Interview

Milk TV

par thomas g, le 12 décembre 2023

Milk TV a le vent en poupe. Pour fêter la sortie de leur deuxième album Neo-Geo chez EXAG’ Records, ils viennent de produire ce week-end une soirée survoltée au Cobra Jaune (avec France Frites et l’incontournable Bérenger 2000). Le 22 octobre, ils faisaient déjà une release party au Botanique - sans disques (bloqués quelque part dans un entrepôt) - où le trio bruxellois a fait la première partie de Peter Kernel. J’étais là pour les interviewer. Une conversation dans la cantine du Botanique avec le fondateur du groupe Matthieu Peyraud (basse) et son acolyte Romain Benard (batterie), également auteur-compositeur sous le nom de Primevère. Casper de Geus (guitare) était également là mais il ne parlait pas beaucoup. Une interview qui se retrouve également en podcast, réalisé chez Radio Panik.

Trois ans après le premier, le deuxième album s'appelle Neo Geo. La musique reste similaire mais il y a plus de complexité dans les compos. Votre son a toujours été assez proche de la musique américaine et là vous avez fait mixer et masteriser le disque en Géorgie, aux États-Unis.

Matthieu : C’était un choix esthétique de notre part. Dans les écoutes que j'ai pu faire, il y avait Material Girls, aussi signé chez EXAG’, où je trouvais que la production (de Graham Tavel de Mirror Mirror Recording) était très intéressante. Je l’ai contacté pour connaître un peu les prix. Finalement, c'était pas cher et ils ont fait ça très rapidement. Pour moi, c'est une super production, je suis très content d 'avoir travaillé avec eux. Travailler à distance permet aussi d’aller à l'essentiel.

Matthieu : Le mix s'est fait en 10 jours. J'ai complètement halluciné. En deux jours, il avait déjà proposé 7 morceaux. Et à la fin des 10 jours, il avait fait 5 mixes différents. Une telle rapidité, j'ai jamais vu ça. Et en plus, il est très gentil.

Les gens sont plutôt réceptifs aux nouveaux morceaux ?

Romain : Les retours sont heureux sur l 'album. Ça se passe toujours très bien en live. On n'a pas fait de gros four où les gens partaient au milieu de notre concert. C'est plutôt satisfaisant.

Vous revenez tout juste de tournée ?

Matthieu : C’est la première fois qu'on part aussi longtemps même si l'année dernière, on avait déjà fait une tournée française de huit dates. C'était chouette de retrouver des gens qui nous avaient rencontrés ou d'aller dans des nouvelles villes.

Et vous avez également tourné au Québec ?

Matthieu : On a été invité au FME, le festival des musiques émergentes du Québec. Cela faisait un moment qu'on voulait aller là-bas. On en a profité pour faire deux autres dates à Montréal. Une à la Casa del Popolo, une salle assez connue qui a été montée par Godspeed You Black Emperor. Et l'autre, c 'était plus un plan underground, dans une maison, mais quand même organisé par un lieu officiel. Comme j'ai vécu à Montréal, c’était important pour moi de revenir à l'essence de tout ce qui m'a donné envie de faire Milk TV. Ça s'est super bien passé et ils nous ont invité à revenir pour Pop Montréal au printemps.

Comment un groupe indé peut se permettre de partir au Québec ?

Romain : C'est forcément un budget un peu serré. Heureusement, le FME est un festival qui ne paye pas au rabais. On est aussi accompagné à travers un partenariat avec Wallonie-Bruxelles International. On a pu faire trois dates sans perdre de sous. Le plus important, c’était de se faire connaître.

Neo-Geo, c'est 8 morceaux assez serrés. Par contre, il y a un morceau un peu plus long, « Murmuur », où ça chante en flamand.

Matthieu : Souvent, c'est moi qui apporte un riff de base ou un schéma de morceau, et ensuite on arrange ça ensemble. Là, c’est la première fois qu'on travaillait ensemble dès le début. Ce morceau-là n'a pas été fait avec le même line-up. Il y avait déjà Casper à la guitare mais c’était avec notre premier batteur, Martin Rault. Il y avait un rapport dynamique que je voulais donner : un truc très puissant au début, pour tout couper ensuite, et arriver sur un drone avec une partie improvisée. Dans l'ensemble, la musique de Milk TV est quand même très écrite. Du coup, c’était le seul moment où on a pu s'exprimer d'une manière un peu plus libre. La basse et la batterie sont là pour créer un groove assez droit et Casper a toute la liberté pour pouvoir créer de la matière et nourrir le propos.

Martin : C'est le morceau où on s'est laissé une expression plus vivante. C'est un moment de liberté en live et Casper est un peu le Monet du concert, il peint des paysages entre ombre et lumière avec sa guitare.

Vous avez changé le line up du coup?

Matthieu : On a toujours été un trio mais ce n'était pas les mêmes personnes. Sur le premier album, il y avait Gaëtan Gauthier à la guitare et Martin Rault à la batterie. A la suite du premier, Casper a remplacé Gaëtan. Martin, qui joue aussi également dans Phoenician Drive, a carrément changé de voie puisqu’il est passé au 3D Modeling en laissant sa batterie à Bruxelles. Mais on est toujours très proche. Le deuxième album a été enregistré avec Romain qui est avec nous depuis deux ans.

Au niveau des influences, on entend pas mal la no wave new yorkaise, il y a aussi une ambiance post-punk en général, mais surtout une certaine légèreté. On n'est pas sur de la post-punk 100% dépressif.

Romain : Ce n'est pas trop testostéroné.

Matthieu : On essaye de s’écarter du côté dark du post-punk. C'est toujours plus difficile de faire un truc joyeux sans tomber dans la caricature ou la bouffonnerie. Deerhoof, Devo, XTC ou Primus font ça très bien par exemple.

Romain : Moi, comme je me suis greffé à l'artistique, j'ai des références communes mais Matthieu les présentera mieux que moi… Sinon, je vais parler de Bertrand Belin et de Benjamin Biolay, on va s'écarter du sujet.

À quand des chansons en français ?

Matthieu : Le prochain disque va être dingue parce qu’il y aura les influences de tout le monde. Casper a aussi beaucoup d'influences weirdos.

Comment vous vous placez dans la scène de Bruxelles ?

Matthieu : Elle est très active. C'est l'avantage de Bruxelles : cet espèce de va-et-vient constant. Il y a plein de gens qui se rencontrent. C'est la dynamique que l’on retrouve dans la musique et dans l’art en général. Toute cette mixité, c'est ce qui fait la richesse de Bruxelles.

Et jouer au Botanique ce soir, c'était important ?

Romain : C'est un peu circonstanciel parce qu'il y avait les Peter Kernel qui jouaient sans première partie. J’ai envoyé un mail au Bota qui nous a accepté tout de suite. C'est une vraie cohérence de terminer la tournée ici, à la maison. Et c’est la cerise sur le gâteau de faire le club de la Rotonde.

Du coup, le conseil aux jeunes groupes, c'est d'envoyer un mail au Botanique quand il n'y a pas de première partie.

Romain : Bien sûr, il faut toujours essayer de faire des chouettes premières parties. Il faut qu'il nous reste au moins ça. Déjà que c'est dur de jouer dans des lieux un peu référencés.

MILK TV EN CONCERT


14 décembre au Café Central, Bruxelles
15 décembre au George & The Bear, Genk
16 décembre pour la fête de Noël du Rokerill de Charleroi