Hommage suprême au Love Supreme de John Coltrane en novembre
Trouver dans cette rubrique (des 'news') une brève sur un artiste mort depuis près de 50 ans peut surprendre voire sembler paradoxal. Pourtant si on y regarde bien, la musique de John Coltrane est intemporelle et son influence est revendiquée régulièrement bien au-delà des frontières du jazz, faisant de lui un des plus grands saxophonistes (si ce n'est le plus grand) de l'histoire.
Dans les années 1950, Coltrane est un acteur important de la révolution bop puis hard bop qui secoue le jazz "à papa" et met son instrument au service de grands noms comme Sonny Rollins, Miles Davis, Art Blakey ou Dizzy Gillespie en tant que sideman de luxe.
Mais l'homme est aventureux et aime dérouter, briser les codes établis - une sorte de punk avant l'heure en costume cravate. Il s'émancipe alors et signe ses premiers albums en leader à partir de la fin de la décennie sur les mythiques labels Prestige, Atlantic et même Blue Note (l'unique mais somptueux Blue Train). Déjà on sent chez lui une envie de libérer ses instincts à travers son instrument, de déconstruire, d'improviser. La cocaïne le désinhibe et le célèbre label Impulse! lui en offre la possibilité: sa voie sera désormais celle du free jazz qu'il pratiquera jusqu'à sa mort prématurée en 1967 avec en point d'orgue un album extrêmement avant-gardiste tout en restant accessible au profane, notre sujet du jour, A Love Supreme.
Le 9 décembre 1964, John Coltrane réunit son emblématique Quartet (Elvin Jones à la batterie, Jimmy Garrison à la contrebasse et McCoy Tyner au piano) sous la houlette du producteur Bob Thiele et du toujours très inspiré ingénieur du son Rudy Van Gelder, et investit son studio pour une séance qui accouchera en février 1965 du classique A Love Supreme. Découpé en 4 thèmes tous composés par Coltrane, il ressort de ce disque une extraordinaire sérénité, celle d'un homme sûr de lui et de ses musiciens. Tour à tour subtil, euphorique et apaisé, Coltrane est au sommet de son art et rend un hommage non dissimulé à Dieu, qui pour le coup le lui rend bien.
Coltrane signe lui-même les notes de pochette et après une longue déclaration d'amour divin, termine par ces mots: ELATION - ELEGANCE - EXALTATION. Un résumé parfait de ce chef-d'oeuvre qui célèbre aujourd'hui ses 50 ans.
Un anniversaire que vous pourrez fêter avec une superbe réédition 2CD chez Verve qui sortira le 6 novembre prochain et dont le contenu n'a pas que valeur historique. En effet, ce Complete Masters se propose évidemment de faire découvrir ou redécouvrir l'album original mais propose également certaines versions inédites et d'autres en mono mais surtout le résultat d'une deuxième session studio (en fait enregistrée le lendemain) avec l'immense Archie Shepp et Art Davis. Le tout agrémenté d'extraits de conversations et emballé avec un beau livret reprenant des photos des séances et un essai signé Ashley Khan (Mojo, New York Times, Rolling Stone) Une version encore plus luxueuse 3CD est également annoncée avec un concert enregistré au festival Jazz Antibes de 1965.
Sans mauvais jeu de mots, il m'était impossible de conclure autrement qu'en criant justement mon Amour Supreme pour John Coltrane et inviter chacun d'entre vous (même ceux dont je devine la défiance envers le jazz parfois perçu comme une musique de premier de la classe chiant) à aller (re)jeter une oreille à l'oeuvre du maître.