The producers #5: et si on parlait un peu du génie oublié qu'est Scott Storch?
Le rap jeu américain est complètement obsédé par la personnalité incontournable du producteur, tant et si bien que les plus intelligents et talentueux d’entre eux ont réussi à se positionner sur un pied d’égalité avec les emcees qu’ils ont rendu célèbres. Tout le contraire du producteur à la française en somme, souvent dans l’ombre et réduit au rôle d’éminence grise.
Des carrières incroyables, l’Amérique en connaît un bon paquet : de Dr. Dre aux Neptunes en passant par DJ Premier, Timbaland ou Pete Rock. Par contre, il n’est pas exclu que la grande histoire du double H oublie Scott Storch, ses claviers complètement pétés, son sens du groove imparable et ses excès en tous genres. En même temps, ce sera un peu de sa faute. Grisé par le succès et les millions (sa fortune était estimée à 70 millions de dollars en 2006...), Scott Storch a brûlé la chandelle par les deux bouts et lentement mais sûrement scié la branche sur laquelle il était confortablement posay. Plombé par une grosse dépendance à la cocaïne, dépassé par les événements et sans le sou (il s’est déclaré en faillite cette semaine, d’où cette playlist), Scott Storch est aujourd'hui ce qu'il convient d'appeler un pauvre type – et franchement, vu ce qu'il a apporté à la musique, ça nous fend un peu le cœur.
Pourtant, qu’on ne s’y trompe pas, à l’entame des années 2000, le New Yorkais qui a débuté sa carrière au sein de The Roots régnait en maître sur l'industrie musicale, abreuvant les charts de tubes, et usinant de la production en or massif pour le gotha du rap, du R&B et de la pop. Producteur de génie donc, qui a contribué à l’essor de bien des carrières. Fin entrepreneur également, puisqu’il s’est associé à d’illustres collègues avec qui il a travaillé sur quelques-uns des plus grands morceaux de l’histoire – « Still D.R.E .» et « Cry Me River » notamment. Claviériste incroyable enfin, qui a monnayé ses services chez pas mal de monde sans pour autant passer par la case "production" - parce qu'il n'y a pas de petits profits, biatch!
En résumé, Scott Storch, c’est l’archétype de l'entrepreneur au nez fin et du producteur américain tout terrain, capable de se fondre dans un univers qu'il maîtrise moins, d’exporter sa marque de fabrique sur des albums estampillés thug ou d’offrir un tube à Beyoncé – il lui en a même offert deux, « Baby Boy » et « Naught Girl », parce qu'il est comme ça Scott. Une polyvalence folle et une esthétique reconnaissable entre mille que l’on a tenté de résumer dans cette playlist de 25 titres qui mélange tubes incontournables et pépites passées sous silence. Le tout classé par ordre chronologique, histoire de vraiment comprendre l'ascension fulgurante et la lente descente aux enfers de Scott Storch...
Et pour ceux que ça intéresse, de précédents numéros de notre série The Producers ont mis à l'honneur Rick Rubin, Steve Albini, DJ Premier et les Neptunes.