QLF : Que la francophonie. L'observatoire du rap en français #20

par Tariq, le 3 décembre 2018
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À intervalles réguliers, GMD vous sert le meilleur du rap (en) français. Le pire aussi parfois. 10 titres, 10 courts textes pour résumer le bail.

Dead Obies - Run Away 

Pionniers d'une "deuxième vague" rap queb' au début des années 2010, aux côtés des Alaclair Ensemble et autres Loud X Lary X Ajust, Dead Obies n'a pourtant jamais réussi à nous emballer sur la longueur d'un disque. Peut-être est-ce dû à leur posture exagérément expé ou arty ? Ou peut-être qu'on est juste des gros cons. Bref, sur "Run Away", premier extrait de leur troisième album annoncé pour février 2019, le groupe montréalais allège sa formule et propose un banger brumeux, aussi doux et rassurant que la brise en bord de mer l'hiver. Merci les minces. 

MC Circulaire – La France Éternelle

Le pionner du ploucsta rap est de retour, et il n'est pas venu trier les lentilles. Ou presque. Si la campagne a besoin d'un rap pour la représenter comme la banlieue, alors le Vendéen a choisi d'insister sur la détresse qui y règne. Avec des plans à la Denis Villeneuve et des câbles électriques auxquels on ne peut que se pendre, la France des campagnes n'a jamais semblé aussi éternellement belle, aussi éternellement laide.

Freeze Corleone - Jeremy Lin

Après plusieurs projets remarquables et malgré un léger manque de consistance, Freeze Corleone a fait son grand retour ce 13 novembre 2018 : Projet Blue Beam se nourrit des mêmes intentions que ses précédentes sorties, mais est meilleur en tous points. Vous retrouverez ainsi les références à la pop culture (s/o Jeremy Lin, s/o Deadpool, s/o Roberto Carlos) et des schémas de rimes qui ont fait le succès du collectif 667. Mais vous entendrez surtout une dizaine de milliers de raisons de croire QU'ON NOUS MANIPULE ! Pour capter toutes les références du Shenzen, il faudrait avoir devant soi quelques milliers d'heures et autant d'onglets ouverts sur le navigateur. Pour apprécier, en revanche, un casque supra-auriculaire et un bon dealer devraient faire l'affaire.

Junior Bvndo - One Punch Man

Junior Bvndo ne sera certainement jamais prêt pour tenir un combat de MMA face à Jerôme Le Banner comme ses srabs semblent naïvement le penser dans ce « One Punch Man ». Peu importe, le héros de la TrapFunk continue de creuser son sillon, et enchaîne les victoires dans sa catégorie. Million Dollar Bvndo.

Zippy - Mobile

L'Axe du Mal, vous en avez déjà entendu parler dans ces pages et c'est bien normal : le collectif le plus chaud du rap helvète a un rythme de production qui ferait passer les aliens d'Atlanta pour des papys rockeurs. Après avoir balancé le mois dernier Grand Rayon, l'album all-star du crew, Zippy revient aux affaires en solo avec un nouveau clip. Au programme : autotune, punchlines elliptiques ("toutes sortes d'échantillons dans l'urine/il reste de mes neurones au plafond de l'usine"), collage façon internet rap et extraits de films de vacances... Droogy Vie.

Dooz Kawa - Les rues de ma vie

Au beau milieu de cette pluie de produits rap interchangeables fabriqués par les usines Def Jam ou Rec 118, il peut être déroutant de tomber sur du travail d'artisan. Prenez "Les rues de ma vie" de Dooz Kawa par exemple : il suffit de lancer le morceau pour comprendre qu'on tient là la création d'un activiste qui sévit dans le milieu depuis des années ; le genre de gava qui a mis au centre de sa musique son amour des belles sonorités boom bap, le discours, la sincérité, l'engagement, plutôt que les compteurs YouTube. Et y a pas à dire, mine de rien, ça fait du bien.

Koba LaD & Juicy P – Plus vite que les balles

Entre un Juicy P dans la maturité et un Koba LaD en pleine explosion, « Plus vite que les balles » est censé s'afficher comme une réunion intergénérationnelle des poids lourds du 91. On est content de revoir Juicy P prêt à mettre des « crans d'arrêt dans ta grand-mère » mais, même si on a bien capté le potentiel de Koba LaD, on commence à douter de la capacité du gamin à se renouveler.

Timothée Joly - La Couleur du Sang

Nos espions soigneusement embusqués aux carrefours du rap souterrain nous font savoir que Timothée Joly pourrait être le next big thing du "rap zarb". En tout cas, ce n'est pas à l'écoute de  "La Couleur du Sang" qu'on pourra leur dire le contraire : son "le temps passe par la fenêêêêêêtre" nous renvoie irrémédiablement au Jorrdee période "Rolling Stone". Peu d'infos filtrent pour l'instant sur cet étrange type aux cheveux teints mais il semble avoir de solides connexions de studio : on l'a vu récemment à la production du "Marsellus Wallace" de Prince Waly et aux côtés de la tout-aussi-chelou-que-lui $afia Bahmed-Schwartz, pour le dernier "Dans le club" d'Arte. Bref, il semble que, en bons journalistes que nous sommes, nous ne faisons ici que prendre le train en marche. Mais, à ce stade, on pourrait presque appeler ça un lifestyle.

Dinos - Helsinki

Comment gâcher un super morceau en trois leçons? 1. Tourner un clip à la demande des fans, sans avoir de véritables idées visuelles à défendre. 2. Un montage haché, un casting BCBG et des plans en noir et blancs pour faire dans l'arty grand public. 3. Ne pas hésiter à référencer n'importe quoi sans aucune raison valable. Le morceau évoque une rupture amoureuse ? Reprenez l'image de la création d'Adam de la Chapelle Sixtine ! Mélangez bien le tout, n'oubliez surtout pas de danser devant votre voiture dans un champ et/ou de regarder les trains s'en aller au loin et vous obtiendrez une magnifique pub de parfum, remplie de belles images n'ayant absolument aucun sens.

JeanJass & Caballero - Dégueulasse

Avec JJ & Caba, on a dépassé depuis longtemps le stade du buzz, et même celui de la bulle spéculative du rap belge. Là on arrive très tranquillement dans le domaine du foutage de gueule. En plus de nous gaver avec des textes écrits par des ados de 14 ans ("Pour rester poli, je fais caca sur toi, même si c'est dégueulasse", vraiment les mecs?) et de ne pas réussir à sortir une instru convenable même en mettant du biff sur la table pour rameuter Stromae, la paire parvient à nous exaspérer sur le fond, en osant mettre des migrants et des manifestants écologistes dans un clip de psychologie positive appelant les gens à ne pas se plaindre de leurs problèmes, parce que... « la vie est belle ». Messieurs, merci pour la conscience politique d'une huitre malade, mais on espère ne plus vous revoir dans un exercice aussi bâclé.