Jack White enchaîne les innovations et Neil Young pose à l’ancienne
Pour la promotion de son nouvel album Lazaretto, Jack White s’est totalement lancé dans une nouvelle boulimie de production. On connaissait les nouveautés conceptuelles que son label Third Man Records pouvait proposer, cherchant à innover toujours plus dans le vinyle et devenir par là le self-made man aux deux casquettes, à la fois icône du rock brouillon et roi du marketing incisif. Durant le Record Store Day, il s’est donc frotté à un record du monde qu’il n’a pas pu homologuer mais qui a cependant fait l’événement : Jack White a enregistré, pressé et commercialisé en 3 heures 55 minutes et 21 secondes un 45 tours de deux titres — le record précédent valait pour l’intégralité d’un album.
Comme frustré d’une pleine victoire, le stratège a de suite rempilé en annonçant la sortie de Lazaretto, pour le 10 juin, sous le format inédit de l’ « Ultra LP ». Ce dernier condense toutes les caractéristiques bonus que l’on recherche sur les vinyles collectors, avec ici, un peu de supplément magique : face mate, face brillante ; lecture de l’intérieur vers l’extérieur, cerclé d’une boucle infinie ; morceau dissimulé sous l’étiquette centrale, lisible par simple apposition de la cellule sur le papier ; titres à différentes vitesses de lecture ; mais surtout, deux hologrammes d’anges sur une des faces ainsi que l’excellente possibilité de démarrer un morceau avec une intro soit acoustique soit électrique selon le sillon dans lequel tombe le diamant.
Dans l'énorme tourbillon que la pieuvre White a engendré, Neil Young vient d’y engloutir sa barque. En effet, avec A Letter Home, le bûcheron sensible s'inscrit dans la logique ludique du label Third Man. Seule une cabine Voice-O-Graph de 1947, appartenant à White, lui a servi de studio pour enregistrer ses reprises de classiques (Dylan, Willie Nelson, etc.). Le jeu atteint son but et marque l’album de ce grain si particulier, mais ne s’arrête pas là. Histoire de conclure la boucle, il fallait en faire une performance. C’est hier que les complices l’ont réalisée sur la plateau de Jimmy Fallon en procédant à l’enregistrement vinyle de "Crazy" (Willie Nelson) et "Since I Met You Baby" (Ivory Joe Hunter) en live depuis la cabine. Si Jack White a peut-être piqué l’idée à son homologue négatif Jack Black, le projet présente au moins l’honneur de nous rappeler que ces fameuses cabines ont vu la naissance, ou la mort, de nombreux artistes folk dont les graineuses maquettes téléphoniques se sont parfois mues en cultes galettes.