Cinedelic, Sonor, Dagored, Schema... Ces noms ne vous disent peut-être pas grand chose mais ces quatre labels ont entrepris ces dernières années de remettre au goût du jour ce qui se faisait de mieux entre la fin des années 60 et toute la décennie 70 en matière de musiques de films et de library italiennes.
Il faut dire que durant cette quinzaine d'années, nos voisins transalpins (Piero Umiliani, Riz Ortolani, Egisto Macchi... la liste est infiniment longue) ont livré un sacré paquet de disques de tous styles (funky, orchestral, progressif, jazzy, expérimental ou psyché), toujours novateurs et viviers inépuisables de samples. Une musique indémodable dont on sent encore aujourd'hui l'immense influence sur les ambiances cinématiques contemporaines de Forever Pavot, des Allah-Las ou de Jacco Gardner par exemple.
Le sujet qui nous intéresse aujourd'hui en est sûrement le plus célèbre représentant. Reconnu mondialement pour ses collaborations, avec le réalisateur Sergio Leone notamment, Ennio Morricone a touché au divin au début de la décennie septante, multipliant les partitions pour le cinéma italien ou français et explorant tous les univers, jusqu'à l'expérimentation la plus radicale avec ses acolytes du Gruppo di Improvvisazione. Mais à ce niveau, un résumé de la carrière du maître risquerait de ne pas tenir sur l'écran de nos tablettes, je rentre par conséquent directement dans l'actualité du jour.
C'est donc au label Dagored qu'on doit la réédition très attendue de cette Citta Violenta, parfaite synthèse du travail de Morricone à cette époque. Cette soundtrack sortie initialement en 1970, c'est d'abord un thème principal "Citta Violenta" repris et réadapté tout au long du disque, un écrasant suspense aux abords angoissants qui s'émancipe vers des ambiances typiques de films de gangsters de l'époque avec ses riffs étirés. La superbe pochette avec Charles Bronson l'arme aux poings est d'ailleurs la parfaite illustration de cette première trame.
On découvre ensuite, conduites par le fidèle compagnon de route de Morricone Bruno Nicolai, les orchestrations extraordinaires de "Con Estrema Dolcezza" et son piano presque poignant (#3). Puis le suspense revient nous glacer avec "Riflessione" ou" A Caissa". Les guitares fuzz apparaissent alors au milieu des breaks funky de "Svolta Definitiva" pour mieux nous mener au déluge de percussions de "Disperatamente". Tout le disque est au diapason, on frissonne, on transpire, on se détend aussi, on nage dans du très grand art. Pas étonnant que pour les collectionneurs amoureux du vinyle, le pressage original de ce disque soit devenu si prisé.
Mais heureusement, aujourd'hui ce disque est à la portée de tous. Agrémentée de nombreux titres jusque là inédits, cette réédition vient rappeler la place centrale d'un immense artiste. Grazie Dagored, Grazie Ennio.