains. Nouvelle géographie, nouveau paradigme pour un black metal qui ne peut plus vivre seulement au travers de ses excès, de ses mythes et des idéologies surannées. Le black américain (usbm pour les intimes) est un produit moulé sur la culture locale – ou plutôt sur l’absence de culture propre – qui abandonne le satanisme à la petite semaine pour quelque chose de plus raw, de plus violent encore dans les thèmes proposés. Coïncidence ou non, le créneau de l’Amérique du black, c’est la dépression et les envies suicidaires, le tout soutenu par une obsession pour la dissonance et les disharmonies. Certains iront jusqu’à ne pas reconnaître l’usbm pour ces raisons, la tradition du oldschool européen étant encore trop ancrée dans la mémoire de certains pour changer leur axe de raisonnement.
Xasthur souffrira de cette image de néo black-metal, quoiqu'une oreille attentive aura vite fait de vous convaincre du contraire. Parce que Xasthur, c’est la dissonance incarnée. Parce que Xasthur, c’est surtout l’une des voix les plus contagieuses et suicidaires sur trente ans de production tous pays confondus. Parce que Xasthur c’est le synonyme parfait de la dépression musicale. Le suicide incarné. Si on lui reprochera surtout de toujours sortir le même disque, Subliminal Genocide en est le moule parfait. Il synthétise magnifiquement tout ce qu’est le black-metal joué en « magma », c'est-à-dire dans une production parfois si volontairement mauvaise que guitares, basses, claviers et batteries sont fondus en un grand blizzard metallo-ambient de premier choix.
Mais ce disque c’est surtout un disque à l’image de son auteur : solitaire, suicidaire, timide et totalement inadapté à notre société actuelle. On vous recommande particulièrement le visionnage de One Man Metal (reportage sur Xasthur, Leviathan et Striborg), qui nous montre un homme incapable ou presque de s’exprimer en public, qui compose seul dans une cave et qui quitte épisodiquement ses habits de skater pour se parer de ses tuniques noires, de sa perruque et de son grimage de mort. Une véritable machine de mort qu’est ce disque, et qui culmine sur l’exceptionnel « The Prison Of Mirrors » (probablement le plus grand titre de black toutes époques confondues). Le black américain, au travers de Xasthur, nous montre une musique qui théorise moins sur la fin du monde que sur la fin de l’homme pris dans son individualité et solitude infinie. Un des disques les plus incarnés que vous pourrez trouver au cours de vos pérégrinations.
7.
Vlad Tepes/Belkètre
March Of The Black Holocaust
Difficile de causer black metal sans revenir deux secondes sur l’œuvre du collectif Les Légions Noires. Car si le black a toujours trouvé en France une niche plus que confortable (il suffit de voir la popularité en 2013 de groupes comme Blut Aus Nord ou Deathspell Omega), c’est surtout au Black Legions, comme on les appelait Outre-Manche, que la France doit son statut de terre satanique de premier choix. La caractéristique première des Légions Noires ? Probablement la production la plus négligente de toute l’histoire de cette musique, et c’est bien un comble ici. Presque une vingtaine de groupes provenant des quatre coins de la France (Montpellier et Bergerac principalement) se déchaîneront sur des EP, démos autoproduites et autres longs formats improbables avec une crasse et une puanteur sans commune mesure.
De cette époque, qui s’étend globalement de 1993 à 1997, on retiendra principalement quatre formations ayant eu un impact déterminant sur l’histoire du black : Torgeist (et son Devoted To Satan EP), Mütiilation (dont le Remains Of A Ruined, Dead, Cursed Soul est un must-have définitif pour tous les diggers qui voudraient aller plus loin), Belkètre et Vlad Tepes – et plus particulièrement leur split-album March of The Black Holocaust. Tout le black underground hexagonal est contenu dans ces cinquante minutes de merde : des riffs d’une inspiration tout à fait géniale, des vocaux d’une crudité et d’une haine à tomber à la renverse, une atmosphère de drogue et de suicide étouffante et une production qui se déchire de partout. Vlad Tepes entame la première moitié avec un son tout en « puissance », véloce et dégueulasse pour laisser la place à un Belkètre plus braillard, plus dans la texture et dans l’aigu. Une véritable leçon donnée à toutes les grandes figures de la scène par des gamins camés et en manque de repères. Il est d’ailleurs difficile de trouver meilleur split en matière de black (peut-être celui de Xasthur avec Leviathan). Une plaque aujourd’hui portée par les connaisseurs comme un pilier incontournable de la scène oldschool.
6.
Mayhem
De Mysteriis Dom Sathanas
Si on attribue historiquement la naissance du black metal à des groupes comme Bathory, Venom ou Hellhammer, on doit très certainement à Mayhem sa naissance médiatique. Et comme toujours avec ces Norvégiens-là, c’est dans l’ignoble et le symbolique qu’on travaille. Ici, on ne vous parle pas des traditionnels incendies d’églises ou de profanation de cimetières, on est dans le level supérieur, le petit meurtre entre amis. Le 11 août 1993, Varg Vikernes (bassiste du groupe, mieux connu sous la légende Burzum) envoie 23 coups de couteau dans le dos, la tête et la gorge d’Euronymous, guitariste regretté par toute la scène black de l’époque. Une sombre histoire qui se teinte immédiatement de légendes (affaire de royalties, rivalités strictement musicales…) et qui envoie Mayhem sur le devant de la scène, bien malgré lui.
De Mysteriis Dom Sathanas n’en demeure pas moins l’un des plus beaux joyaux de l’ère norvégienne du « true black metal ». Un disque qui sent la drogue, l’excès et la violence ; un disque paganiste au possible, qui ne pardonne rien aux chrétiens locaux et défie toutes les lois de la bienséance musicale. Les blasts sont de rigueur et les guitares d’Euronymous (enregistrées juste avant de se faire cranter) sont démentielles de lucidité, rapides et autorisant des breaks historiques. Puis il y a ce Attila Csihar au chant, qui restera comme l’une des voix les plus mystérieuses de l’histoire de cette musique : rampante et sinueuse, la voix du Hongrois est susurrée, jamais hurlée. Les fans de l’époque pourront trouver Tormentor décevant au chant (bah ouais, le chanteur initial, Dead, s’est envoyé une balle dans le crâne deux ans avant), celui-ci est indubitablement un des trois gros piliers de cet album en or. Une machine de mort, vampirique as fuck. Pour beaucoup LE plus grand album de black metal oldschool.
5.
Darkthrone
Under A Funeral Moon
Il est amusant de voir comment les fans de black s’entre-déchirent pour cerner la véritable notion de « true norwegian black metal » (le genre de débats stériles qui pourraient être tenus sur Star Wars ou le Seigneur des anneaux). La réponse se trouve quelque part dans la discographie de Darkthrone, au moins dans cette trilogie incendiaire formée par A Blaze In The Northern Sky, Under A Funeral Moon et Transylvanian Hunger. Un tiercé gagnant difficilement séparable, qui voit Darkthrone quitter rapidement des débuts death-metal pour devenir une formation pionnière du black, jusqu’à imposer en quelques années ses trois disques comme des lieux communs de culte. Under A Funeral Moon se situe au beau milieu du bordel – et c’est pour cela qu’on l’a choisi – et devient le premier « vrai » grand disque de black des Nordiques, laissant de côté tous les derniers éléments de death pour rentrer dans la froideur la plus pure.
Tout dans ce disque est une synthèse des éléments qui font le genre : le côté cru et in your face, le blast beat linéaire qui n’est là que pour soutenir des riffs géniaux, mais décimés par une production volontairement à chier. Sans compter ce Nocturno Culto qui surplombe ce long et épais brouillard d’une voix rauque et braillée (sans compter les lyrics de Fenriz, d’un mysticisme satanique à la cool). Les premières écoutes peuvent s’avérer difficiles, Darkthrone ayant une ligne de conduite très compacte sur ses trois chefs-d’œuvre, mais on se rend vite compte que les Norvégiens sont déjà une des machines à riffs les plus efficaces de leur époque. Les écoutes passent vite, et Under A Funeral Moon devient alors le monstre de haine qu'il était destiné à devenir, immersif et total. Un des plus beaux voyages que le black metal aura à nous proposer, dans toute sa vélocité et son classicisme luxueux. Prends ça, Mère Teresa!
4.
Emperor
In The Nightside Eclipse
Difficile de causer de ce In The Nightside Eclipse objectivement quand on voit la place qui lui est réservée au panthéon des métalleux, qu’ils soient d’obédience black ou non. Un statut d’immortel malgré sa toute-puissance symphonique (hé ouais mec, on parle de funeral black-metal ici), unanime et définitive. Un disque court (quarante-huit minutes pour une légende) mais qui envoie plus de pâté de pine qu’une Sascha Grey sous mauvais speed. Technique de feu, jeu supra-rapide et surtout un Ihsahn au chant qui fait péter les aigus de partout. Rayon ambiance, In The Nightside Eclipse demeure encore aujourd’hui comme un des musts du symphonique, certainement en raison de l’équilibre de ses claviers, de la profondeur de ses thèmes et des couleurs qui en sortent.
Les thèmes symphoniques sont classiques et classieux, mais ceux-ci ne sont là que de manière à emballer délicatement une furia de blasts, de guitares épiques et de chants braillés. D’ailleurs, le tout forme vite un magma de feu et d’acier – extrêmement bien révélé par toutes les nouvelles versions remasterisées – qui propose, d’un côté, une explosion des sens, un jeu va-t-en-guerre, et de l'autre, une finesse des arrangements inégalée pour l’époque. L’alpha et l’oméga du black metal symphonique, qui peine encore à trouver un véritable équivalent vingt ans après sa sortie (exception faite du Dusk…And Her Embrace de Cradle Of Filth, histoire de faire dans le cinoche).
3.
Burzum
Burzum
Dans la famille des grands prédateurs, je demande le loup. Difficile de causer de Varg Vikernes de manière synthétique, de son actualité strictement musicale. Car d’une certaine manière, Burzum est le black metal norvégien, l’incarnation de ses excès, l’extrémisme de son idéologie. On aurait également pu choisir entre nombre de grands disques dans la discographie de ce paria (le gigantesque Hvis Lyset Tar Oss, et son énorme « Det Som En Gang Var » ou Filosofem et son recul tout en synthèse), pourtant c’est bien le tout premier album du bestiau qui n’en finira jamais de tourner sur nos platines. Pourquoi ? Peut-être parce qu’on ne trouvera jamais plus haineux que Burzum à cette époque. Pour beaucoup (de fans comme d’artistes), le black metal se définit par de l’imagerie satanique transcrite en musique, jusqu’à en perdre l’objectif réel : produire une musique non seulement infréquentable, mais surtout cathartique et désespérée. Parfois la forme prend trop le pas sur le fond, tout en étant facilement justifiable sur l’autel de la production pourrie et du satanisme de supermarché (ici il n’y a aucune référence au satanisme, mais plutôt aux mythologies nordiques).
C’est pour ça qu’on vous parle de ce premier disque de Burzum, qui tape simplement au but sans devoir rendre des comptes à une scène qu’il n'a pas modelée. Cet album éponyme, ce sont des riffs simples, joués en lignes claires et posés à même le sol, une batterie qui blaste avec calme et qui soutient toujours le corps du titre avec une régularité et une humilité rares. Mais ce premier album c’est surtout Varg Vikernes qui chante comme une bête en cage, comme un mec qui a perdu femme et enfants dans une même journée. Une douleur qui sort de la gorge comme un mal incurable, écorchée et tonale. C’est absolument superbe dans la répercussion, dans le cycle ad nauseam du disque, toute cette simplicité qui contraste avec la douleur de ce mec qui se torture au micro. Ce disque est d’une froideur et d’une matérialité qui glace le sang, un produit trop terre-à-terre, trop réel – le break de « Spell Of Destruction » est unique dans sa souffrance. L’artiste n’est plus dans l’imagerie, dans la déformation de soi pour la musique. Il n’y a plus de filtre entre ce qui est joué dans l’album et sa propre vie. Burzum est le disque d’un homme qui a envie de tuer. Et qui tuera, un an plus tard, le guitariste de Mayhem, prenant au passage vingt-et-un ans de prison pour les vingt-trois coups de couteau qu’il a balancés dans son défunt partenaire ainsi que pour l’incendie de plusieurs églises catholiques.
Libéré après avoir purgé seize années de taule, Burzum n’en demeure pas moins un antisémite notoire (les croix gammées sur la pochette de Dauði Baldrs font toujours mauvais effet) et un partisan d’un paganisme à l’échelon national. Burzum, ce personnage sombre et controversé qui cristallise tous les maux et la symbolique du genre black metal. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer la réaction de l’intéressé lors du prononcé de la sentence par le tribunal d’Oslo. Vous avez dit glacial ?
2.
Rotting Christ
Thy Mighty Contract
Aussi bizarre que ça puisse paraître, et ce dans une époque marquée par la surpuissance norvégienne, seuls les pays de la Méditerranée pourront opposer une résistance de taille au milieu du black oldschool. Et plus étonnant encore, ce sont les Grecs qui seront les seuls à tenir la dragée haute à leurs confrères nordiques. Se développe alors un tissu de sorties mythiques, dont Rotting Christ sera le porte-drapeau le plus virulent. Auteurs d’une trilogie qui ferait de l’ombre à celle de Darkthrone, composée de Passage To Arcturo(la version remasterisée sinon rien), Thy Mighty Contract et Non Serviam, les mangeurs de feta imposeront avec force le style méditerranéen et s’approprieront une place dans les livres d’histoire (ou à tout le moins dans les tops comme celui-ci).
Comme pour mieux forcer le cliché, Rotting Christ insuffle une chaleur certaine (et relative) à ses compositions, ce qui se traduit par un très gros héritage heavy fait de changements de hauteur, de ton et de couleur. Thy Mighty Contract, c’est surtout l’histoire d’une écriture encore aujourd’hui unique, d’une furia qui envoie des mélodies de bâtard, des blasts beats faits main qui n’hésitent pas à retomber dans un registre plus lent pour mieux revenir te casser la mâchoire. Toute cette narration, ce sens de l’imagerie et du satanisme comme un moyen plutôt qu’une fin (celui-ci est utilisé pour aller plus loin dans un grand disque, pas pour justifier un mauvais disque), ces vocaux déments et cette production à l’équilibre délicieux font de Thy Mighty Contract l’une des perles les mieux cachées du black méditerranéen (à l’instar du His Majesty At The Swamp de Varathron). Ils prêchaient l’enfer en Europe, ils auraient été bien étonnés de savoir que ça commencerait par leur contrée.
1.
Leviathan
The Tenth Sublevel Of Suicide
There’s no light for you at the end of the tunnel. Le message est clair dès la fin de l’intro, Leviathan n’est pas là pour te faire de la sérénade pop. Son truc à lui, c’est la dépression infinie et les convictions suicidaires. Leviathan c’est surtout le one-man-band le plus sombre et technique que tu trouveras dans mon étagère black metal, un produit absolument parfait. Comme avec Xasthur, l’entité Wrest est culturellement détachée des symboles du black « à la norvégienne », prônant un black metal laïque qui ne cause que de misère humaine, de suicide et de misanthropie. Et bordel, qu’est-ce que ça frappe! The Tenth Sublevel Of Suicide est l’incarnation d’une perfection black : sa violence punk aux riffs dissonants, sa batterie supra-technique qui cale des blasts de furieux pour passer après sur des thèmes plus downtempo, ses arpèges, ses lignes de basse (putain que ça fait du bien d’entendre de la basse dans un album de black), ses nappes ambient et sa voix. Putain, sa voix!
Leviathan ne chante pas, il hurle sur des longueurs qui donnent le tournis, il se vomit lui-même et incarne finalement toute la tristesse de sa musique. Il y a tellement de hauteur et de variation (la voix lente et grave de Wrest percute particulièrement quand elle débarque), tellement de pistes à explorer sur la longueur et tant de recoins musicaux absolument incarnés. Il n’y a pas de jeu ici, pas de pose trendy, tout est souffrance et enfer social. On pourrait dire tant de choses sur cette plaque, sur cet homme qu’on connaît finalement peu – on sait juste que toute sa discographie est en or (surtout Massive Conspiracy Against All Life), pour le reste on vous conseille le visionnage de One Man Metal – mais l’essentiel de ce disque se trouve dans la contemplation de la tristesse, du ressenti absolu qu'il procure. De loin la tentative la plus aboutie d’aborder la misanthropie, la solitude et l’abandon dans toute sa pureté. C’est logiquement notre numéro un de ce top black metal.