Au revoir Metek et Riski, bonjour Manuel Goldman
Des années Noir Fluo jusqu’à sa carrière solo, jamais Manuel Goldman n'a jamais montré de signe de rémission psychologique. Et comme tout bon artiste qui élève son art au rang de thérapie, il est toujours resté insaisissable : sur son premier disque Riski il y a six ans, il était impossible de rester indifférent devant l’authenticité de celui qui se faisait appeler Metek, et plaçait le gangstérisme dans un bel écrin FM - une autobiographie entre le Queens et Barbès d'une originalité inégalable. C'était le point de départ d’une folle course qui s’est poursuivie sous l’alias Riski avec Matière noire, un EP fantastique chroniqué sur nos pages et dans lequel le charismatique rappeur se livrait avec l’urgence d’un soulman au bord de la rupture d’anévrisme. Une poignée d’EPs plus tard, ile gars n'a pas fini de débiter des tranches de vie saupoudrées de violence et de drogues - réelles ou pas. Cachant ses larmes de lean sous une épaisse couche d’autotune, l’homme évolue désormais seul dans un espace surréaliste et plus cryptique que jamais, en Dr. Manhattan du rap jeu.
Si on se permet de vous refiler quelques éléments de contexte, c’est parce que Manuel Goldman est revenu aux affaires cette semaine avec Piscines, un EP de cinq titres sorti sur sa page Bandcamp. Et c'en est fini de ses avatars Riski et Metek, place à la première personne. Et si, dès l’entame, des 808 nerveuses croisent le fer avec guitares acérées comme à la grande époque des Diplomats ou des Coke Boys, le reste de Piscines cherche davantage à ressembler à une variété française extra-terrestre, musicalement accessible mais épousant divers niveaux de lecture, comme pour mieux tromper l’ennemi.
Sans rechercher la concession, mais en démontrant que l’ex-Noir Fluo n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il œuvre derrière un miroir déformant, Piscines continue d’emmener la discographie de son auteur aux confins d’une créativité désordonnée, impulsive. Une musique qui revendique son économie de moyens, aux contours d’un blues post-moderne qui ne feint à aucun moment l’émotion sur sa vingtaine de minutes de son – comme sur le touchant "Papa se murio".
Surtout, Manuel Goldman est pertinent quand il évoque ce puissant sentiment de perdition qui l’habite. Et si tout fout le camp autour de lui, le Parisien reste solide comme un roc, fortifiant son égo comme quatre murs capitonnés pour se protéger du bruit ambiant. Dans cette pièce, c’est la solitude qui a droit une partition des plus touchantes. Et même si souvent la forme est vulgaire et maladroite, le propos est suffisamment sincère pour qu’on puisse pardonner ces écarts de prose. Là encore, tant pis si on ne comprend pas tout : sur Piscines, Goldman est de toute évidence bien plus compréhensible quand il s’exprime par images subliminales que ton chanteur préféré quand il débite des lieux communs. C’est peu dire si ça vaut la peine d’aller voir ce qui se joue ici.