cLOUDDEAD débarque sur les serveurs de streaming, et nos petits coeurs battent la chamade

par Aurélien, le 5 mars 2020

On est en 2020, et à part pour une poignée de gens qui ont eu le privilège d'être aux premières loges de l'âge d'or d'un certain rap indépendant, les noms de Yoni Wolf, Doseone ou Odd Nosdam ne disent plus grand chose. Ils sont juste perdus dans la grande mare du abstract hip-hop des années 2000, représentée par des structures comme Anticon ou Mush Records.

Ils incarnent tous une musique qui ne brille pas toujours par son sens du détail, mais davantage par son envie d'évoluer en dehors des calques. Tout cela, finalement, pour recueillir l'attention dans nos contrées de webzines comme dMute, Hiphopcore, ou l'Abcdr du Son. Et rappeler au monde que deux de ces trois institutions ont déjà mis la clé sous le paillasson en dit long sur la santé des webzines francophones, et nous permet d'en placer une pour ces sites (et les forums qui allaient avec) qui ont contribué à nous forger une curiosité et une culture musicale.

Bref, si on prend le temps de vous replanter le décor, c'est parce qu'hier, il s'est passé quelque chose d'assez mortel : Yoni Wolf a annoncé sur son compte Instagram que la discographie de cLOUDDEAD, son projet avec ses deux collègues mentionnés plus haut, avait enfin été uploadée sur les serveurs des grandes plateformes de stream.

Deux disques uniques, dont un premier qui brille par ses fractures et ses samples aériens, porté à bout de bras par un esprit punk, et enregistré avec les moyens du bord ; et un second, Ten, tout aussi réussi mais plus polarisant dans sa manière de préfigurer la suite de carrière de ces trois incroyables individualités, animées d'une envie dévorante d'infiltrer l'indie pop, le rock ou l'electronica. Tout ça sans jamais perdre de vue cet appétit pour l'expérimentation.

Replonger dans la discographie de cLOUDDEAD, c'est aussi repenser au tourbillon créatif d'une époque révolue, mais qui brille d'un passif à rendre vert de jalousie un stakhanoviste comme Gucci Mane. D'ailleurs, puisqu'on en parle, on a envie d'évoquer avec vous quelques beaux moments de musique : vous rappeler à la beauté des disques de Bike For Three!, au fait que Yoni Wolf a écrit pour Why? l'une des plus belles chansons du monde  ("Gemini"), au talent de l'incroyable Doseone qui avait créé avec Subtle un projet rock barré rivalisant avec les plus spectaculaires lubies de Mike Patton - ils collaboreront d'ailleurs ensemble au sein de Peeping Tom et des Nevermen. Se rappeler aussi de tous ces groupes importants qui ont gravité autour, comme Hood ou Fog, qui ont sorti eux aussi des disques d'une beauté intemporelle, flirtant avec l'électro-accoustique ou une noise franche du collier. 



Il eut fallu qu'on vous parle de tout cela dans un dossier à rallonge, mais voilà : on n'a décidément pas le temps de cerveau disponible, ni même le temps tout court pour ça. Pour l'heure, on préfère vous laisser quelques pistes pour débuter votre exploration, ou vous rappeler de fieffés bons souvenirs. De notre côté, on s'est abandonnés à notre canapé, et on s'est replongés dans ces deux albums aux samples froissés, aux flows nasillards, au son par toujours parfait, et à toutes ces petites choses qui donnent à cette musique l'effet d'une photo de classe retrouvée par hasard, sur laquelle on reconnait les visages sans être réellement fichus de mettre des noms dessus. Les contours sont flous, mais l'émotion et les souvenirs eux, demeurent intacts après vingt ans. Bref, faites-leur honneur, et écoutez cLOUDDEAD - et tous les autres trucs cités plus haut. Et de préférence un soir d'ivresse ou de fatigue extrême, dans ces moments en dehors du temps où les émotions sont à vif. Croyez-nous, c'est une expérience folle dont on ne revient jamais indemne.