Ernest Bergez est Sourdure. Et Sourdure, c'est de la ré-appropriation culturelle dans ce que la démarche peut avoir de plus noble, de plus stimulant et de plus passionnant. En effet, sous ce pseudonyme, l'Auvergnat fait mijoter à feu doux une savoureuse décoction composée à parts égales de chansons traditionnelles occitanes et de musiques expérimentales - une démarche qu'il expliquait par le détail dans l'interview qui accompagnait le Goûte Mes Mix qu'il nous servait il y a quelques semaines à peine.
Après nous avoir sorti le très beau L'esprova plus tôt dans l'année sur le label de Gaspar Claus, revoilà Sourdure, cette fois sur In Paradisum, structure entre les mains d'un certain Mondkopf, et qui a déjà sorti des titres de son autre projet Kaumwald - on vous en parlait ici à l'époque.
Pour cet album live qui sera disponible physiquement à la mi-janvier 2019 (mais déjà en écoute intégrale sur Bandcamp), on s'éloigne des divagations habituelles de Sourdure, puisque ce Live at Echos 2016 est en fait une version étirée au possible de "Una Filheta de Lion", une chanson traditionnelle du Massif Central et dont Sourdure s'était déjà emparé pour une compilation de La Souterraine. Le résultat, c'est une longue incantation d'une quarantaine de minutes, un moment hors du temps, et une nouvelle opportunité pour le terroir français de pénétrer élégamment les sphères contemporaines.
"Cet enregistrement documente un moment singulier et un peu magique. Le concert a lieu à la ferme du Faï dans les Hautes-Alpes, le 3 juin 2016, pendant le festival Échos. C’est le dernier moment musical d’une longue série de concerts qui à démarré pas loin de 24h plus tôt. Il est autour de 19h30. Le soleil en passant derrière la falaise qui surplombe la ferme, dessine une barrière d’ombre. L’atmosphère particulière de ce moment s’imprimera fortement sur la musique.
La Ferme du Faï est installé en contrebas d’une falaise qui agis comme une gigantesque caisse de résonance. Le Ferme est équipée de hauts parleurs spécifiques, les « Trompes », construites et positionnées pour faire raisonner l’écho naturel ; une pour les basses, une pour les mediums, une pour les aigus.
L’Association Dôme m’a invité à cette édition du Festival Échos avec une commande singulière : composer des Mantras qui seraient diffusés entre chaque performance.
La pièce que l’on entend ici, été conçue comme un contre-champ aux Mantras et un point d’orgue au festival. Elle consiste en une improvisation autour d’Una Filheta de Lion, chanson traditionnelle du sud du Massif Central. La chanson est étirée à l’extrême et presque dilatée. Je la joue à la façon d’un râga indien, à mon biais : le violon expose la « couleur » et s’en suis un long déploiement mélodique, à la densité et à l’intensité croissante. J’y égraine les couplets sur une trentaine de minutes, variant la mélodie et le rythme en réponse aux échos qui me reviennent de la falaise. La composition partage des matériaux sonores avec les Mantras, faisant ainsi se poursuivre jusqu’au bout du festival un même continuum. Ce concert fut pour moi une manière de salut, salut à la montagne et au soleil, salut au Festival, à ceux qu’il l’on fait exister et à ceux qu’il l’ont traversé."