Un confinement, ça laisse du temps. Du temps pour ranger des trucs, comme les dossiers sur son bureau, son placard à épices ou la pile de draps, mais aussi du temps pour un autre type de tri. Pourquoi ne pas se poser sur son canapé, le regard plongé dans le vide, et laisser sa mémoire choisir un disque pour en parler moins à travers le prisme de la raison que celui du cœur ? Nous, c'est ce qu'on a décidé de faire.
Avant d’aborder le huitième album studio d’Ice Cube, remettons les choses dans leur contexte. Raw Footage est sorti en 2008 ; cette année-là, le rap américain est dominé par deux évènements majeurs : le succès planétaire du Tha Carter III de Lil Wayne et le retour aux affaires de Q-Tip avec l’incroyable The Renaissance. En parallèle, dans le sud du pays, Bun B se relève du tragique décès de Pimp C avec II Trill tandis que, plus au nord, Kanye West noie son chagrin dans 808’s & Heartbreak, un disque vivement critiqué à l'époque, mais dont on peut aujourd'hui dire qu'il a bousculé les codes du hip-hop à tout jamais. Et face à tout ça, on a donc tonton Ice Cube qui cherche tant bien que mal à défendre les racines du gangsta rap avec Raw Footage, un condensé de street bangers à l’ancienne qui poussent le curseur du turn-up dans le rouge.
Alors âgé de 38 ans, le Californien n’a rien perdu de sa fougue d’antan ; les punchlines claquent et son agressivité légendaire fait toujours mouche. De ce fait, en 2008, Ice Cube est l'un des seuls O.G. qui peut se vanter d’avoir encore une street cred intacte - pour comparaison, sur la même période, Snoop Dogg squatte les ondes radio avec le malaisant « Sexual Eruption ». Pourtant, ce huitième album studio d’Ice Cube est loin d’être parfait. Le disque, à trop vouloir se rattacher aux racines du gangsta rap, a de gros problèmes de consistance et comporte même quelques gros ratés comme l’insupportable « Get Used To It » ; la qualité de certains hooks laisse également à désirer. Enfin, ayant le même ADN que son prédécesseur Laugh Now,Cry Later, Raw Footage semble surtout vouloir recycler ce qui a fonctionné deux ans plus tôt. Qu’on se le dise, le huitième LP d’Ice Cube ne mérite pas vraiment de place d’honneur dans son immense discographie.
Mais pour la série #LoveLockdown on réfléchit avant tout avec le cœur et si j’ai choisi de vous parler de ce disque en particulier, c’est que, malgré ses défauts apparents, j’ai ressenti une énorme vague de nostalgie monter en moi au moment de ressortir l’album du placard – car oui, j’ai toujours le CD en ma possession. Raw Footage, en 2008, c’était mon bébé. Lycéen, je me souviens encore parfaitement descendre du bus scolaire avec « Hood Mentality » à fond dans les écouteurs de mon iPod Nano, hypé comme jamais, à chantonner « FUCK SCHOOL N*GGA, IMMA BE A DOPE DEALER » - j’en venais presque à oublier que j’étais un petit blanc aux yeux bleus et cheveux bouclés. Bref, j’ai un énorme coup de cœur pour cet album totalement imparfait, qui est aujourd’hui tombé dans l’oubli, et que je recommande uniquement pour quelques bangers mémorables - il faut ici évidemment citer « I Got My Locs On » en compagnie de la crapule Young Jeezy ou encore « Gangsta Rap Made Me Do It », une charmante berceuse sur laquelle l’ancien de NWA assume ses valeurs - « fuck you all, motherfuckers trying to change rap ». Les oreilles de Kanye ont dû siffler.
Les autres Love lockdown :
Love lockdown #1 : Emerson, Lake & Palmer - Trilogy
Love lockdown #2 : Grits - The Art of Translation
Love lockdown #3 : Lil Ugly Mane - Mista Thug Isolation
Love lockdown #4 : Nicki Minaj - Pink Friday
Love lockdown #5 : William Sheller - Lux Aeterna
Love lockdown #6 : Luc Ferrari - Didascalies 2