Un confinement, ça laisse du temps. Du temps pour ranger des trucs, comme les dossiers sur son bureau, son placard à épices ou la pile de draps, mais aussi du temps pour un autre type de tri. Pourquoi ne pas se poser sur son canapé, le regard plongé dans le vide, et laisser sa mémoire choisir un disque pour en parler moins à travers le prisme de la raison que celui du cœur ? Nous, c'est ce qu'on a décidé de faire.
Modestie. Voilà le mot qui me vient en tête lorsque je revois la pochette de l’unique album des Clues au hasard d’un ménage de confinement sur iTunes. Clues, ce sont d’abord cinq Canadiens aujourd’hui plus ou moins anonymes, signés chez Constellation Records. À des années lumières du catalogue post-rock de cette très bonne crèmerie. Le groupe de Montréal n’aurait pas juré dans les rosters de Sub Pop et Domino voire dans celui de Warp. Ils n’ont donc sorti qu’un album en 2009 sobrement intitulé Clues (Là, a priori, c’est l’artiste qui est éponyme mais qui sait ?) et enregistré comme de juste à l’Hotel2Tango.
Menée par Alden Penner, ex-membre des Unicorns que je n’avais jamais écoutés jusque-là, la formation a eu son succès d’estime mais n’a pas percé. On y retrouvait pourtant comme second fondateur Brendan Reed, ayant fait ses armes sur le premier EP d’Arcade Fire, future figure de proue du rock à l’érable. Comme si Clues n’avait pu avancer qu’à pas feutrés pour se construire. Clues, c’était une certaine idée de l’indie. Probablement encore partagée par Peter Kernel et Ought.
Leur album, écouté en boucle à sa sortie, m’a ouvert les horizons de l’indie (rock, pop, rayez la mention inutile) en tant que courant musical et allez disons-le, en tant que philosophie. Le cool peut bien attendre : le plus important n’est pas d’être naturellement charismatique ou de subjuguer le pékin moyen par de la provocation gratuite mais bien d’être sincère à chaque instant.
Dans tout Clues, Alden Penner est dans une urgence maîtrisée. Quand il s’énerve (« Perfect Fit », « Approach The Throne »), quand il se pose (« Elope », « In the Dream ») et bien sûr quand il s’agit de s’époumoner pendant un chœur à soulever les plus grands kops européens (« Ledmonton »). Ni guitar hero, ni parolier remarquable, il n’en reste pas moins un sacré meneur de troupes. Accessible et raffiné, cohérent et surprenant, Clues a pour moi sa place parmi les grands albums indie. Et n’aurait jamais dû être qu’une pépite de « connoisseurs ».
Clues, c’est enfin le souvenir de deux concerts en France donnés en février 2010 : le premier au Havre dans feu le Cabaret Electric et le second à l’Omnibus de Saint-Malo (l’actuelle Nouvelle Vague) dans le cadre de la cinquième édition de la Route du Rock hiver. Dans les deux cas, les Clues ont poliment salué la fosse puis ont joué leur petit répertoire de A à Z, rincés par l’effort. Non pas à cause de la violence du headbanging ou de la complexité des morceaux à jouer mais par amour du travail bien fait. Discrets certes, mais généreux, surtout.
Les autres Love lockdown :
Love lockdown #1 : Emerson, Lake & Palmer - Trilogy
Love lockdown #2 : Grits - The Art of Translation
Love lockdown #3 : Lil Ugly Mane - Mista Thug Isolation
Love lockdown #4 : Nicki Minaj - Pink Friday
Love lockdown #5 : William Sheller - Lux Aeterna
Love lockdown #6 : Luc Ferrari - Didascalies 2
Love lockdown #7 : Ice Cube - Raw Footage