Petit rappel historique en amont de la sortie du biopic (prometteur) sur l'immense Miles Davis
Près de 25 ans après sa mort, la vie de Miles Davis (1926-1991) va enfin être portée à l'ecran sous les traits de Don Cheadle (Ocean's Eleven, Iron Man, Hotel Rwanda...) qui pour le coup endosse également le costume de réalisateur.
Sur Miles Ahead, on sait que Cheadle partagera l'affiche avec Ewan McGregor et que le scénario tourne autour de la traversée du désert du célèbre trompettiste à la santé alors déclinante à la fin des années septante jusqu'à son retour en grâce en 1981. L'histoire de la rencontre de Miles avec un journaliste (McGregor donc) sera ainsi prétexte à flashbacks et souvenirs de sa vie antérieure.
Tourné l'an dernier, le film vient d'être présenté en clôture du 53ème New York Film Festival et devrait sortir prochainement en Europe. Des extraits sont déjà dispos ici et laissent entrevoir un acteur très convaincant dans la ressemblance et le mimétisme (et cette voix!). Don Cheadle, grand fan de Miles Davis, a par ailleurs dû recourir au crowdfunding pour mettre sur pied ce projet qui lui tenait à cœur depuis quelques années déjà. Grand bien lui (nous) fasse!
Pour être complet et aiguiser encore plus notre curiosité, notons la présence au générique du vénérable Herbie Hancock, chargé de superviser (en connaisseur) la bande originale.
On a donc hâte de voir débarquer la pellicule dans nos salles mais le pari du biopic est quand même risqué car Cheadle s'attaque à un mythe, un génie musical transcendé par les excès d'une vie romanesque, une icône Black noyée dans une société blanche hostile, un destin où confluent nombre de musiciens renommés et... de femmes qui préfigureront son art sans cesse renouvelé et des looks toujours plus fous.
L'envie me prend d'ailleurs de spoiler un peu le début de l'histoire...
Tout commence pour Miles Davis à la fin des années 1940 et jusqu'au milieu des 50's où, jeune musicien, il côtoie et accompagne au gré des formations Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Stan Getz ou encore Coleman Hawkins, autant dire la crème du Bebop, entrée depuis au Panthéon du jazz. Il fait ses preuves et devient un solide leader avec le révolutionnaire Birth Of The Cool en 1956. Après ce passage par le Cool Jazz (qu'il délaisse rapidement), il devient maître dans l'art énergique du Hard Bop (la sublime série Cookin', Workin', Relaxin'...), du jazz modal et de l'improvisation (cf. Son passage en France, le temps d'une idylle avec Juliette Gréco et de graver pour Louis Malle la bande originale d'Ascenceur pour l'Echafaud). Il croisera alors la route de John Coltrane, Sonny Rollins, Herbie Hancock (tiens tiens) ou Wayne Shorter. C'est en 1959 qu'il gravera l'historique "Kind Of Blue", disque de jazz le plus vendu de tous les temps.
C'est à cette période également que Miles Davis entrevoit ses premiers démons. D'abord, il lutte contre une sévère addiction à l'héroïne qui lui vaudra quelques passages au poste mais surtout il perd à jamais son sourire auparavant chaleureux au profit d'une cynique amertume que lui causera un flic un peu zélé voulant lui rappeler sa condition de "nègre" en le tabassant alors que Miles s'apprêtait à monter sur la scène du Birdland. Un épisode qui le marquera toute sa vie.
Tournant ensuite le dos au naissant free jazz qu'il critique ouvertement, Miles traverse la décennie 1960 à coup de disque fabuleux (Sketches of Spain, Seven Steps to Heaven, Nefertiti...) jusqu'à sa rencontre avec sa future femme Betty Davis qui lui donnera goût à la mode (oublié le costard, place aux patchworks bigarrés, aux lunettes ultra dimensionnées, aux cuir et chaînes en or) et surtout lui présentera le sautillant et funky Sly Stone et l'ouvrira au rock d'Hendrix, au groove et à l'électrique. Miles Davis livrera alors un énième classique avec Bitches Brew suivi d'une série d'enregistrements studio et live ouvertement fusion, jazz-funk voire (attention gros mot) jazz-rock dont on retiendra le génial Dark Magus.
On arrive alors à cette fameuse période dont Don Cheadle a fait un film où l'on perd la trace d'un Miles Davis affaibli par la dépression, la drogue et sa hanche qui le fait souffrir mais aussi ébranlé par quelques projets prometteurs mais malheureusement avortés pour diverses raisons. La suite de l'histoire qui le hissera au rang de superstar, c'est le film qui vous la contera avec on n'en doute pas une maestria digne du phénomène Miles.