Si ces 13 disques sortent en 2023, on fait le dry january toute l'année

par Émile, le 25 janvier 2023

100 Gecs - 100 000 milliards de Gecs

Dans l'ekip des carroteurs qui nous avaient teasé un album en 2022 pour au final ne rien sortir, 100 Gecs est appelé à la barre. Les doux-dingues, chantres de l'hyperpop et passés maîtres de ce nouveau paradigme post-ironique, avaient pourtant commencé leur campagne de teasing à l'automne 2021. Que s'est-il donc passé pour que l'année 2022 n'accouche que du single dance-punk "Doritos & Fritos" et de la chute de studio Snake Eyes ? Apparemment enregistré depuis 2021, le prochain album 10,000 Gecs ne sortira que le 17 mars 2023 suite à des reports continus de la part d'Atlantic, le label du groupe. En espérant que la hype ne soit pas retombée d'ici là, et que la date de sortie (le même jour que les nouveaux U2 et M83) ne porte pas trop préjudice à un des groupes les plus originaux de ces dernières années.

Yves Tumor : glam is the new glam

Là-dessus, on prend les paris. Le type ne laisse jamais trop d’intervalle entre deux disques, de peur qu’on l’oublie, ou peut-être pour honorer une obscure ligne de son contrat chez Warp. Déjà deux titres sans album annoncé, et on sent qu’il a des palpitations à l’idée de ne pas sortir un LP alors que le dernier date de 2020. Qu’est-ce qu’on en attend ? Difficile à dire. Depuis Safe In The Hands Of Love en 2018, Yves Tumor a l’air de s’installer sur un territoire immense, partageant les royaumes du glam, de la pop, et du pays chelou dont il est le roi. Une chose est sûr depuis qu’on a écouté son petit EP The Asymptotical World en 2021 : ce sera cool.

Frank Ocean : à quel moment un long shot fait-il le tour de la planète ?

Sortira ? Sortira pas ? Sept ans après la doublette Endless / Blonde, l'actualité de Frank Ocean est plutôt une mer d'huile : l'intéressé n'est sorti des fourrés que pour promotionner Homer, une marque de bijoux aussi chère que moche. Saupoudrez le tout d'un compte Instagram qui tourne un peu à vide, tout juste bon à rappeler que l'intéressé est encore en vie (c'est déjà ça) et vous aurez de bonnes raisons de penser que 1. notre Franky vit sa meilleure vie loin des studios d'enregistrement et que 2. ce grand malade perfectionniste a foutu au feu entre dix et quinze albums dont on entendra pas la moindre seconde. Alors qu'est-ce qui pourrait bien nous donner envie d'y croire en 2023 ? Et bien tout simplement le fait de voir le nom du Californien tout en haut de l'affiche de Coachella, le festival qui concentre tout ton last.fm et tout Instagram sur un terrain de 32 hectares. Pas grand chose donc, mais c'est tellement plus qu'en sept ans d'absence qu'on a envie d'y croire, ne serait-ce qu'un tout petit peu.

Alpha Wann : le retour du prince

Avec ChroniquesUMLA en 2018, Alpha Wann franchissait un palier : sans gros feats ou version deluxe, l'ancien de 1995 mettait tout le monde d'accord et rappelait au public français qu'avec une bonne DA, des tripes et pas mal de sueur, on pouvait accoucher d'un beau succès d'estime. On est cinq ans plus tard, et de rappeur préféré des rappeurs, Philly Flingo s'est transformé en un super héros au drip exhubérant, qui se vante d'avoir pour lui "les couplets de Kendrick Lamar et les refrains des Migos". Outre sa confiance en lui, le rappeur de l'Entourage a décuplé son auditoire, au point qu'il n'a pas fallu plus de quinze minutes lors de son dernier passage en festival pour déssouder les barrières de sécurité. Enfin, preuve que les temps ont bien changé, celui qui s'était juré de ne pas gaspiller le feu a fait des featurings remarqués chez Stavo, Laylow et bientôt Kekra. Vous l'avez compris : le cyclope du rap français est partout, dans toutes les têtes, et jamais sa cote n'a semblé aussi stratosphérique qu'en 2023. De ce côté de l'écran, on ne le cache pas : on attend autant ce retour aux affaires qu'un hypothétique huitième disque de Jay-Z. Sauf que comparé à la légende de Brooklyn, on est a peu près certains que le prince de Pernety Plaisance est en cuisine depuis un temps déjà. Et s'il va sans dire qu'on l'attend au tournant, on serait également preneur du premier album de son acolyte au sein de la team Don Dada, le Niçois Infinit'.

Death Grips : faites du bruit pour le bruit

Le 8 décembre dernier, les Death Grips larguaient sur leur compte Insta un teaser d’1 minute 30, confus et braillard comme on pouvait logiquement s’y attendre de la part de Death Grips. Étant donné que la toile s’emballe dès que MC Ride éternue, l’annonce d’une nouvelle livraison cinq longues années après Year of the Snitch a suscité sa petite vague de réactions émoustillées. Quelque part, nous avons déjà une vague idée de ce que nous réserve ce septième album : un chef-d’œuvre garanti pour les uns, un magma inécoutable pour les autres, jusqu’à ce que les deux bords s’accordent au final sur la formulation « chef d’œuvre inécoutable ». Davantage que le contenu lui-même (Sera-t-il hip hop ? Sera-t-il punk ? Sera-t-il pop ? Sera-t-il hardcore trance acid jazz manouche expérimental ?), le plus important reste qu’il sera accompagnée d’un bon paquet de dates de tournée et que rien ne nous réjouit plus qu'évacuer nos kilos post-fêtes dans une fosse deathgrippienne. On a beau persifler, on est quand même bien excité.

PoiL Ueda : samouraï électrique

Comment un groupe de rock progressif pourrait bien s'associer avec une chanteuse de chant médiéval militaire japonais ? Comme ça. Cela fait deux ans que PoiL Ueda monte son crossover infernal, pris entre la folie virtuose du groupe lyonnais et la surprise épique de la chanteuse Junko Ueda. Porté par une envie d'autre chose, le trio (qui n'en est plus un) sortait déjà d'un Sus inspiré de chants traditionnels occitans. Cette fois, ça semble aller plus loin, et on l'annonce déjà, ça ira plus loin. Un projet plus cohérent encore, une formation plus originale : ça va être épique, ça va être beau, ça va être dérangeant, et on en peut déjà plus.

Flavien Berger : on l'aime tant

Côté chanson française, on attend particulièrement Dans cent ans (rime en "tan" oblige) qui vient achever une trilogie pop entamée avec Léviathan en 2015 et Contre-temps en 2018 . Parce que Flavien Berger a le chic pour mêler sa poésie sensuelle, sa voix fragile à des orchestrations qui lorgnent autant vers la chanson française que vers l'électro ou la musique savante. Parce que d'Ici là, le premier extrait de l'album est une des chansons qui nous a accompagnés cette fin d'année 2022. Parce que Pan European Recording nous annonce quelques solides morceaux de bravoure faisant écho aux deux premiers opus, citons un "666666" miroir aux "88888888" et "999999999" ou une nouvelle chanson-monde de 15 minutes au nom de l'album. Rendez-vous le 17 mars pour un troisième trip halluciné.

Jazz Brak : de andere rapper

Même s’il a perdu du poids ces derniers mois, Zwangere Guy continue de prendre beaucoup de place au sein de Stikstof, à la faveur d’une carrière solo généreuse dans l’effort – écoutez Brutxxl pour vous en convaincre. Pourtant, de la carrure, son compagnon de route Jazz Brak n’en manque pas. Disons plutôt qu’il s’est longtemps épanoui dans l’ombre de son collègue, préférant monter discrètement en puissance. Aujourd’hui, il est difficile de contester son importance au sein de Stikstof, entité propulsée à parts égales par la flamboyance de Zwangere Guy et la rigueur de Jazz Brak. Ce flow froid et calculateur, il va enfin pouvoir donner sa pleine mesure le temps d’un album solo, qu’on espère riche en instrumentales rachitiques et en rimes économes par leurs mots mais riches par les images qu’elles convoquent. Et ça tombe bien, car c’est précisément tout ce que nous offre le premier extrait d’un disque dont la date de sortie en 2023 n’a pas encore été précisée.

Beyoncé : le peuple veut un volume 2

Nous pondre un disque après autant de temps d’absence (le Lemonade de 2016), faire toute une comm’ sur son aspect révolutionnaire, l’appeler « Volume 1 », et attendre six autres années pour balancer la suite, ce serait franchement cruel. Beyoncé a fait un énième virage dans sa carrière, pas aussi radical qu’elle le dit, pas aussi inattendu qu’on le voudrait, mais un superbe virage, bien fait, tout en douceur, avec classe et en incluant les gens concernés par toute l’énergie de la house de Chicago et New-York. Maintenant, on imagine une trilogie qui sortirait rapidement, et qui soit la ligne droite pendant laquelle on kiffe des explorations de pop électronique. Mais la vraie question, c’est : l’album sera-t-il réservé à une caste d’influenceurs·euses, ou est-ce que son fidèle public pourra aussi un peu profiter de sa reine ?

Brad Mehldau : Hey Brad

LE PETIT BONBON. Parfois, on a envie de se refaire la peau des oreilles en écoutant le dernier disque d'un duo post-norvégien qui mélange l'acid jazz et le noise, et parfois on a envie de se couler dans ce qui fait le moins mal à nos petits esprits limités quoique magnifiques. Brad Mehldau qui joue les Beatles, c'est un petit cadeau qu'on a au compte-gouttes depuis des années. Un petit "Blackbird" en solo par-ci, un petit "Dear Prudence" en trio par-là, si bien que quand le "Your Mother Should Know" est paru, on a cru à un Noël légèrement en avance. Mais non. Le disque arrive, on espère que ce sera que du solo, parce qu'il est si à l'aise avec les mélodies des Fab Four qu'on ne voudrait même pas que Mark Guiliana ou Joshua Redman viennent le faire chier pendant qu'il enregistre. On espère que ce sera un double, un triple, un quadruple album, qu'il rejoue tous les Beatles, et qu'on prenne notre pied avec ce qui sera définitivement le bain chaud de 2023 pour nos cœurs.

Danny Brown : 2023, l'année du kickstarter ?

Quaranta. Apparemment, c’est une dinguerie ; apparemment, c’est dix années de vie résumées en un album ; apparemment, c’est « all over the place ». Sauf que ça a été annoncé en 2021, et que c’est toujours pas sorti. En 2021, c’était l’attente, en 2022, c’était « ah rigolo, un track avec Korn », et en 2023, ce sera – ça doit être – la sortie. Est-ce que le titre du disque va changer ? On espère, parce que le confinement, c’est une notion qui semble déjà loin. Moins loin que le très bon uknowwhatimsaying¿, mais lui non plus, on l’a pas oublié. Est-ce que ce sera en grande partie un disque collaboratif avec Jpegmafia, qui est un autre projet qu’on nous avait teasé il y a un an ? On met une pièce sur le fait que ce soit deux projets différents, et qu'un des deux ne verra jamais la lumière du jour - ah, on nous dit dans l'oreillette que l'intéressé vient de balancer dans son podcast qu'il ne pourrait absolument rien sortir puisqu'il continue à payer les royalties de son album précédent. Un petit kickstarter, Danny ?

King Gizzard & The Lizard Wizard : à un moment, c'est juste des maths

Bah ouais. Il y a quelques années déjà, on a compris que le groupe allait durer, pondre au moins un disque ou deux par an en moyenne, et depuis ce moment-là, non seulement les Australiens nous donnent raison, mais en plus ils ne font que s’améliorer. Polygondwanaland n’est pas un coup d’éclat isolé, c’est une dinguerie à laquelle ils nous ont habitués. En 2021, Buttefly 3000 était une très belle surprise, en 2022, on a eu droit à un Omnium Gatherum excellent et contenant un titre qui a fini au sommet de notre classement de fin d’année. L’année dernière s’est terminée très tranquillement pour le groupe, qui a sorti trois albums rien que dans le mois d’octobre, avant de partir en tournée. Bref, on serait fou de ne pas parier sur une sortie en 2023, et ce serait dommage de ne pas en profiter.

Kaitlyn Aurelia Smith : la prochaine c'est la bonne, promis

Depuis quatre ou cinq ans, à chaque fois qu'un disque de Kaitlyn Aurelia Smith sort, on est curieux, on l'écoute, on trouve ça extrêmement intéressant, et... on ne trouve pas les mots pour en parler. L'an dernier est sorti Let's Turn It Into A Sound, qui est probablement un des meilleurs disques de l'exercice précédent, mais à propos duquel vous n'aurez jamais rien lu ici, puisque personne n'a réussi à trouver les mots. Pourtant, cette variété dans le travail des sons, cette envie de ne jamais lâcher la mélodie tout en conservant un effort d'expérimentation constant en arrière-plan, c'est une prouesse dont il faut parler, pour une artiste dont on ne parle pas assez. Alors on doute qu'il y ait un album de Kaitlyn Aurelia Smith cette année, mais s'il y en a un, promis, on le chroniquera.