Les oubliés du premier semestre 2020

par la rédaction, le 4 août 2020

SLIFT

UMMON

Pour leur deuxième album, les trois membres de la formation toulousaine SLIFT ont décidé de passer à la vitesse supérieure en rejoignant l’écurie bordelaise Vicious Circle Records, qui compte déjà en son sein quelques joyeux drilles - on pense à It It Anita, Lysistrata ou encore Shannon Wright. Et en à peine deux ans, c’est leur musique qui s’est significativement métamorphosée. Plus psychédélique, plus composée, elle parvient à accomplir la tâche difficile d’unir le psych-rock, le stoner et quelque chose de plus heavy, comme sur le délirant « Aurore aux confins ». Si le projet semble relativement surfait en 2020, on se rend compte à l’écoute du disque qu’il avait rarement été aussi bien réalisé, cherchant une musique plus aboutie que des pontes du genre comme Orange Goblin ou les Truckfighters. Faire un rock plus profond et qui puisse faire headbanger une foule, c’est le pari réussi de SLIFT ; et notre vrai regret, c’est de ne pas pouvoir les croiser sur une scène de festival cet été, grisés par le soleil d’une fin d’après-midi et une bière plus tout à fait fraîche. (Emile)

DJ Python

Mas Amable

Le nom de ChilledCow ne vous dit probablement rien, pourtant ce mystérieux Américain se cache derrière la chaîne YouTube "lofi hip hop radio - beats to relax/study to" que l’algorithme de la plateforme vous a certainement un jour suggérée. Avec ses quasi six millions d’abonnés et ses dizaines de milliers d’auditeurs permanents, cette interminable succession d'obscures productions chillhop pour public aux yeux rougis par la kush (qui peut croire qu’ils viennent ici dans le cadre de leurs études ?) semble avoir pour seul objectif d’oeuvrer au retour en grâce de DJ Cam ou Kruder & Dorfmeister - ça finira bien par arriver un jour. Le problème de cette chaîne, et des dizaines d’autres qui lui ressemblent, tient moins à son existence qu’à la qualité des productions, pour la plupart anodines. Tout le contraire des saillies « deep reggaeton » de DJ Python. Que l’évocation de ce nouveau genre musical improbable ne vous fasse pas fuir : si la base est reggaeton, le traitement appliqué par le producteur américain amène un matériau de base dancehall / reggaeton vers quelque chose d’assez unique en son genre, un peu comme si Daddy Yankee (oui, celui de « Gasolina ») se découvrait une passion soudaine et dévorante pour Boards of Canada, et que celle-ci prenait la forme d’un disque total et bourré d’effets (reverb et delay en veux-tu en voilà), à mi-chemin entre l’album et le mix CD. Découvrir Mas Amable, c’est accepter de se laisser porter par le disque, par le propos hypnotique qu’il entend propager à grand renfort de titres qui déforment notre perception de la réalité, qui se ressemblent tous sans vraiment se ressembler. (Jeff)

Octave Noir

Monolithe

Avec Monolithe, son second album, Patrick Moriceau alias Octave Noire assure la synthèse entre l’aile la moins funk de la French Touch et la plus noble tradition des chanteurs à textes. Quelque part entre Sébastien Tellier et Dominique A, Jean-Michel Jarre et Jacques Higelin, l’album délivre 10 titres où se mêlent poésies pudiques et atmosphères envoûtantes. Si le résultat n’est pas franchement révolutionnaire, le plaisir est réel. La voix monocorde d’Octave Noire, tout en intériorité, maintient le fil entre angoisse et enchantement. Avec un tel programme, on pouvait craindre une certaine monotonie, mais le chanteur a l’intelligence d’inviter Dominique A, Mesparrow et ARM pour 3 duos qui donnent du relief à l’album. Il s’écarte aussi de son canevas musical sur « Sous Blister » qui nous amène presque du côté de chez Justice. Un album d'une belle richesse donc et qui, à l’instar de son homonyme kubrickien, réussit à être dense et évanescent, sombre et lumineux, simple d’apparence, mais rapidement irrésistible. (Amaury S.)

Zaia

VERY ALONE

Zaia est le genre de rappeur qui a grandi en ponçant les disques de Kid Cudi. Et comme lui à ses débuts, Zaia a cette attitude d’adulescent un peu paumé et rêveur, aussi fan de rap que de rock. Même s’il s’y est essayé à de nombreuses reprises, Scott Mescudi n’a jamais réussi à embrasser la carrière de rockstar dont il rêvait. Et ce serait donc un rappeur originaire d’Atlanta qui pourrait reprendre le flambeau là où Scotty McFly l’avait laissé. Assez discret depuis le lancement de ses premiers EP à partir de 2017, la sortie de son premier LP VERY ALONE en mai dernier marque véritablement le coup d’envoi de la carrière du jeune homme. Comme son public qu’on imagine plutôt jeune, Zaia s’interroge sur son avenir (« WONDER »), se sent souvent incompris et seul (« VERY ALONE »), mais fait malgré tout preuve de résilience pour continuer à avancer (en particulier vers la fin de l’album avec les morceaux « WINGZ » et « INNERSTATE »). Dans ces circonstances, le morceau « JUMO » en featuring avec Valee, la botte secrète de GOOD Music, sonne presque comme une évidence tellement le flow atonique et ouateux du rappeur de Chicago se marie à merveille avec l’atmosphère chill et planante du morceau. (Ludo)

Don Toliver

Heaven or Hell (ChopnotSlop Remix)

Don Toliver avait 6 ans lorsque le légendaire Dj Screw s’en est allé, noyé dans la lean. Et avec sa disparition en 2000, c'est tout un pan de la mythologie « chopped and screwed » qui s’évaporait. La lean, elle, a continué à couler à Houston. 20 ans plus tard, un rookie texan vient déterrer ce genre tombé en déshérence pour lui rendre ses lettres de noblesse. Avec ses deux tubes dans sa besace (« After Party » et « No Idea »), le Don s’attaque à un exercice périlleux en passant à la moulinette Heaven or Hell, son premier album paru en mars 2020 sur la structure de Travis Scott. Quelques BPM en moins, et quelques doses de codéine en plus, et voici le fantôme de Dj Screw flottant au-dessus de Don Toliver. Bien que les productions ressortent quelque peu éreintées de ce ralentissement forcé du pitch par Dj Candlestick et OG Ron C (des héritiers directs de DJ Screw), l’essentiel de cette version « chopnotslop » tient dans la profondeur et l’aspect aérien qu’apporte ce procédé au flow nasillard de Caleb Zackery. Ce ralenttato apporte une vraie nuance à Heaven or Hell, quand il ne surpasse pas l’original comme sur l’excellent « Cardigan ». Avec un tel album, la flamme sacrée du « chopped and screwed » s’est rallumée au Texas, et on espère que d’autres rappeurs seront tentés de voir la vie en violet. (Bastien)

Stove God Cooks

Reasonable Drought

Parfois une pochette dégueulasse donne le ton d'un album, à défaut de donner envie de l'écouter. Reasonnable Drought fait partie de ces disques-là : ceux qui auraient bien pu nous passer entre les doigts si une première écoute attentive n'avait pas offert un aperçu sidérant du talent de Stove God Cooks, rappeur méconnu de Syracuse. Sur ce premier effort, rien de bien révolutionnaire : une collection de samples, à peine retouchés, comme sortis d'un vieux vinyle de soul égaré, ou de la B.O. d'un western de seconde zone sur laquelle vient se poser une voix éraillée, possédée du maître de cérémonie. Reasonable Drought, c'est la complainte du damné, celle dont le problème d'addiction(s) emmène à débiter des tranches de vie avec cette noirceur ordinaire typique des livres d'Iceberg Slim. Avec son flow de crackhead, sa production minimaliste assurée par Roc Marciano et ses histoires de dealer qui vend sa poudre sur le parking de l'église après la messe dominicale, le coke rap n'a jamais paru aussi sale, aussi vrai, et aussi proche du blues que sur ce Reasonable Drought qui, loin des frasques soul brillantes du 'supreme dope dealer' Pusha T, sent un peu moins le plaqué or et un peu plus le grain de pavot coincé entre les ongles. Autant le dire d'office : le charisme est énorme, et on risque de le retrouver sur pas mal de projets qui comptent tout le reste de l'année – ça a d'ailleurs déjà commencé puisqu'il apparaît par trois fois (!) sur le dernier projet de Conway. Vous voilà prévenus. (Aurélien)

Onyx Collective

Manhattan Special

Pas simple de savoir dans quelle direction vogue le navire Onyx Collective. Loin du jazz progressif et proche du hip-hop de la team Robert Glasper ou Christian Scott, le collectif formé autour d’Isaiah Barr livre depuis plusieurs années un jazz brut, revenant à des sonorités centenaires dans un esprit plus que jamais tourné vers le futur. Leur dernier cru, Manhattan Special, est une façon de tourner les regards vers la seule constante de leur univers : New York. Dans un disque qui rend véritablement honneur à la notion de « collectif » qu’ils souhaitent porter, ils réinvestissent plus encore leur passion pour les grands classiques : « My Favorite Things », « Blue Moon », « My Funny Valentine », tout y passe. On pourrait être un peu dubitatif sur l’intérêt de reprendre des classiques pour un groupe qui a toujours cherché à conserver l’aspect du jazz primitif dans sa musique, mais c’est mal connaître l’excentricité du Onyx Collective. Tout en respectant l’usage du chant, notamment en invitant l’excellente Kelsey Lu sur plusieurs titres, le travail qui se dégage de l'album est hautement plus progressif que d’ordinaire. Incrustés dans du dub, ou portés par un jazz tourné vers le post-rock, les classiques de la grosse pomme retrouvent la fraîcheur d’une ville qui n’a jamais cessé de faire du jazz une actualité. (Emile)

Facs

Void Moments

Formé sur les cendres encore bouillantes des trop méconnus DisappearsFacs rassemble de vieux couteaux de la scène post-hardcore américaine qui faisait rage dans les 90’s (Milemarker90 Day Men pour les plus "connus") et qui s'est fort heureusement affranchie de ce style qui a trop souvent un peu de mal à rester crédible passé un certain âge. Bien que la tendance actuelle soit au post-punk sous toutes ses formes, le trio de Chicago demeure une pépite noire qui risque d’avoir du mal à se retrouver sous le soleil d’une grande scène de festival à faire danser les foules. Et c’est tant mieux. Pour peu que l’on préfère les caves moites où leur minimalisme hyper stylisé – on pense autant aux plus anciens This Heat qu’à d’autres héritiers comme Suuns - devrait tenir toutes ses promesses. Claustrophobiques, déviants, nihilistes ou encore trippants, les mots ne manquent pas pour qualifier les sept titres de ce Void Moments qui en font un shot de pure no-wave bruitiste et hantée à bloc, à boire en pleine apnée pour éradiquer la fièvre ambiante. Si la bande à Brian Case avait trouvé refuge plutôt logiquement chez Kranky à l’époque de Disappears, saluons l’ouverture d’esprit et la fidélité de Trouble In Mind  pour ce troisième album en trois ans à peine, label qui nous a toujours plus habitué à jouer la carte d'une pop indie aux accents gentiment psychés. Dans le décors Facs a clairement tout du vilain petit canard. Mais pour ceux qui connaissent la fable, ne passez pas à côté, ce groupe à tout pour devenir un cygne flamboyant. (Eric)

Porridge Radio

Every Bad

Il ne faut pas être le plus grand marabout de la place pour comprendre que les conséquences de la pandémie de Covid-19 pour l’industrie musicale seront désastreuses. Parmi celles-ci, on pense à ces carrières promises à un bel avenir et qui ont été coupées nette par des préoccupation qui, quand le projet qui devrait faire la différence est sorti, se réduisaient au stockage de PQ et à la quête désespérée de masques FFP2. Et Porridge Radio fait partie de ces petits anges qui pourraient partir trop tôt : signé sur Secretely Canadian (Alex Cameron, Suuns, Whitney) à la faveur d'un premier album prometteur, porté par une chanteuse au magnétisme total, et mis sur orbite par quelques singles impeccables, le groupe, que l’on situera à mi-chemin entre Hole (celui de Live Through This) et les Pixies, a sorti en mars Every Bad, disque qui s'est payé l’unanimité de la chronique (dont un Best New Music chez Pitchfork), et n’attendait qu’une tournée printanière et un gros été des festivals pour toucher le large public qu’il mérite. Aujourd’hui, les mois ont passé, comme les sorties venant en chasser d’autres dans nos têtes déjà bien occupées, et on se demande parfois ce qu’il restera des carrières de groupes comme Porridge Radio quand le grand barnum des tournées reprendra. Et franchement, on espère qu’il restera dans vos petits coeurs encore un peu d’amour pour le groupe de Brighton, capable de briller dans le registre de la ballade désenchantée comme dans celui de la sournoiserie noisy. (Jeff)

Minor Science

Second Language

En une petite poignée de maxis pour le compte de l'écurie AD 93 (Whities dans un monde pre-George Floyd), Minor Science est devenu l'un des meilleurs représentants d'une techno exigeante où l'expérimentation ne vient jamais court-circuiter l'énergie du dancefloor. Rien de bien surprenant : l'Anglais s'est récemment expatrié à Berlin, mère patrie de la techno en Europe, mais garde en tête tous les acquis de la grande période IDM de son bled d'origine. Premier passage par la case album, Second Language conserve l'exigence esthétique des débuts sur format court, et prolonge l'expérience le temps d'un album rythmé comme un mix, risquant les grands écarts de BPM et d'ambiances pour faire le tour complet des obsessions de son géniteur. Le résultat ? Un disque aussi bien techno que gabber, ambient que house, bourré d'audace avec un sound design d'une folle classe, tout en fractures. Second Language, c'est un gros golem qui ne donne pas dans le temps mort, une montagne russe franchement fun. Bref, une réussite totale. (Aurélien)

Mick Gordon

DOOM Eternal OST

Sur Youtube, on a vu passer ce commentaire : « DOOM Eternal is a 60$ soundtrack coming with a free game ». Sans aller jusque-là – parce que le jeu est excellent – on aurait du mal à dire que l’essence du gameplay ne tient pas en grande partie à la musique. On ne sait pas où la série s’arrêtera, mais on sait déjà très bien que Mick Gordon est rentré dans les livres d’histoires de la musique de jeu vidéo. À l’image du jeu, la musique est absolument sans limites. Drôle, violente, mélodique, ultra (ultra) énergique, elle sublime une expérience qui s’est fixée pour but de raviver la flamme du premier FPS légendaire. Et on sent que la coordination entre les développeurs et le compositeur a été parfaite dans la description de son objectif : donnons aux gens ce qu’on aurait rêvé d’avoir en 1990. Du metal survitaminé au dubstep, en passant par le sludge et le post-punk. Mais mieux que d’avoir eu la force de redonner une énergie toute nouvelle à une série qu’on croyait enterrée, Mick Gordon et les développeurs de Bethesda ont donné une leçon à toute l’industrie du jeu vidéo en ce qui concerne la musique. Non seulement il y a une place pour l’audace et le rythme dans un jeu, mais il y a surtout un public extrêmement friand de ce genre de propositions. Comme d’habitude, rien ne vaut un essai manette en main, mais on vous conseille au moins d’écouter le disque dans un « let’s play » pour comprendre la puissance que le projet dégage quand il est associé au gameplay. (Emile)

The Chats

High Risk Behavior

Si vous cherchez un œuvre dont le nombre de neurones engagés dans le processus de création est à peu près équivalent à zéro, High Risk Behaviour est fait pour vous. Pour tout le monde en fait, cette posture de pur branleur s’avérant carrément salutaire en cette période de tension généralisée. Craché en plein milieu du confinement, ce troisième album des Australiens - le premier à dépasser les quinze minutes, aucun morceau au-delà de trois – est le parfait coup de pelle punk-poubelle pour réveiller vos instincts primaires. À l’instar de leur mini-tube "Smoko" en hommage à la sacro-sainte pause clope, il ne sera point question ici de physique quantique ou de fission nucléaire, mais plutôt de resto basket ("Dine N Dash"), de discrimination anti-coupe mulet à l’entrée des clubs ("Keep the Grubs Out") ou de bléno impromptue ("The Clap"). Il suffit de parcourir les titres pour relever la couillonnade du jour. Les riffs sont aussi nets que les gueulantes libératrices. Finalement, un tel degré d’efficacité serait presque digne d’un Prix Nobel. (Gwen)

Zebra Katz

Less Is Moor

Si l’on n’avait jamais vraiment prêté attention aux premières oeuvres de Zebra Katz, c’est en partie parce que dans la grande foire du rap weirdo, certains noms apparaissent plus exposés que d’autres. Une fois sortis ceux de JPEGMAFIA, Earl Sweatshirt ou Danny Brown, il reste peu de places pour ces talentueux seconds couteaux moins médiatisés, mais aux univers tout aussi riches que les noms cités précédemment. Avec Less Is Moor, Zebra Katz s’érige en porte-drapeau de ces freaks de l’ombre et propose un premier album d’une incroyable complexité, croisant textures industrielles, influences club et sonorités noise. Empli de mélancolie, ce premier effort permet également à Ojay Morgan de se libérer de certains de ses plus grands démons et d'évoquer, en filigrane, sa condition de rappeur afro-américain queer. À l’image du titre « ISH », Less Is Moor ne sera pas la bande-son de votre été, mais il pourrait toutefois se positionner tout en haut des playlists des DJ lorsque les clubs rouvriront enfin leurs portes. (Noé)

Laraaji

Sun Piano

Faire un disque de piano solo est à la fois une étape nécessaire pour beaucoup de musiciens, et un écueil à éviter. De Art Tatum à Chilly Gonzales, le genre existe comme une consécration technique et mélodique relativement figée, dans laquelle chaque artiste tente d’inscrire sa musique de la manière la plus originale possible. Et si pour beaucoup de jazzmen ou jazzwomen, il s’agit souvent d’un passage du trio au solo, pour Laraaji, c’est une façon de s’extirper enfin des nappes qui l’ont entouré toute sa vie. Figure magistrale de l’ambient new age, l’Américain a toujours situé son propos entre des instruments asiatiques comme le gong ou certaines flûtes, et des recherches plus électroniques. En ressort cette musique si particulièrement céleste et mystérieuse, et a priori si détachée d’un album de piano solo. Tout en restant dans les thématiques naturalistes qu’il a toujours cherché à explorer, Laraaji se lance donc un nouveau défi avec Sun Piano. Sans tenter de calquer sa musique sur un piano droit, il parvient à en conserver l’aspect mélodique et répétitif, montrant par là ses affinités avec le minimalisme américain ou l’exercice pianistique japonais. À la manière d’un Joe Hisaishi ou d’un Ryuichi Sakamoto, la technique est mise au service d’une douceur mélodique et d’un travail de l’atmosphère. Et si on espère – et on l’imagine bien - qu’il y aura une suite à la carrière de Laraaji, Sun Piano serait un merveilleux coup d’éclat pour un départ en retraite. (Emile)

Frenetik

Brouillon

En foot comme en rap, la Belgique se régale depuis quelques années des exploits d'une génération dorée. Balle au pied, c’est Kevin De Bruyne, Eden Hazard ou Thibaut Courtois qui affolent les statistiques, tandis que Damso, JJ & Caba ou Roméo Elvis font de même dans leur domaine. Mais en foot comme en rap, on observe le vieillissement inexorable de ces deux générations - et on sait que dans ces deux secteurs, on atteint très vite la date de péremption. Alors plutôt que de célébrer les albums moyens de nouveaux riches du rap belge, peut-être faudrait-il penser à chouchouter la relève. Aussi, les bons producteurs seraient bien inspirés de garder leurs plus belles ogives pour le Bruxellois Frenetik. Sur ce premier EP qui fait suite à quelques gros singles et qui porte accessoirement très mal son nom, les influences de Damso et Travis Scott sont évidentes, mais sûrement pas handicapantes, car elles visent surtout à valoriser un talent qui, s’il est correctement encadré, va vite faire tourner les têtes. Avec un flow félin et agressif qu’il met au service de textes bien ciselés qui racontent les choses de sa vie sans sombrer dans la vulgarité de base ou les punchlines bas de front, Frenetik pose méthodiquement ses pions sur l'échiquier, et Brouillon fait alors office de carte de visite rêvée pour un MC qui est très possiblement la meilleure chose qui soit arrivée au rap belge en 2020. (Jeff)

Viagra Boys

Common Sense EP

Si 2020 n'était pas une vaste blague, on se la serait collée très fort au printemps pour la tournée européenne des Viagra Boys, le phénomène post-punk venu de Stockholm et qui sent bon la bière tiède (dont le chanteur du groupe raffole s'imprégner sur scène) et le tabac froid. La suite, vous la connaissez : une cascade de désillusions qui, parfois, a pu nous faire perdre de vue quelques bonnes nouvelles. Parmi celles-ci, la sortie de Common Sense, EP du groupe sorti sans trop d'effets d'annonce, probablement pour occuper le terrain d'ici à ce qu'ils réinvestissent "prochainement" les salles de concert. Un effort qui mise davantage sur la retenue que sur les hymnes grivois à chanter bras dessus bras dessous dans une ambiance de pub irlandais (même s'il y en a), mais qui donne un très net aperçu de la direction qu'empreinte le groupe suédois : une musique qui brille par sa saleté, et qui est tellement raccord avec l'ambiance des livres d'Irvine Welsh qu'il ne manque qu'un accent inintelligible pour se croire dans une scène de Trainspotting – notamment sur ce formidable « Common Sense » qui n'aurait pas juré sur la BO de l'adaptation de Danny Boyle, entre le titre de Pulp et celui d'Underworld. (Aurélien)