Interview

Johnnie Carwash

par Nikolaï, le 30 avril 2024

C'est le printemps : la durée des jours rallonge au même titre que les tables en terrasse. Le sourire revient sur toutes les lèvres et il fait bon vivre, bordel. Il te faut donc une BO pour accompagner ces moments bénis. No Friends No Pain, deuxième album du trio garage pop Johnnie Carwash est tout trouvé, du made in France qui va te donner des envies sévères d'imiter les pas de danse de Kevin Bacon dans Footloose. Pour parler de cette nouvelle sortie, on a discuté avec le groupe lyonnais au complet. Manon, Bastien et Maxime sont demandés à la barre. Leur crime ? TROP DE MIGNONNERIE ET DE GENTILLESSE. Le rock hexagonal se porte très bien, ça va merci.

Cet album a encore été enregistré par un pote avec trois micros dans un local ? C’est ça finalement la Johnnie Carwash touch ?

Bastien : On va dire que c’est l’évolution de ça ! Nous sommes comme des Pokémon. On passe de Dracofeu à Pikachu. Pour Mom is a punk ! c’était exactement les conditions que tu décris. Pour Teenage Ends, l’enregistrement s’est passé dans une salle de concert mais toujours avec Romain Da Silva. Pour cet album, nous sommes carrément allés dans un vrai studio avec des beaux micros.

Manon : Avec Romain et toujours avec l’énergie live ! C’est la même formule mais en essayant de faire sonner ça le mieux possible. On avait un peu plus de moyen donc c’était le bon moment pour le studio.

Bastien : C’était trop bien parce qu’on dormait juste à côté et qu’il faisait beau.

Maxime : Avoir une aussi belle salle d’écoute et control room, ça change tout. C’était une pièce avec beaucoup de parquet, des tapis et des machines analogiques qui traînaient un peu partout. Ça contribue à créer une sacrée ambiance ! Je me souviens que le premier jour où je suis arrivé, j’ai pensé que je pourrais y vivre toute l’année. On avait enregistré le premier album au Mistral Palace à Valence. Murs noirs partout, zéro fenêtre et club rock qui sent la bière. C’est sûr que c’est une autre expérience !

L’autoproduction et le DIY semblent être les moteurs depuis les débuts. C’est ce sur quoi tout l’ADN du groupe repose ?

Manon : Je ne sais pas si c’est ce sur quoi tout repose mais quand on a envie de faire quelque chose, on le fait par nous même si personne ne veut le faire avec nous. Le groupe est imprégné de l’esprit DIY. On est quand même bien accompagné maintenant et c’est chouette. Je pense notamment au label Howlin’ Banana, à la distribution, au tourneur…

J’ai lu que l’album a été composé entre deux tournées. Étant donné que vous passez votre vie sur les routes, il y a vraiment un autre moment possible pour ça ?

Manon : On avait une pause de trois mois entrecoupée de Noël. On s’est dit qu’on avait réservé un studio en avril et qu’il allait bien falloir le composer cet album ! Ça a été chose faite en deux mois.

Maxime : Pour la petite anecdote, on est parti faire deux dates à la Réunion après avoir composé. C’était les vacances en fait ! On a enregistré au retour et on faisait déjà des dates en Allemagne quelques jours après. Tout s’est enchaîné et ça faisait beaucoup de choses à penser et à prévoir. On a de toute manière tourné longtemps pour le premier et il fallait vite envoyer le second.

Vous pensez que ça a été bénéfique de travailler dans cette urgence et avec cette montée de stress ?

Manon : Seul l’avenir nous le dira ! Nous n’avons pas encore assez de recul pour juger No Friends No Pain. Il y a plein de choses que nous aurions fait différemment si nous avions eu plus de temps pour l’enregistrer. Mais à un moment, il faut bien figer quelque chose ! Si on veut modifier des passages, on le fera en live.

Bastien : On a déjà prévu des surprises dans les arrangements live !

Maxime : Il faut savoir se mettre des contraintes, notamment de temps. La chanson parfaite n’est jamais finie. Je pense que ça a donné une cohérence et une concision à l’ensemble et qu’il y a moins d’artifice que sur le premier album…

Vous répétez souvent que si l’on n’a plus rien à dire, on ne rajoute rien. Cette façon de penser est la base pour une bonne chanson pop et une bonne chanson punk ?

Manon : Oui, je suis parfaitement en accord avec cette citation ! Les morceaux se suffisent à eux-mêmes, pas besoin d’artifice.

Maxime : Pour ma part, j’adore la pop et les chansons courtes. Et un bon gros solo de guitare de temps en temps. J’ai besoin d’un truc clair et concis sinon je trouve rapidement des longueurs.

Chaque façon d’enjoliver les choses est automatiquement une trahison à la simplicité ? Ou même de l’arrogance ?

Manon : Nous n’avons aucun problème avec les groupes qui bidouillent en studio. Nous le faisons aussi : les nappes de guitares rajoutées, les solos… Mais c’est important pour le groupe que l’on puisse jouer en concert tout ce que tu entends en studio.

Bastien : Si on rajoute trop de trucs, notre prise live guitare/basse/batterie se retrouve noyé et on ne l’entend plus correctement. Il faut se retenir d’enjoliver parce que c’est essentiel de garder ce côté tendu et humain, avec des erreurs. On se met aussi une contrainte : celle de ne jamais utiliser l’auto-tune.

Manon : C’est vrai que nous n’avons jamais enregistré piste par piste, chacun son tour. Peut-être qu’on le fera un jour pour essayer cette expérience ! Pour l’instant, notre truc c’est la base live, garder notre énergie et retranscrire nos imperfections.

Maxime : J’aime bien la technique instrumentale mais ça peut vite tomber dans l’arrogance et dans quelque chose qui n’a pas grand chose à faire dans la musique.

Les mots « fun » et « cool kids » sont toujours utilisés pour décrire Johnnie Carwash, que ce soit dans les critiques ou les communiqués de presse. Vous assumez pleinement ce côté fendard ? Vous n’avez pas peur qu’on ne prenne pas au sérieux vos compositions ?

Bastien : Ce qu’on veut vraiment quand on va voir un concert, c’est s’amuser. C’est naturel que ça soit ce sentiment qui nous anime.

Manon : J’adore voir les gens qui ont le smile pendant qu’on joue. C’est aussi simple que ça !

Maxime : Un bon concert est un concert où je rigole. La base de notre musique n’est évidemment pas une blague mais nous faisons ça avec légèreté.

Manon : Mais c’est vrai que nous nous sommes déjà demandés si le groupe est pris au sérieux. On a très mal joué récemment parce que c’était la première fois qu’on remontait sur scène depuis un moment. On a fait toutes les erreurs possibles et pourtant, les gens étaient indulgents et nous félicitaient. C’est là que je me suis demandé si Johnnie Carwash n’était pas perçu comme une grosse blague.

Maxime : C’est parce que nous avons le nez dedans. Notre regard est biaisé et on se focalise sur des détails. Je veux dire qu’en fait les gens n’y connaissent rien ! Est-ce que les lecteurs et lectrices de Goûte mes Disques savent ce qu’est la musique ou pas ?

Johnnie Carwash est la preuve qu’on peut être régressif sans que ça soit péjoratif ?

Manon : On a une image de fainéant alors qu’on bosse beaucoup ! Mais j’aime notre côté nonchalant et accessible parce que ça montre qu’on peut monter un groupe sans se prendre la tête.

Bastien : Ce que j’aime dans le terme régressif, c’est que l’on n’est pas tout le temps obligé de sortir de sa zone de confort.

Comme son titre l’indique, l’album parle beaucoup du sentiment de l’amitié. J’ai l’impression que c’est ce qui vous inspire le plus en tant que musicien et musicienne, plutôt que l’influence d’autres groupes. Je me trompe ?

Manon : Non non, c’est vrai qu’il y a de la vérité dans ce que tu dis. Je ne me rendais pas compte que l’amitié allait devenir un aussi gros sujet avant qu’on monte le groupe. "Friends" est un des mots les plus utilisés dans les chansons. Comme "dead" d’ailleurs, oups ! Cet album enregistré entre deux tournées parle principalement de rupture amicale causée par un changement de vie ou par la perte de repère. J’ai une vision de l’amitié absolument primordiale et je la place au dessus de plein de choses.

Bastien : Par rapport à l’influence d’autres groupes, nous essayons en priorité de sonner comme nous-mêmes et sans faire de concession là-dessus. Nous sommes honnêtes.

Des groupes en particulier ont inspiré la chanson "I Wanna Be In Your Band" ?

Manon : Toute la scène rock française que l’on croise et avec qui on adore partager la scène. Je pense notamment à SIZ, TH da Freak ou Irnini Mons. Mais surtout Johnny Mafia ! C’est un coup de foudre amical. On s’est rencontré pendant qu’on faisait des petites maquettes dans notre studio à Lyon et qu’ils enregistraient Sentimental. Nous n’osions pas leur envoyons un message pour se voir ! On les pensait inaccessible.

Maxime : C’était des stars pour moi. Quand il étaient encore connus ! Parce qu’ils sont plutôt sur la descente là… Mais sans déconner, ils sont tops humainement et j’avais hâte de les présenter à mes parents.

Bastien : Je ne l’ai dit nulle part encore mais le couplet de cette chanson a été écrit selon moi pour Girlpool, un groupe qui n’existe plus. C’est autobiographique. Mais ce morceau parle aussi des gens un peu stalker sur les bords qui ont été chelou avec nous en nous demandant d’intégrer le groupe. On s’est retrouvé des deux côtés de la barrière.

Maxime : Du genre "si vous tombez malade, je peux vous remplacer"... 

Manon : Je pense aussi aux potes qui ont envie de monter un groupe et qui ne se lancent pas tout en te posant un tas de questions. T’as envie de les inciter à y aller !

Vous vous êtes connus en organisant illégalement des jams et en vendant de l’alcool à 1e. Selon la légende, vous avez même enregistré votre premier album grâce à cet argent. Ça représente combien de cannettes un disque de Johnnie Carwash ?

Bastien : Il faudrait retrouver les carnets de comptes ! C’était dans un appart en plein centre de Lyon, au premier étage. Pas discret du tout...

Manon : Ça a duré 2/3 mois et on a arrêté avant que la police arrive. 3 mois de cannettes et de verres de vin à un balle, tous les mercredis. On faisait même des hot dogs vers la fin ! C’était devenu n’importe quoi puisque tout le monde se refilait le plan. Ça devenait dangereux.

Maxime : C’est en tout cas bien grâce à cet argent qu’on a pu faire notre premier studio et enregistrer un EP.

Ouvrir un bar est la prochaine étape du coup pour le troisième album ?

Maxime : Ouais, on devrait voir pour acheter un fond de commerce !

Manon : On devrait acheter une caravane qu’on aménagerait comme il faut et qu’on trimballerait de date en date, comme les forains.