Television Rules The Nation #16

par Nico P, le 4 mars 2022

Chaque numéro de TRTN, ce sont cinq suggestions, qu'il s'agisse de films, de séries ou de documentaires. Et à chaque fois, un lien avec la musique mais pas forcément avec l'actualité, le dossier se voulant d'abord être alimenté par la seule envie de partager des contenus de qualité.

Rockin’ 1000, le plus grand groupe de rock au monde

Avec ses cent-mille habitants, la ville italienne de Cesena en Émilie-Romagne n’a pas vraiment l’habitude d’accueillir chez elle les plus grands groupes de rock du monde. Pourtant, en 2015, un fan des Foo Fighters a une idée : organiser une performance, une interprétation de “Learn To Fly” par des centaines de batteurs, de guitaristes, de bassistes et de chanteurs et chanteuses. Un projet aussi stupide que passionné, afin d’attirer l’attention de Dave Grohl (le vrai, ne vous laissez pas tromper par le sosie qui passe une tête ici).

L’histoire est belle et racontée dans un documentaire revenant aussi bien sur les défis techniques (pas la partie la plus intéressante, mais en effet, comment donner le tempo à mille musiciens en même temps), mais surtout, sur l’impact de l'événement dans ce bled perdu au milieu de la carte. Une histoire moins de musique donc que de son impact sur nos mornes vies. (Nico P.)

Aline

Honnêtement, en regardant Aline, je m’attendais à un gros biopic dans lequel on pourrait naviguer les yeux fermés tant on en a vu. Alors certes, le film a marché, c’est un relativement gros budget, mais ce qui saute à la gueule, c’est à quel point Aline est un film de fan. On sent que Valérie Lemercier a franchi le pas, celui d’une notoriété suffisamment élevée pour se permettre de faire le film qu’elle veut. Un film sur sa chanteuse préférée, et sur toutes les émotions - vitales, musicales – de Céline Dion.

Mais surtout, plus qu’un film sur son sujet, c’est un film fait à sa manière. Ce léger flou sur le nom, cette étrangeté de caler la tête de Valérie Lemercier d’aujourd’hui sur le corps de Céline à huit ans, tout cela donne une sensation étrange, un sentiment qu’il y a quelque chose de fondamentalement décalé dans la façon dont cette petite fille a grandi. Née dans une maison étrange, avec un destin étrange, passant d’un couchage entre ses parents à une relation avec un homme ayant trois fois son âge, Aline Dieu est présentée très loin de la froideur de son succès, et très proche de l’intensité de ses émotions.

Attention quand même : film de fan et film sur une superstar mondiale oblige, Aline n’a pas pour but de faire découvrir Céline Dion. La probabilité de s’emmerder un peu si vous avez toujours gardé vos distances avec elle existe, mais elle reste bien plus faible que ce qu’on aurait pu penser. (Emile)

Alone Together

Conçu pendant la réalisation de l'album how i'm feeling now de Charli XCX, ce documentaire d'une petite heure retrace les galères que cette dernière a vécues pour ne pas déprimer et rester créative pendant le premier confinement. Si l'idée d'un tel documentaire avait de quoi réjouir sur le papier, surtout lorsque l’on connaît la qualité de son quatrième album studio, il s'avère que ce reportage manque tout de même de suffisamment de matière pour être pleinement consistant.

Au lieu de revenir de manière rétrospective sur ce fabuleux processus créatif DIY qui rapprocha la chanteuse britannique de ses fans via des sessions de brainstorming interactif sur Zoom, ce film se contente de compiler quelques vidéos tournées par Charli XCX elle-même pour partager son humeur du moment au cours de ce premier confinement. Si ces petites vidéos nous font comprendre que Charlotte Aitchison a traversé les mêmes périodes de doutes et de blues que n'importe qui, on reste malheureusement très en surface du processus créatif, les échanges avec ses managers et les quelques producteurs ayant participé à l'album comme A.G. Cook ou Dylan Brady étant quasiment occultés.

Pour pallier à ce goût de trop peu, les réalisateurs ont cependant eu la bonne idée d'intégrer les témoignages de quelques Angels (le nom que se donnent les fans de Charli XCX) qui vivent en temps réel et interagissent avec Charli XCX lors de la création de cet album. Leur participation rythme davantage le récit et restitue très bien le besoin d'expérience collective auquel répondait cet album. Alone Together est donc un documentaire, au mieux, sympathique, qui parlera avant tout aux fans de la première heure, en leur rappelant sous la forme d'un album photo les meilleurs moments passés aux côtés de leur idole. (Ludo)

Batman

Tout, absolument tout ce qui est associé à la sortie du Batman de 1989 est devenu par la suite un objet de culte. Et il en va donc de même pour sa bande originale, signée Prince, et comprenant les hits "Partyman", "Scandalous", et surtout "Batdance" (numéro un pendant 18 semaines au top 100 Billboard). En 1989, le Kid de Minneapolis livre donc tout un album, son onzième, à la gloire du super-héros, faisant par la même occasion d’une pierre deux coups : propulser les cinéastes et les musiciens dans une nouvelle ère d'opportunités grâce à ce qu’on appelle la "Music Inspired By" (comprendre, des titres qui ne figurent pas nécessairement dans le film mais boostent le marketing), tout en sauvant la carrière du chanteur qui accumula quelques revers financiers à la suite de ses productions extravagantes (tournées faramineuses, échec commercial de son précédent opus, Lovesexy).

Burton, pourtant fan de Prince, ne vit pas d’un très bon œil la volonté du studio d’intégrer dans le montage, déjà très avancé, de son film, autant d’inédits que possible. Seuls "Partyman" et "Trust" y sont aisément identifiables, "The Future", "Vicki Waiting" et "Electric Chair" étant davantage des bruits de fond. De plus, on peut préférer à cette BO le score, sublime, de Danny Elfman. (Nico P.)

Anvil! The Story of Anvil

Combien de fois avez-vous entendu le fameux “il faut croire en ses rêves et ne jamais abandonner” en levant les yeux au ciel, tout en vous effarant devant tant de mièvrerie ? La réponse est : beaucoup trop. Pourtant, après avoir vu le documentaire musical Anvil! The Story of Anvil, vous allez croire en cette platitude.

Anvil, c’est un groupe metal canadien formé à la fin des années 1970. Pionniers du heavy, les types sont admirés par Metallica, Lemmy ou Slash. Des décennies plus tard, il faut pourtant se rendre à l’évidence : Anvil a loupé le coche de la célébrité et des ventes d’albums de leurs contemporains. Avec le monde à leur portée dans les 80’s, où donc a bien pu s’insérer la couille dans le potage ? Le réalisateur du documentaire – et ancien roadie du groupe – Sacha Gervasi nous donne les clefs pour comprendre la longue traversée du désert d’Anvil.

On suit le groupe dans son quotidien de cinquantenaires obligés d’avoir un boulot pour pouvoir payer les factures. Pas de stades au programme, mais des bars au public clairsemé dans l'Ontario. Quand l’occasion se présente pour Anvil de s’embarquer dans une tournée européenne, l’excitation est à son paroxysme. Mais cette excitation va retomber comme le plus dégueulasse des soufflés et laisser place aux scénarios cauchemardesques. Trains manqués, tension avec patron de bar véreux pour pouvoir être payé, promotion désastreuse résultante à des shows dans une salle quasiment vide… Devant l’absurdité de telles scènes, on se croirait parfois en plein Spinal Tap. D’ailleurs, le réalisateur de ce rockumentaire culte n’est autre que Rob Reiner, quasi homonyme du batteur Robb Reiner. Des coïncidences pareilles ne s’inventent pas. Anvil maintient cependant le cap. Mais les compagnons d’infortune refusent d’abandonner, en dépit du désintérêt croissant de l’industrie, de rentrées d’argent hasardeuses et des proches pensant qu’il est temps de raccrocher son chapeau… La force du documentaire est de montrer ce lien indéfectible et poignant entre le chanteur Lips Kudlow et son batteur.

Votre gorge se serrera plus d’une fois devant cette histoire de résilience presque héroïque. Leur entêtement portera ses fruits puisque le groupe bénéficiera d’une seconde vague de popularité grâce à la sortie du film plébiscité par le public et la critique. Oui, il faut croire en ses rêves et ne jamais abandonner. (Nikolaï)