C'était le mois de mars, le printemps de l'année coïncidait avec celui de nos vies, et un duo allemand sortait une véritable bombe intitulée Idealism. Un petit bijou fondu dans un alliage de french touch, de post-punk et de pop. Ça jouait en live, ça chantait, ça kickait dans tous les sens, et Digitalism était en quelque sorte la quintessence de toute une époque. Ça, c'était 2007, et Kitsuné était tout en haut de la pyramide du cool avec ses compilations Maison. Yep.
Depuis, on ne peut pas vraiment dire que l'élan d'Idealism ait bénéficié de la trajectoire espérée. Alors certes, il y a eu trois albums depuis, Digitalism sera encore en tournée des festivals cet été, et on est contents que les types puissent vivre de leur musique au bout de quinze ans.
Le problème, c'est que Jens Moelle et Ismail Tuefecki jouent avec nos nerfs. On avait accepté sans trop rechigner le I Love You, Dude de 2011, mais entre le très décevant DJ-Kicks de l'année suivante et le carrément repoussant Mirage en 2016, on avait eu largement le temps de lâcher l'affaire. Digitalism était devenu cet ami d'enfance avec qui on avait construit des cabanes dans les bois et qu'il était désormais de bon ton de nier, parce que disons-le, il était devenu un peu con. Sauf que depuis 2016, ce vieux pote revient régulièrement squatter à la maison.
En trois ans, le duo a sorti treize EPs ou singles. Et pas un seul album. De quoi nous embarquer sur l'angoissant rollercoaster de la nostalgie. Il y a un peu plus d'un an, ils sortaient "Holograms" : une petite bombe. Et puis "Red Lights" : une infâme bouse. Bon, "Space Race" était passable, on la mettait pour courir après le tramway. Puis ce fut au tour de "Glow", qui rassemblait à peu près tous les défauts du groupe. Mois après mois, sortie après sortie, ce vieux nous faisait passer la meilleure soirée de l'année, puis nous embarquait dans le plan le plus chelou de la décennie, sans jamais faire attention à notre petite santé.
Ce vendredi, Digitalism a sorti un deux titres, Chapter 1. On reste face à leur page Spotify, incapable de cliquer, incapable d'écouter autre chose. Au fond, si ce vieux pote relou est capable de nous faire replonger en une seconde, c'est probablement qu'on croit en lui. Parce qu'il a du talent, et que dans chaque daube qu'il pond, on voit toujours cette lueur qui nous avait plu autrefois. On dira que cette lueur est une madeleine de Proust périmée depuis bien longtemps, mais on continuera à se poser la question à chaque fois : Digitalism, quand reviendras-tu ?