Interview

Bolis Pupul

par Benoît, le 21 novembre 2024

En 2022, Bolis Pupul tutoyait les sommets du cool et de notre classement albums avec Topical Dancer, une pépite d’électro-pop, à la fois engagée et euphorique. Après cette collaboration marquante avec Charlotte Adigéry, le Gantois est revenu cette année avec un projet solo, Letter to Yu. Onze titres à la fois intimes et euphorisants, et la mise en musique d'un séjour à Hong Kong à la recherche des ses racines. Un voyage thérapeutique sur les traces de sa mère, décédée en 2008. De passage à Paris pour le Pitchfork Festival, dans un Badaboum qu'il a retourné ce soir-là, on en a profité pour lui poser quelques questions autour d'un verre de Prosecco hors de prix.

Comment as-tu trouvé l’énergie pour repartir sur un album solo après la folie de Topical Dancer

En fait, j’ai commencé l’album Letter to Yu avant d’être en studio avec Charlotte. Donc la vraie question, c’est plutôt comment j’ai trouvé l’énergie pour travailler sur Topical Dancer ! Mais en même temps, ça a été un projet de longue haleine. J’ai commencé en 2018 et je l’ai terminé en 2023. Ça m’a pris cinq ans pour finir l’album, avec pas mal de pauses pour travailler sur d’autres projets.

C’est un album très personnel. Ce qui m’a surpris, c’est que c’est à la fois un album de deuil et de danse. Est-ce contradictoire pour toi ?

Parfois, oui, mais pour le live, j’ai choisi de me concentrer sur l’énergie et l’ambiance plutôt que sur l’émotion et la mélancolie, qui sont aussi présentes dans l’album.

Cet équilibre entre joie et tristesse était-il l’un des objectifs de l’album ?

Oui, car lors de mon voyage à Hong Kong, je ressentais les deux en moi. J’étais très content de faire ce voyage, je voulais le célébrer, mais en même temps, il y avait une forte mélancolie. À mon retour en Belgique, j’ai voulu capter cela dans l’album. Il n’y a pas forcément une opposition entre les deux ; comme dans la vie, c’est une question de balance.

En parlant de Hong Kong, tu as collaboré à nouveau avec ta sœur sur le morceau "Ma Tau Wai Road". Cela t’a donné envie de ressusciter le projet Hong Kong Dong ?

Pas pour l’instant, je pense, mais travailler avec ma sœur a toujours été naturel pour moi. Ce projet parle de ma mère donc c’était important de l’avoir car on a la même maman (rires). J’avais déjà écrit les paroles, et je voulais vraiment quelqu’un qui comprenne mes mots. Je savais que Sarah était parfaite pour ça.

Tu ne chantes que sur un morceau de l’album. Te sentirais-tu légitime à faire un projet entièrement chanté ?

C’est une possibilité. Dans Hong Kong Dong, je chantais beaucoup. Mais quand j’ai commencé mon projet solo, je n’avais pas vraiment envie de chanter. Je voulais être comme Patrick Cowley et faire de la musique dance, me perdre dans l’électronique et les synthés, sans être le frontman. Je voulais juste m’immerger dans la musique. Mais ça a évolué, et j’ai ressenti le besoin de chanter sur ce morceau, qui n’était au départ qu’une instrumentale. En essayant, je me suis rendu compte que ça fonctionnait bien.

Il y a toujours une part d’humour dans ta musique et dans tes sets. Est-ce que ça vient de ton père Kamagurka, un auteur et dessinateur de BD très populaire en Flandre ?

Oui, bien sûr, mon père a une grande influence sur moi, mais ma mère aussi était très drôle. Il faut savoir trouver l’équilibre entre humour et sérieux dans la musique. Frank Zappa disait : “Does Humor Belong in Music ?”, et je me pose souvent cette question. Avec Charlotte, on en débat souvent : est-ce qu’on n’est pas trop "rigolo" alors qu’on veut être sérieux ? Quand tu trouves l’équilibre, cela élève ta musique, mais sinon, tu risques de perdre en crédibilité.

Quand on signe chez DEEWEE, le label de Soulwax, est-ce qu’on intègre une famille pour toujours ?

Oui, on a commencé à collaborer en 2016, je crois, pour un premier EP, Moon Theme. Pour moi, c’était un exercice de style ; j’avais beaucoup de Patrick Cowley en tête. Avec DEEWEE, c’est spécial : ça fait longtemps qu’on travaille ensemble, mais ils ont toujours de bons conseils et un talent incroyable pour la production. Ce sont aussi des amis. On est ensemble en studio, on mange ensemble, on fait des bêtises. Une grande partie de cette énergie se retrouve dans la musique. Dans le bâtiment de DEEWEE, il y a des livres, des vinyles, des gens avec qui on partage tout. On parle de politique, on fait des blagues ; une vraie amitié s’est formée.

Tu as diggé de nouvelles pépites récemment ?

Oui, en ce moment j’aime beaucoup Altrice. C’est de la musique dancefloor avec une production originale et minimaliste, dans la continuité de la Chicago House.

On te retrouve bientôt sur scène avec Charlotte, en première partie de Vampire Weekend…

Ah, finalement non. Je ne sais pas si c’est déjà annoncé, mais je vais devenir papa pendant cette période.

Génial, donc la prochaine aventure, c’est la paternité ?

Oui, c’est ça. Mais pour l’instant, je suis encore en studio avec Charlotte, j’y retourne bientôt !