Le Bento Project, entre fascination et étonnement
Avoir son propre webzine, c'est vraiment une expérience très chouette, à condition d'être célibataire ou d'avoir un compagnon de vie plutôt conciliant. En effet, ce genre d'activité vous bouffe rapidement une bonne partie de votre temps libre, que vous consacrez notamment à vider votre boîte mail de courriels envoyés par des groupes désireux de se faire connaître auprès d'un public qui dépasse les parents et les copains de classe. Généralement, ce type de correspondance est assez standardisé et va à l'essentiel. Puis occasionnellement débarque une bande d'hurluberlus qui se disent qu'en en faisant des caisses, ils vont peut-être attirer l'attention d'un rédacteur qui, ce soir-là, aimerait avoir quelques étoiles dans les yeux. Et c'est là que notre chemin croise celui du Bento Project, un groupe dont on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'il est Français et qu'il ne manque pas d'idées saugrenues.
Je ne vais pas vous étaler ici toute la tartine qu'ils m'ont transmise il y a peu, mais je peux vous assurer que l'on tient là une bande de types pas comme les autres. Il suffit d'aller faire un petit tour sur leur site Internet pour vous en convaincre: il y a les visuels un brin new age, les MySpace multiples et surtout, la fameuse Bentopedia. Cette "Encyclopédie libre des sciences bentologiques et de tous les bentoïstes" est un grand moment de WTF intersidéral qui voit nos amis du Bento Project expliquer en long et en large leur projet et leur musique.
Parlons-en justement de leur musique: avec des tels esprits farfelus, vous vous doutiez bien qu'on n'allait pas se retrouver avec des vignettes de 3 minutes pompant les Libertines ou Phoenix. Non, le Bento Project n'a à l'heure actuelle qu'une seule plage à vous faire écouter, elle s'intitule " Bento III : be this Ocean !" et affiche quand même… 71 minutes au compteur! Mais que de bonnes choses peut-on entendre: on croise sur cette longue plage aux innombrables variations une multitude de styles qui nous font penser tantôt à Animal Collective, tantôt à Ariel Pink, quand ce n'est pas Brian Wilson, Lemmy Mötörhead, Miles Davis ou Matt Elliott qui viennent pointer le bout de leur nez. Il y a pire comme références, vous en conviendrez. Certes, cette longue pièce n'est pas faite pour toutes les oreilles, mais si un brin d'aventure vous tente, vous allez en avoir pour votre argent.
Mais le meilleur reste peut-être à venir. En effet, nos amis bentoïstes nous annoncent que ce morceau n'est qu'un élément d'une trilogie qui n'attend que votre soutien pour se dévoiler. Et que nous réserve-t-on? Je vais laisser le groupe vous le dire, non sans vous prevenir de quand même vous accrocher à votre slibard: "Le Bento vous promet en effet également une remontée aux racines des musiques folkloriques et populaires anglo-saxonnes (Bento I : Earth of the Nation), dont le développement géopolitique constituera une descente infernale dans le Broadway de l'entre-deux-guerres et la comédie musicale berlinoise (Bento II : Fire on the Reichstag). De cette origine double qui constitue le creuset fondamental du Bento, émergera le Jazz, le Rock, la Pop et une multitude d'autres germes qui ne demandent qu'à fusionner au sein d'un nouveau mouvement qui dépassera en les conservant toutes ramifications qui l'ont constituées. C'est cette pop révolutionnaire, libre, polymétrique et modale que proposera le Bento IV : The Wind blows here and there. Mais avant de nous atteler à cette révélation finale, il nous reste encore un long chemin que nous espérons parcourir en votre compagnie."
Clairement, on pourrait crier à la supercherie totale, si seulement la musique du Bento Project n'était pas aussi intrigante et finalement très bien ficelée, malgré une évidente économie de moyens imposée par le statut actuel du groupe mais compensée par un déluge d'idées astucieuses. A tester, assurément!