Interview

My Diligence

par Guigui, le 12 novembre 2023

L'été dernier, certains groupes belges ont eu une activité plutôt chargée. C’est le cas de My Diligence qui a fièrement défendu sa proposition musicale en Belgique comme à l’étranger, notamment lors d'un premier passage au Hellfest où le trio bruxellois a eu la lourde tâche d’assurer le premier créneau horaire du vendredi. Une heure où habituellement les festivaliers les plus courageux émergent seulement à grand renfort de biscuits petit-déjeuner. Mais il en fallait plus pour décourager la formation qui a non seulement assuré ses 30 minutes de show avec un incroyable professionnalisme, mais aussi réussi dès les premières notes à rassembler une foule certaine rapidement acquise à sa cause. C’est dans une ambiance détendue, quelques heures après leur prestation, que nous avons eu l’occasion de rencontrer Gabriel (batterie), Cédric (guitare/voix) et François (guitare), des musiciens plein d’envie avec encore un reste d’étoiles dans les yeux.

J’aimerais commencer en vous demandant simplement quel est votre debriefing du concert que vous avez donné sur la Valley.

François : Énorme, c’est le mot. On appréhendait beaucoup parce que c’était à 10h30 du matin et on se disait qu’il n’y aurait que 4 personnes.

Cédric : Gabriel a commencé le concert la tête baissée et quand il l’a relevée il s’est dit « Mais c’est quoi ce bordel ? ». Une masse est arrivée d’un coup. C’est ça la magie d’un gros festival, c’est qu’il peut y avoir 1000 ou 2000 personnes à cette heure-là, alors que dans la vie de tous les jours, tu ne te dis pas que tu vas aller voir un concert à 10h30 du mat’.

François : Certes on a déjà fait quelques festivals comme Dour, mais ici c’est vraiment la machine.

Cédric : On essaie au fur et à mesure de se professionnaliser et ici on te prend au sérieux. Les mecs qui sont là pour t’aider et qui te prennent ton matos avant de monter sur scène ne te considèrent pas moins bien qu’un headliner. 

Gabriel : Maintenant il faut savoir qu’il y a une constante chez nous, c’est qu’on est des amis. On se voit 3 ou 4 fois par semaine pour répéter ou parler musique et j’ai toujours pensé qu’un jour ça allait payer. Là on a passé un cap et pour ça on remercie l’orga, on remercie Laurent de Listenable ou encore notre ingé-son. On sent vraiment un esprit de cohésion et une énergie.

Cédric : Dans le groupe on n’est que 3 mais les gens ne se rendent pas compte que sans l’entourage qu’on a, on ne pourrait pas arriver à des trucs pareils. Il y a tellement de choses à gérer à côté que sans eux, je ne sais même pas si on arriverait à supporter.

Gabriel : C’est vraiment une petite entreprise en soi. Et c’est chouette de voir qu’en plus de nous, il y a d’autres personnes qui y trouvent leur compte. On sait qu’en 2024, avec la sortie de notre nouvel album, ça va être quelque chose de beaucoup plus lourd. On n’y était pas forcément préparé mais voir qu’on est capable de faire ce qu’on est en train de faire, c’est tellement satisfaisant. Maintenant on est bien conscient que ce n’est pas un aboutissement en soi. On a envie d’aller plus loin et plus haut.

C’est une étape dans votre processus ?

François : Oui bien sûr. Là on a joué sur la Valley à 10h30 mais qui sait plus tard ce qu’on pourra faire d’autre.

Cédric : Il faut se fixer des objectifs, sinon tu ne fais jamais rien. On a tous un boulot, on fait de la musique 3 ou 4 fois par semaine et on dit toujours qu’un groupe c’est pire qu’un couple donc tu dois continuer à avancer coûte que coûte. 

Gabriel : C’est un peu comme si tu escaladais une montagne et que tu n’en voyais jamais la fin. Mais paradoxalement, tant que tu ne vois pas cette fin, tu sais que tu ne dois pas t’arrêter.

Est-ce que la méthode de travail de My Diligence a changé à partir du moment où vous avez commencé à être programmé dans de plus gros évènements ? Ou vous vous êtes dit que vous alliez aborder vos concerts comme vous l’aviez toujours fait ? 

Cédric : On a fait comme d’habitude. Bien sûr, comparé à d’autres concerts, c’est une autre pression. Mais on s’est dit qu’il ne fallait rien changer.

Gabriel : Moi je pense que c’est parce qu’on a modifié notre manière de jouer live en amont que le Hellfest est venu à nous. Mais on ne s’est pas non plus dit que ça allait tout changer.

Cédric : La spontanéité doit rester dans la musique. Si tu es trop sérieux et que tu deviens quelqu’un d’autre, ça ne va pas. Néanmoins c’est clair qu’au fil du temps on a apporté quelques améliorations mais tout simplement parce qu’on avait envie de le faire. On réfléchit beaucoup plus aux détails qu’ils soient musicaux ou visuels parce qu’on a envie de faire les choses correctement. On est plus perfectionnistes qu’avant c’est évident. On est tous les 3 différents, on n’est pas toujours d’accord sur différents sujets mais le groupe est ce qui nous réunit et ce sur quoi nos avis convergent.

 

Si on revient sur l’évolution de My Diligence, 2023 aura quand même été une année charnière pour vous. En plus de votre passage au Hellfest, vous avez été signé sur le label français Listenable.

Gabriel : Oui 2023 est une année incroyable pour nous mais je pense que les choses ont quand même été amorcées en 2019 avec la sortie de Sun Rose. Évidemment il y a eu la pandémie mais au contraire de beaucoup de groupes, on a essayé de mettre la situation à profit pour continuer sur notre lancée et à composer l’album qu’on avait vraiment envie de faire. Entre les confinements on est donc parti à Paris enregistrer chez Francis Caste (mastodonte de la production en France, responsable notamment du son de Hangman’s Chair, Regarde les Hommes Tomber, Pogo Car Crash Control… - ndr). Et en plus avec The Link Prod, on intègre une famille de groupes qu’on aime. Et puis il ne faut pas oublier la manière dont ça s’est passé avec Listenable.

Que veux-tu dire ?

Cédric : C’est une vraie belle histoire.

Gabriel : On travaillait avec Raphaël Bovey, le mixeur de Nostromo. Et il s’avère que c’est un ami des membres de Gojira dont il a remixé et remasterisé tous les lives. Et Jean-Michel Labadie (bassiste de Gojira) tombe sur notre groupe et commence à partager notre musique sur Instagram…

Cédric : Déjà là ce n’est pas normal, tu te dis que c’est un fake (rire).

Gabriel : Et quand on voit ça, la première chose qu’on se demande c’est si on va oser lui dire qu’il n’y a pas de bassiste dans le groupe. Le temps passe et Gojira vient en concert à Forest National (5 juillet 2022). On contacte Jean-Michel en lui demandant si on peut venir les voir, ce à quoi il nous répond qu’en plus de venir voir leur concert, il fallait qu’on se rencontre. On y est allé avec Cédric avec des exemplaires CD’s de notre dernier album The Matter, Form and Power et les mecs nous attendaient en backstage. Au moment où on veut donner notre CD à Jean-Michel, il nous montre quelqu’un en nous disant que c’est à lui qu’il faut remettre l’album parce que c’est lui qui a fait toute la carrière de Gojira. Et c’est homme c’était Laurent Merle de Listenable (premier label du groupe français). On lui donne donc le disque et plus tard, alors que je suis en vacances, je reçois un mail de sa part me disant qu’il adore l’album et me propose qu’on fasse le prochain ensemble.

Cédric : C’est en cela que c’est une belle histoire. C’est que c’est la vraie vie avec des rencontres humaines.

François : Et puis les choses se sont enchainées. Laurent a dit au booker de la Valley d’aller nous voir à Nantes. C’était un endroit pourri où on a dû jouer par terre puisque la scène était trop petite. On a donc rencontré la personne qui nous a dit qu’on était dans sa liste. Et le lendemain c’était confirmé. Tout est donc parti de choses qui se sont provoquées.

Musicalement, vous vous trouvez à la croisée des chemins de différents styles au même titre, par exemple, que Hangman’s Chair qui compte des membres qui viennent de la scène hardcore. Il y a une émotion certaine sur une base qui est brute.

Cédric : Nous aussi on vient du hardcore. Mais on va dire qu’on a arrêté d’être fâchés (rire). Le hardcore a été une période énorme de 2000 à 2010. Mais on voit qu’avec l’âge, on prend les codes de notre style initial et on les modifie peut-être parce qu’on vieillit. Hangman’s Chair a aussi un gros côté Type O Negative, alors que nous on a pas mal de côtés assez « psychés », old school, nineties. On a grandi dans cette période donc on ne peut pas se changer à 100%.

Pour terminer j’aurais voulu aborder votre formule en trio sans basse. Il y a une raison particulière derrière ce choix ?

François : Ça n’a pas toujours été comme ça. Mais on s’est retrouvés à un moment où on avait des concerts prévus et notre bassiste de l’époque ne pouvait pas les assurer. On a donc pris des amplis basse et on a joué à 3 comme ça. C’est de là que vient notre formule puisque Cédric et moi avons chacun un ampli guitare et un ampli basse, avec tout un système d’effets derrière. Ce n’est pas simple mais ça fait le travail.

Cédric : Bien sûr tu ne remplaces jamais un bassiste mais depuis nos débuts on fonctionne comme ça et à 3 on est plus forts, donc pourquoi changer ?