On l’avait senti le jour de la sortie du dernier clip de Little Simz, « Introvert », qui vient annoncer le retour de la rappeuse britannique avec un nouvel album, Sometimes I Might Be Introvert, prévu pour le 3 septembre : malgré son talent indéniable, l’artiste semble bénéficier d’une couverture médiatique assez ingrate, qui ne correspond pas du tout à la qualité de son art.
À l’heure du streaming de masse, la vidéo peine à atteindre les 250k de vues sur Youtube et les 180K d’écoutes Spotify, en 3 jours. Sans rentrer dans un débat de comptoir, devant ces chiffres, il est assez légitime de se poser la question du frein qui empêche la rappeuse de rencontrer le succès logique, au vu du sa renommée déjà acquise, mais surtout de la matière proposée sur ce dernier titre.
Sur le plan mélodique, « Introvert » propose un hymne orchestral poignant qui n’approche jamais la frontière de l’excès ni de la grandiloquence. Habituée de l’exercice, Little Simz parvient ainsi à faire sonner les chœurs, les violons et les punchlines émues, avec une retenue et un roulement de rythmes comme de thématiques empêchant le morceau de tomber dans le cliché, chaque fois qu’il s’apprête à le faire. Même le spoken-word de fermeture trouve plus de sincérité et de force que les élans commerciaux d’une Beyonce féministe. Peut-être tout simplement parce que, même dans le faste, la londonienne Simbi Ajikawo ne fait jamais appel aux fioritures : l’énergie comme le flow se suffisent à eux-mêmes, sans arrangements blinquants.
Quant au clip, que l’on doit à Salomon Ligthelm, il pourrait très bien rivaliser avec ses cousins de la grande machine américaine. Des chorégraphies aux scènes dans les monuments historiques (comme ce fameux Natural History Museum), en passant par la mise en parallèle de l’art dit légitime avec la culture urbaine, on retrouve ici toute l’iconographie qui a nourri les derniers succès de Kendrick Lamar ou de la constellation Carter. Parmi ces éléments, émergent néanmoins des images plus familières : celles d’une capitale avec laquelle chacun possède une attache personnelle ; celles des vies modestes ayant été pillées par la hype ; celles d’un caméscope familial.
La recette prend donc cette fois le parti d’ancrer l’ensemble de cet art et de son message dans la réalité observable, en dehors des schémas commerciaux ou des tendances. La violence et la rage qu’ils contiennent retrouvent ainsi une expression pure ; leur sublimation, une logique artistique loin des démarches vénales, avec ce seul besoin, absolu, de dénouer les tripes en souffrance.
Une recette par conséquent bien plus « introvertie » que celle de la cuisine lucrative outre-Atlantique, qui pourrait peut-être expliquer l’absence de clics à foison. Peut-être. Tout comme le décalage temporel avec les premières productions américaines qui semble céder à Little Simz une fausse position de suiveuse, moins novatrice. Mais aussi le genre de musique, plus classique et analogique, à laquelle cette dernière se livre. Ou, plus simplement, la difficulté d’être une femme britannique dans un game dominé par les vastes territoires masculins / ricains.
On ne saurait trouver de réponse exacte à ces questions et ces constats de déséquilibre qui nous désolent quelque peu, mais on peut certainement y apporter une solution : cliquer tant que possible sur ce titre, dont les derniers mots – prononcés par la star de The Crown Emma Corin – trouvent un écho saisissant avec ceux qui avaient jeté la lumière sur Little Simz en 2015, au sujet de la possibilité affirmée de régner dans l’industrie et dans la vie, en tant que femme :
And so it begins
The base is an amalgamation of everything
Rules are not to be played by rebels
The story of never-ending
Your introversion led you here
Intuition protected you along the way
Feelings allowed you to be well balanced
And perspective gave you foresight
The top of the mountain is nothing without the climb
Only the strong will survive
Only the strong (Will survive)
Alone, but not lonely
Your truth unveils with time
As you embark on a journey
Of what it takes to be a woman