Spoon
Juste avant leur unique date parisienne de l'été, nous avons pu rencontrer Spoon par l'intermédiaire du batteur du groupe, Jim Eno, qui nous accordé 20 minute de son temps pour faire le point sur leur dernier album, leur processus de création et leur tournée.
GMD : Jim, vous avez produit de la musique pour d'autres groupes comme !!!, ces travaux ont-ils une influence sur les disques de Spoon ?
Jim Eno : Je pense que oui. Je crois que chaque fois qu'on a l'occasion de travailler dans différent styles musicaux ou avec différentes personnes, cela vous donne de meilleurs outils pour avancer sur notre travail avec Spoon. Lorsque Britt (Daniel, le chanteur ndlr) a travaillé sur l'album de Divine Fits il a eu de nouvelles idées sur comment travailler en groupe, et il a ramené ça dans Spoon pour qu'on se l'approprie, c'était juste avant I Want My Soul. Le truc amusant quand on produit de la musique c'est qu'on peut garder toutes les bonnes choses qu'on apprend au contact d'autre producteurs et d'autres artistes et ne pas garder les mauvaises.
GMD : Le groove est très important dans votre musique, est-ce que votre songwriting s'articule autour de ça ? De manière générale comment composez-vous vos chansons ?
Jim : Britt a toujours écrit des chansons très rythmiques. C'est l'une des choses qui m'a attiré dans ce groupe. Il a un style très orienté autour du beat qu'il est très amusant d'interpréter en tant que batteur. Les chansons arrivent de différentes manières. Parfois c'est une démo très étoffée comme "Can I Sit Next To You". Quand j'ai eu la démo je me suis dit direct "elle est super". Pour d'autres chansons, c'était le cas pour "Do I Have To Talk You Into It", Britt arrive avec juste une idée et le groupe travaille ensemble, on explore différentes manières de la jouer, on essaie différents rythmes jusqu'à ce qu'on soit tous convaincu par la chanson.
GMD : On entend plus de claviers et moins de guitare sur votre nouvel album, Hot Thoughts, pourquoi prendre cette direction ?
Jim : Je ne sais pas vraiment. On n'en a pas vraiment parlé avant. C'est arrivé comme ça, de manière organique. Mais si tu écoutes They Want My Soul, notre précédent album, la dernière chanson qu'on a enregistrée était "Inside Out", qui est notre chanson préférée sur l'album, très sympa à jouer, une très bonne chanson. Et si on regarde les deux albums, They Want My Soul et Hot Thoughts, il y a une connexion entre eux qui serait "Inside Out", il y a une continuation à travers cette chanson. Et ça s'entend sur "I Aint The One", "Pink Up", "First Caress" sur le nouvel album, qui ont beaucoup de claviers. Il y a une autre chanson sur laquelle on a travaillé à partir d'une guitare acoustique, on a essayé plusieurs fois, mais ça ne collait pas avec le reste de l'album, donc on a arrêté de travailler dessus. De manière générale le choix de cette direction n'était pas vraiment conscient, on y a pensé un peu, bien sûr, mais ça s'est passé comme une progression naturelle.
GMD : L’album se termine par une piste instrumentale très douce, "Us", c’est un peu inhabituel pour Spoon, comment cette chanson est arrivée ?
Jim : On travaillait sur une autre chanson, et Britt avait l'idée de faire une partie au saxophone en guise d'introduction. Il a trouvé un gars pour la faire, une connaissance d'Alex, notre clavier. Le mec est venu, il a écouté une première fois la chanson en entier, puis il a dit "donnez mois un piste, je vais faire un truc". Il a donc fait une seconde piste en enregistrant les harmonies au saxophone, et Britt a essayé de jouer autour, de rajouter quelques éléments, mais ça ne collait pas vraiment. Sauf qu'en isolant la piste au saxophone, c'est devenu un superbe morceau. Britt a donc écarté tout le reste, a gardé juste le saxophone, et a reconstruit autour ce qui est devenu "Us". On n'avait jamais fait ça avant, et créer une chanson à partir d'une piste au saxophone, c'était plutôt épique pour nous.
GMD : Est-ce que chaque nouvelle chanson est écrite en studio ? Vous ne les testez jamais sur scène avant ?
Jim : Pour cet album, nous n'avons rien joué avant de rentrer en studio. Et pour I Want My Soul non plus. Par contre pour le précédent, Transference, on n'avait joué quelques chansons avant, comme "Rent I Pay", "Got Nuffin", "Written In Reverse", qu'on avait testé live avant l'enregistrement. Mais le processus classique pour Spoon est d'enregistrer d'abord en studio, en construisant les morceaux en faisant attention à toutes les sonorités.
GMD : En concert vous jouez des morceaux de votre dernier album et aussi des plus anciens, c'est important pour vous de revisiter et continuer à faire vivre votre répertoire ?
Jim : Oui, je pense que oui. On a toujours envie de faire des bons concerts. Et les gens qui nous suivent veulent vraiment entendre certaines anciennes chansons, comme "The Underdog" ou "Don't You Evah". Et on les joue chaque soir ou presque.
GMD : Parce que le public les veut ?
Jim : Oui exactement. On veut que les gens soit heureux de venir nous voir. Et on joue d'autres chansons plus anciennes encore, on a ramené à la surface une chanson qui s'appelle "Anything You Want", qui est une de nos anciennes chansons (parue sur Girls Can Tell en 2001 ndlr). On va la jouer ce soir.
GMD : Quelles ont été vos principales inspirations durant l’écriture de Hot Thoughts ?
Jim : Deux personnes en particulier nous ont beaucoup influencés : David Bowie et Prince. Bien sûr nous sommes de grands fans d'eux, et ils ont influencés nos albums depuis longtemps. Mais après leur disparition on a beaucoup écouté leurs albums, tous les membres du groupe se sont replongé dedans. Dans le studio de Dave Fridmann où nous travaillions il avait un vieil appareil qui lisait les CD, et une dizaine de disques ont tourné pendant l'enregistrement. Il y avait Lodger (album de Bowie de 1979 ndlr), des disques de The Pretenders, de Miles Davis. Tous ces CD ont beaucoup tourné. Mais Bowie et Prince, en premier lieu, sans aucun doute.
GMD : Une édition vinyle de l’album réservée aux disquaires indépendants est parue, c’est important pour vous de supporter les commerces indépendants de musique ?
Jim : Oui absolument. Tu parles des vinyles colorés c'est ça ? Oui, pour nous c'est important de supporter les boutiques indépendantes. D'ailleurs en tournée quand on achète des CD ou du matériel on privilégie ce genre de boutique. On a fait une opération avec l'album, si tu le précommandes dans une boutique indépendante tu as un EP de 3 ou 4 morceaux supplémentaires.
GMD : Comment expliquez-vous votre notoriété plus faible en Europe alors qu'aux Etats Unis vous avez un vrai statut de groupe important ?
Jim : Je ne sais pas. Vraiment. Qu'en penses-tu ? Tu sais toi ? (rires) Je ne sais pas. si on posait la question à quelqu'un du business musical, peut-être dirait-il que nous ne venons pas assez jouer en Europe. On vient de jouer à Arras, au Main Square Festival, et notre promoteur nous disait "les gars il y a bien d'autres endroits où jouer en France, il faut qu'on établisse un plan de bataille". On sent que les gens nous aime bien par ici, donc il faut qu'on passe plus de temps ici.
GMD : ...en même temps vous êtes au milieu d'une grosse tournée cette année, depuis mars et jusqu'à novembre...
Jim : Oui c'est clair. On va revenir cet automne en Europe d'ailleurs, en octobre je crois, je n'ai plus les détails en tête.
GMD : Pas trop dur d'être loin de chez vous pendant si longtemps ?
Jim : Un peu, tu sais, mais maintenant avec les téléphones c'est plus facile. Ça fait longtemps qu'on part en tournée, la première remonte à 1996. On se demandait l'autre jour comment on faisait à cette époque, sans pouvoir taper "café" sur Yelp pour trouver un Starbucks. C'est plus facile maintenant qu'on peut faire des facetime avec nos familles (rires). Mais on adore se déplacer, c'est un métier fantastique.
GMD : Vous préférez jouer en festival ou dans une salle de concert ?
Jim : Les deux ont leur attrait, mais on préfère jouer dans des petites salles, dans des clubs, avec les murs, l'excitation, l'énergie, les gens dehors qui viennent juste pour nous. En festival parfois les premiers rang sont un peu statiques, attendant les têtes d'affiches.
GMD : Durant la tournée vous écoutez quoi ?
Jim : Récemment j'ai beaucoup écouté The The. On a vu en concert de Jools Holland (pianiste qui a contribué à certains albums de The The) qui a rejoué quelques chansons de The The et je me suis replongé dedans. Sinon on a joué avec les Savages l'autre jour, c'était très sympa, ça m'a fait pensé aux premiers enregistrements de PJ Harvey, comme Dry, Rid of Me. C'est de la bonne came. Je les avais jamais vu sur scène, c'était fantastique.