Incroyable mais vrai: le salut d'Alec Mansion auprès de l'intelligentsia cool est passé par l'Angleterre
On est tous pareils: quand on évoque le nom d'Alec Mansion, on pense instantanément à "C'est l'amour", improbable one hit wonder de Léopold Nord et Vous, et Win For Life pour ce Liégeois qui a écrit ce qui était à l'origine un morceau en anglais dont personne ne voulait, et qui a terminé en tête des hit parades de France et de Belgique, mais a bien fonctionné à l'étranger aussi et s'est écoulé à un million d'exemplaires au niveau mondial. On pense peut-être aussi à "Cette femme est un héros", autre morceau qui a rencontré un certain succès auprès des couches populaires. Et puis c'est à peu près tout pour le commun des mortels. C'est aussi à peu près tout ce que l'on peut trouver de lui sur Spotify ou Deezer. Enfin pouvait. En effet, depuis ce vendredi, c'est l'album éponyme d'Alec Mansion sorti en 1983 qui a atterri sur toutes les plateformes de streaming et de téléchargement, aboutissement d'une histoire totalement improbable.
En effet, l'artiste belge ne s'était jamais douté (nous non plus en fait) que ce disque enregistré dans les studios Synsound de Dan Lacksman et produit par Marc Moulin (ce qui nous fait deux tiers de la légende Telex) était devenu un disque très recherché par les collectionneurs de raretés boogie / funk, et que la plaque atteignait régulièrement des prix assez stratosphériques sur une plateforme comme Discogs, où la spéculation prend en 2017 des proportions hallucinantes. C'est justement ce disque qui, cet été, est ressorti discrètement en LP et remasterisé sur un label anglais, Be With Records. Un disque enfin disponible dans un format dématérialisé grâce à la major Warner, détentrice des masters, qui se dit que ce forgotten classic a certainement sa place dans une société qui n'a jamais autant valorisé la réédition de disques un peu improbables - il faut quand même bien se dire que cette version LP, elle s'écoule dans les rayons de magasins de disques comme Rush Hour à Amsterdam ou Phonica Records à Londres.
Pour en revenir au disque, les prix exorbitants évoqués plus haut sont tout à fait justifiés tant le travail réalisé par le trio Alec Mansion / Marc Moulin / Dan Lacksman est terrifiant d'efficacité. En prenant une base boogie / funk héritée d'un voyage d'Alec Mansion à Chicago et sur laquelle vient se greffer une production incroyable et une écriture fortement influencée par la variété française de l'époque, cette fine équipe a pondu un disque qui, une fois retiré le vernis un peu cheesy qui traîne ci et là, n'est qu'un enchaînement de titres dont la perfection mélodique ne se dément pas plus de trente ans après la sortie initiale.
Quand on sait qu'aujourd'hui, on a plutôt tendance à se moquer d'Alec Mansion pour sa participation au grand cirque Stars 80 ou pour son opéra-rock avec Julien Lepers en maître-chanteur (alerte kamoulox!), on se dit qu'il est bon que le talent du Liégeois soit remis au goût du jour par l'entremise d'un disque dont les meilleurs moments ("Dans l'eau de Nice" en écoute plus haut, ou encore "Trop triste" ou "Laid, bête et méchant") sont le genre de pépites que l'algorithme YouTube vous place juste entre "Lait coco" et le version longue de "Nuits brésiliennes" - les fans d'obscures raretés taggées #frenchfunk ou #rareboogie savent très bien de quoi on parle.