Flotation Toy Warning
Six ans. Six putain de longues années qu'ils sont nombreux à attendre que les gars de Flotation Toy Warning donnent un petit frère à leur époustouflant Bluffer's Guide to the Flight Deck. A l'époque de sa sortie, le disque avait attiré son lot de critiques élogieuses et de comparaisons avec le meilleur des Flaming Lips, de Mercury Rev ou de Grandaddy. Mais malgré un album d'une classe éclatante n'ayant toujours pas pris la moindre ride, le groupe n'a jamais connu un succès commercial à la hauteur de son talent. La faute probablement à un mode de fonctionnement assez particulier et qui ne correspond peut-être pas aux attentes de l'industrie musicale. Mais heureusement pour le groupe, il est signé sur une structure qui n'a pas son pareil pour chérir ses artistes et les laisser évoluer sans leur coller constamment aux basques, les Bordelais de Talitres. C'est par leur entremise que nous sommes entrées en contact avec le groupe, qui est sorti de sa réserve ces dernières semaines avec un 45 tours qui laisse penser que les Anglais n'ont rien perdu de leur superbe. C'est Paul Carter, chanteur du groupe, qui a pris de temps de répondre à nos questions envoyées par mail. Le moment est donc venu de savoir ce qu'a bien pu faire le groupe depuis 2005 et ce qu'il nous réserve pour les mois à venir...
Cela fait maintenant six ans que l'on pour ainsi dire plus de nouvelles du groupe. Donc la première question sera simple: mais qu'avez-vous foutu pendant tout ce temps?
Nous sommes tous des musiciens aux penchants obsessionnels. Ce qui veut dire qu'il faut nous laisser un peu plus de temps qu'aux autres. On a vraiment eu conscience de notre perfectionnisme lorsqu'un ami musicien est venu passer du temps avec nous alors que nous écrivions Bluffers Guide to the Flightdeck. Il nous a fait remarquer que cela faisait deux semaines que nous bossions sur le middle 8 de "Popstar Researching Oblivion" alors que lui n'avait personnellement jamais passé plus de deux semaines à écrire une chanson entière. C'est cette approche qui rend, je l'espère, ce disque si spécial. Mais c'est aussi une arme à double tranchant. A mesure que défilaient les jours augmentait également la pression de boucler le disque. Il est arrivé que pendant plusieurs mois consécutifs, Ben (ndr: guitariste du groupe) et moi ne prenions même pas une soirée de libre. Non seulement, nous passions un nombre incalculable d'heures à bosser sur le disque, mais en plus nous devions combiner ça avec nos emplois respectifs. La majorité du groupe vivait au même endroit. C'est là que nous écrivions, répétions et enregistrions l'album. Ca peut sembler une riche idée sur papier, mais dans les faits, c'est très difficile mentalement. Il est important d'avoir autre chose que la musique dans sa vie, de s'octroyer des pauses. En fin de compte, notre besoin d'accoucher d'un disque aussi parfait que possible nous a empêché de profiter pleinement du processus créatif. En fait, on a fini par ne plus nous amuser, même si nous savions que nous devions terminer ce que nous avions commencé. Après la tournée consécutive à la sortie du disque, on a tous eu besoin d'arrêter de faire de la musique et de se voir. D'ailleurs, notre batteur Colin est allé encore plus loin: il a quitté le groupe et est parti vivre au Japon. Il nous a alors fallu plusieurs années avant d'envisager de se retrouver pour écrire de la musique. On voulait d'abord voir si ça allait nous plaire. Et puis, il a fallu tenir compte du fait que certaines avaient d'autres projets ou des enfants. Donc on a été très occupés finalement. Et cette fois-ci, les choses semblent plus facile – du moins pour le moment. Il y a moins de temps morts entre les idées, et on sait maintenant qu'il est important de s'arrêter pour revenir sur une idée le lendemain quand ça ne marche pas.
Vu les dithyrambes récoltées par votre précédent album et le statut quasi culte dont bénéficie le disque chez vos fans, on a dû mal à croire que vous ayez disparu de nos radars. Est-ce que FTW est un groupe qui fonctionne selon un mode de vie autarcique, travaillant aussi loin que possible de l'industrie du disque?
Je vais être honnête avec toi, j'ai dû ouvrir mon dictionnaire pour vérifier la définition du mot « autarcique ». Je ne l'avais jamais vu écrit auparavant. Donc merci de nous avoir appris quelque chose. A l'école, tous les enfants apprenaient à jouer du pipeau. Si tu ne savais pas en jouer, il suffisait de copier les mouvements de doigts de ton voisin. Tout marchait comme sur des roulettes jusqu'à ce que tu te retrouves à côté d'une personne qui ne connaît pas les notes non plus. L'un copie l'autre et le résultat est horrible. A de nombreux égards, la création de musique et l'industrie musicale fonctionnent de la sorte. On a donc préféré garder nos distances. Mais ça me permet d'embrayer sur une question importante: combien de temps faut-il consacrer à la création d'un album? A quelle fréquence un groupe doit-il sortir de nouveaux albums? Les gens qui se font un plaisir de te donner des réponses à ces questions sont souvent ceux qui essaient de faire de l'argent en vendant la musique d'autrui. Donc ces gens-là, ils veulent un nouvel album tous les ans. La bonne réponse à cette dernière question, c'est qu'il faut laisser le temps au temps. Et en ce qui nous concerne, on enregistrera de nouveaux albums quand bon nous semble. Et que ceux que ça emmerde trouve quelque chose d'autre à faire. De notre côté, on appréciera la loyauté et la patience de ceux qui peuvent attendre.
De votre côté, comment percevez-vous l'évolution de l'industrie musicale ces dernières années?
Question difficile, car chacun a sa vision de ce qu'est « l'industrie musicale ». A l'époque de notre premier album, il existait une manière assez stantardisée de sortir et promouvoir la musique. Aujourd'hui, j'ai l'impression que personne ne semble détenir la solution idéale. Pour de nombreux groupes, l'avènement du numérique s'est révélé une arme à double tranchant. Vous n'avez plus besoin d'un label pour décider que faire avec votre musique, vous pouvez tout faire tout seul. En même temps, pour des groupes comme nous, il est difficile de savoir comment gagner sa vie avec la musique. Ce ne sera jamais la motivation première, mais il faut quand même payer les factures. Je pense que Flotation Toy Warning est un peu vieux jeu. On préfère produire de la musique dans une format qui se tient dans la main.
Et est-ce que Talitres vous a mis la pression?
Pas vraiment. Sean (de Talitres) a promis d'arrêter de nous faire du mal et de nous libérer de son grenier si on sort le disque dans des délais raisonnables.
Et quand avez-vous commencé à travailler sur ce nouveau disque? Est-ce que cela a été facile?
Je pense avoir déjà répondu à cette question un peu plus tôt dans l'interview. C'est un « work in progress » depuis un petit temps. Dès qu'on a arrêté de penser au passé, les choses ont été plus faciles qu'auparavant. Les bonnes idées semblent aujourd'hui arriver plus vite et plus facilement. Cette fois-ci, les choses ont été différentes. Notre premier album avait été en grande partie enregistré dans ma chambre. Cette fois-ci, c'était dans le studio de Steve, au Pays de Galles. Cette séparation a donc été trais saine.
Que pouvons-nous attendre sur le nouvel album? Et quand débarquera-t-il?
Le disque a été écrit en s'inspirant des mêmes recettes, mais je pense que l'expérience glanée sur le précédent nous a aidé. Ce disque sera à la fois meilleur et plus varié, sans que cela rende malheureux celles et ceux qui ont aimé le premier album. D'ailleurs, il n'y avait qu'une chanson joyeuse sur Bluffers Guide to the Flight Deck, « Made From Tiny Boxes ». Par contre, il y aura au moins deux chansons joyeuses sur The Machine That Made Us. C'est une promesse. La plupart des titres sont déjà écrits, mais certains d'entre eux doivent encore être travaillés avant qu'on puisse les considérer comme terminés. Quand ce sera le cas, le disque pourra alors sortir. Mais n'ayez crainte, le disque sortira également par volée de deux chansons, qui seront à chaque fois pressées sur vynil. De quoi étancher votre soif donc...
Sur votre précédent album, on vous a souvent comparé à Mercury Rev et au Flaming Lips. Cette fois, à qui voulez-vous être comparés?
Buckminster Fuller. Parce que la variété est le sel de la vie. Sur ce disque, si je ne peux pas m'exprimer au non de Nainesh ou Steve, je peux dire que le morceau qui nous a le plus influencé sur ce disque – et par nous, j'entends Ben, Vicky et moi, c'est « Old MacDonald Had a Farm . Et on préfère évidemment la version chantée par Elvis.
On entend dire que vous allez tourner à la rentrée...
On attend encore la confirmation des concerts, mais il est fort possible que nous soyons de passage en France et en Belgique en octobre ou novembre. Malheureusement, je ne peux pas vous donner plus de détails pour le moment.
Et pour terminer, si tu devais résumer Flotation Toy Warning en trois chansons?
« Time » de David Bowie. « Time » de Tom Waits. « Time » de Pink Floyd.