Un confinement, ça laisse du temps. Du temps pour ranger des trucs, comme les dossiers sur son bureau, son placard à épices ou la pile de draps, mais aussi du temps pour un autre type de tri. Pourquoi ne pas se poser sur son canapé, le regard plongé dans le vide, et laisser sa mémoire choisir un disque pour en parler moins à travers le prisme de la raison que celui du cœur ? Nous, c'est ce qu'on a décidé de faire.
La scène du garage souterrain dans The Fast & Furious: Tokyo Drift, avec Lil Bow Wow qui s’extasie devant un Volkswagen Touran aux couleurs de Hulk, vous vous en rappelez ? Personnellement, je m’en souviens comme si c’était hier. Je m’en souviens comme si c’était hier parce que le jour où j’ai vu cette scène, c'est le jour où j'ai découvert Grits. À l’époque, en 2006, aveuglé par un amour pubère, j’avais eu la brillante idée d'emmener ma copine de l’époque voir le terrifiant navet réalisé par Justin Lin. Sans surprise, une fois la salle plongée dans le noir, je fus davantage occupé par ma chère et tendre que par ce qu’il se passa à l’écran. Mais soudainement, le fameux « oooouuuh aaaaaahhhh » détourna mon attention. Immédiatement intrigué, je me suis alors promis d’approfondir mes recherches sur la B.O du film après la séance. Et c’est ainsi que je découvris The Art of Translation.
A l'époque, je suis surpris d'apprendre que The Art Of Translation est déjà vieux de quatre ans puisque, visiblement, le projet est sorti en août 2002 sur Gotee Records. Rapidement, une première écoute du disque me confirme que le single « Ooh Aah (My Life Be Like)” n’est en réalité que la partie émergée d’un album qui transpire le Dirty South par tous les pores. En effet, musicalement, le quatrième LP du duo originaire de Nashville peut aisément être rangé aux côtés d’un Stankonia ou d’un Word Of Mouf.
Pour autant, le message adressé aux auditeurs est diamétralement opposé à celui d'OutKast ou de Ludacris puisque Grits - pour Grammatical Revolution In the Spirit – est un duo de christian rappers, c’est-à-dire que les deux MCs, Coffee et Bonafide, excluent totalement de leur vocabulaire les habituelles fanfaronnades luxuriantes et machos de leurs confrères. Mais attention, contrairement au dernier disque de Kanye West, The Art Of Translation ne tombe jamais dans le fanatisme spirituel. Tout au long des dix-sept pistes, l’approche religieuse prônée par les deux rappeurs reste toujours légère et leurs textes, certes lavés à l’eau bénite, ne pèsent en rien sur l’appréciation globale d'un projet porté par deux choses: la versatilité des prods et la complémentarité exemplaire entre les deux interprètes.
Et si, en cette période de quarantaine forcée, on vous déconseille fortement de remater The Fast & Furious: Tokyo Drift ; a contrario, on ne peut que vous inciter à (re)découvrir ce disque généreux et bienveillant qui, avec le temps, s'est doucement mué en incontournable de la bouillonnante scène du Dirty South.
Les autres Love lockdown :
Love lockdown #1 : Emerson, Lake & Palmer - Trilogy