Shogun Audio : Petit Père de la (vraie) révolution
Le critère le plus déterminant de la solidité d'un genre musical est sans aucun doute sa capacité à traverser les âges, et les difficultés qui vont avec. A ce petit jeu la drum'n'bass fait véritablement figure d'élève modèle. Véritable genre-roi de la bass music d'Outre-Manche depuis ses débuts dans les années 90', la drum'n'bass a rapidement connu une gloire qui ne la prédestinait nullement à être cannibalisée de l'intérieur par ses propres soldats, surtout quand on voit à quel point l'authenticité et le sérieux étaient des vertus sacrées de la scène. Et pourtant, la tentation du « tout à 170 bpm », jumelée avec des dérapages commerciaux peu reluisants ont eu finalement raison de l'attrait qu'on portait à ces rythmiques félines. La drum'n'bass était devenue un genre que seuls les fans les plus hardcore s'attachaient encore à décrypter, et à apprécier.
Pourtant si on y regarde bien, il faut bien avouer qu'en un peu plus de cinq ans cette scène a su revenir comme la machine surpuissante et ultra-créative qu'elle était. Mieux, à l'heure où le dubstep fout le camp dans tout les sens, il semblerait que la drum'n'bass soit redevenue le dénominateur commun de toute la uk bass music. Un retour en grâce assez fabuleux, qui ne doit naturellement rien au hasard, et qui est comme d'habitude le produit d'une poignée d'activistes – ou de producteurs surdoués c'est selon. Comme d'habitude avec ces Anglais, tout se définit mieux quand on appréhende la musique en gardant en tête la notion d' « équipes » : la drum'n'bass à tendance soul s'épanouit grâce à l'excellent label Soul:R, avec à sa tête des mecs comme Marcus Intalex, Commix, Lynx ou Calibre; Digital Soundboy revit avec Breakage; la neurofunk – hybride massif de drum'n'bass, de breaks et d'electro – terrorise les clubs du monde entier avec des généraux aussi inflexibles que peuvent l'être Noisia, Spor, Phace ou Misanthrop; et finalement des labels comme Exit Records ou NonPlus+ - dûment représentés par des gars comme dBridge ou Instra:Mental - tracent les contours d'une autonomic minimaliste, soul et magnifiquement composée.
Et puis il y a Shogun Audio. Car si nous vous avons bassiné avec tous les producteurs et structures qui font de la drum'n'nbass ce qu'elle est aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout pour vous introduire à ce magnifique label qu'est Shogun Audio – sans compter que chacun des labels susnommés auraient pu faire l'objet d'articles individuels. Il n'y a aucune raison véritable à vous parler de cette écurie de Brighton, sinon simplement qu'elle est l'un des plus beaux joyaux de la bass music à l'anglaise, et que son actualité est aussi débordante qu'infiniment créatrice. Exit donc les tracks académiques qui faisaient de la drum'n'bass l'un des genres les plus clichés de l'histoire électronique, ici tout est extrêmement félin, racé, puissant et mesuré. Des producteurs comme Friction, Icicle, Rockwell, SpectraSoul ou encore notre héros Belge Alix Perez ont mis l 'Angleterre à genoux, forcée d'avouer la renaissance presque totalitaire du genre. Leur catalogue est une batterie d'armes anti-char, aussi classes que ravageurs. Sans compter sur leurs soirées « Cable », où ces mecs massacrent sans vergogne les dancefloors les plus enragés, et surtout les plus engagés.
Vu que nous sommes dans le vif du sujet, parlons un peu des prochaines échéances à ne surtout pas manquer. Tout d'abord le prochain EP de SpectraSoul, « Lost Disciple/Reminiscence », qui s'annonce plus que prometteur au vu des premiers extraits et qui verra le jour le 4 avril prochain, bien calibré pour préparer la voie au premier album d'Icicle – Under The Ice – disponible à partir du 25 avril prochain. Il suffit de jeter une oreille à l'incroyable « Dreadnought » ci-dessus pour comprendre que cette référence s'annonce comme l'un des meilleurs disques du genre à venir cette année. On vous recommande plus que chaudement de visiter de fond en comble le site de Shogun Audio, qui regorge de podcasts, de vidéos, d'extraits en tous genres : bref autant de références qui ont suffit à adouber cette écurie comme l'une des plus solides d'Angleterre. Et n'oubliez jamais qu'on ne gruge pas les Anglais si facilement une fois qu'on parle de leur bass music. Nous sommes ici dans le cœur même de la machine, dans les entrailles de la street credibility. Alors profitez-en.