Oubliez Kanye, Drake et Damso : voici 4 EPs de rap français pour sortir des sentiers battus
Alors que le mois de juin nous matraque déjà en sorties massives (Pusha-T, Kanye, Drake, Damso...), on s'est dit qu'il était peut-être temps de jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur et d'aller faire un tour en dehors des agendas promo d'Universal. Quatre courtes chroniques pour quatre EPs de rap français qui ont d'ores et déjà marqué notre année 2018.
Riski - Tercian
"Maman écoutait le Commodores, Papa au cimetière comme les Doors". Constat : Riski est toujours le roi de ce rap-impressionniste-jeu. Sur les cinq titres qui composent Tercian, nouvel EP au titre emprunté à un médicament psychotrope, l'ex-Noir Fluo fait s'entrechoquer les époques, les références, les rêves de gloire et les tranches d'une vie misérable pour créer une toile à la fois éthérée et chatoyante. Il peut même se permettre de construire deux titres autour de la seule répétition du mot "money", il en dire de toute façon toujours beaucoup plus que ton dernier lyriciste validé par la branchouille médiatique. Et le plus beau dans tout ça c'est que la suite, intitulé Oh mon Dieu, est déjà prévue pour le 26 juin prochain.
Moïse The Dude - Keudar
Moïse The Dude est le gava qui aborde la question des relation hommes-femmes de la manière la plus honnête, la plus crue et la plus adulte de tout le paysage rap français. Sur Keudar, il disserte sur le désir et ses contradictions pendant que ton emcee préféré se tripote le zizi. "J'ai pas l'coeur à la plaisanterie / Femme de ma vie est partie / Rappeurs buzzent sur des gamineries" annonce-t-il sur le titre éponyme. Pour ce nouvel EP du natif de la région Centre - son quatrième projet en deux ans- exit l'arrière-pays texan et ses sonorités chaleureuses : c'est désormais du côté de de l'est londonien que lorgne le Dude Moïse. La production est plus minimaliste et dépouillée que jamais, évoquant parfois le grime ou le 2-step local ("Keudar", "LOL"). Bref, avec ces neuf nouveaux titres, l'homme à tête de screw continue d'étoffer une discographie qui commence à avoir une sacrée gueule, avec le même mot d'ordre : "moins connu que beaucoup, meilleur que la plupart".
Marty - VIOLENCE PARTOUT
Sur l'EP Lapse sorti en 2016, le duo Lutece reprenait en cours de route le travail effectué par PNL ou Damso avant eux: ils achevaient la mue du rap, passé en quelques années de musique flamboyante, rythmée et provocante à un simple murmure, un bourdonnement dont ne s'échappent que tourments, abattement et résignation. Sur VIOLENCE PARTOUT, 1er EP solo de Marty, moitié de Lutece, le gone continue de déployer un imaginaire empli de figures absentes, de doutes et de paranoïa: "Parle pas si fort, on pourrait bien nous entendre" chuchote-t-il sur "Viseur" aux côtés de son acolyte Ian Vandooren. Et ce coup d'essai est un coup de maître pour notre Robert Smith à nous: avec "Violence Partout", "Demain", ou le très beau "Parker Lewis", Marty retient le meilleur de Chief Keef, The Weeknd et Swae Lee, laissant loin, très loin, derrière lui le Wu-Tang ou DJ Premier, qui semblent presque appartenir à un autre genre musical aux yeux du Lyonnais.
TripleGo - #EnAttendantMachakil
Alors que leur premier album, Machakil, continue de se faire attendre, les Montreuillois de TripleGo ont décidé de nourrir une fanbase accroc à leur 'musique émotionnelle de la street' avec un nouvel EP au titre explicite. Et ces sept nouveaux titres se présente comme un 2020, leur précédente mixtape, version extended cut : ils continuent d'y distiller leur rap en fusion et leur prose lapidaire avec le talent qu'on leur connaît, mais pas que. Sanguee et Momo Spazz, respectivement emcee et beatmaker du duo, en profitent pour disséminer des indices sur la forme que pourrait prendre leur premier effort studio : lite dancehall ("Medellin"), variet' intimiste avec le roi du genre ("Vakesso" ft. Myth Syzer) ou love song du bitume ("Ma potogo"). Mais les narvalitos ne sont jamais meilleurs que quand il s'agit de manier la glace et le métal : "Internet", "Emotionnel" et "Connect" viennent déjà trôner au sommet de leur jeune discographie. Malgré l'aspect un peu fourre-tout de nouvelle livraison, TripleGo continuait de s'y affirmer comme l'un des groupes les plus singuliers de ce jeu sclérosé par les clones.