On entame déjà la seconde partie de l'année et c'est l'occasion pour Wake Up The Dead, notre dossier consacré aux choses à retenir dans l'actualité des musiques violentes, de faire le point. Pour cette nouvelle édition, on passe en revue 7 sorties qui ratissent notamment death, black metal, metalcore, doom ou grindcore. Bonne écoute !
Gatecreeper
Dark Superstition
GuiGui
À l’entame de ce nouvel album de Gatecreeper, une surprise quelque peu amère aura été au rendez-vous, au point de se demander si le groupe n’a pas opéré un mauvais tournant. Celui qui nous a déjà tant fait dire que le renouveau du death old school suédois provenait… d’Arizona n’aurait-il pas répondu aux sirènes d’un succès plus confortable en levant le pied et en signant sur une grosse écurie comme Nuclear Blast ? La question s’est en tout cas posée pour nous à l’écoute de « Dead Star » qui ouvre ce Dark Superstition et nous plonge dans un monde où le riff mélodique est roi et où des influences comme In Flames ne sont jamais loin. Ajoutez à cela « The Black Curtain » sonnant comme une espèce de tube melodeath de l’été avec une intro qui nous fait penser à quelque chose de 1.000 fois entendu mais sur lequel on ne parvient pas à retomber. Un riff d’une simplicité confondante probablement joué par un nombre incalculable de jeunes guitaristes dans l’intimité de leur chambre et auquel on dirait que Gatecreeper a voulu rendre hommage en leur disant “oui, ça peut quand même sortir”. Mais à l’écoute de l’ensemble, on se rend compte que la formation ricaine n'a rien perdu de ce qui a fait son sel puisque ces fameux morceaux mid-tempo sont contre-balancés par d’autres plus rentre-dedans (« Oblivion », « Mistaken for Dead »), et que Chase H. Mason tient toujours aussi bien le crachoir. Dark Superstition est donc de ces albums surprenants mais qui nous amènent à reconsidérer notre propos. Il n’est pas complètement la claque death metal à laquelle on pouvait s’attendre mais fait tout de même preuve d’un certain courage en osant un revirement au niveau de la composition, certes déconcertant, mais néanmoins bougrement efficace. La preuve, nombreux sont les riffs qui restent en tête, ce qui augure du très bon pour les lives à venir.
Tzompantli
Beating The Drums of Ancestral Force
Nikolaï
Tzompantli tire son nom des "étagères à crânes" qui étaient utilisées par les Aztèques pour exposer les restes de ceux qu'ils tuaient, que ce soit lors de sacrifices rituels ou de guerres. Ambiance posée. Autant te dire qu’avec un nom pareil, les californiens ne jouent pas des covers folk dans les endroits dédiés du métro. Beating the Drums of Ancestral Force se situe plutôt dans l’assaut sonique death et doom qui fait dégouliner ton cerveau par les deux trous d’oreilles. C’est la marque de fabrique du label 20 Buck Spin, après tout. Le groupe a autant de membres qu’une famille catholique du 16ème arrondissement de Paris (9, belle performance) et se permet donc d’avoir un mur de son de 3 guitares. Avec en prime percussions, chants de guerriers, instrumentation folk et flûte. Du shamanique "Tlaloc Icuic" en passant par la lourdeur tractopelle du morceau "Chichimecatl", chaque seconde te donne envie de boire le sang du premier sympathisant Rassemblement National venu après avoir réalisé un ragoût de ses os. Cultivant une esthétique aztèque (notamment en utilisant la langue nahuatl) et fiers de leurs origines mexicaines et/ou asiatiques, le groupe se fait l’étendard d’une musique extrême anti raciste et anti colonialiste. Par les temps qui courent, c’est toujours utile de marteler ce discours sur des riffs aussi gras que la cuisine au beurre de mon daron.
Daggers
Chaos Magic
GuiGui
Amateurs de propreté sonore, passez votre chemin sans regret, vous n’êtes peut-être pas prêts pour ce que Daggers propose. Un an seulement après The Fable of the Bees, les Belges ont décidé de ne pas perdre de temps et proposent déjà du nouveau matos pour occuper le terrain sous la forme de cet EP 3 titres, Chaos Magic, qui pourrait parler aussi bien aux amoureux du hardcore que de sludge mais aussi aux enthousiastes de crust D-Beat de la première heure pour les passages rythmiques plus soutenus (« Rancor »). La production crasseuse, la basse ronflante et la voix éraillée, signature de Greg Mertz, servent des compositions simples et efficaces qui vont parfois lorgner vers un black metal malsain. Bien sûr, 3 morceaux c’est un peu court pour se faire une idée mais c’est bien assez que pour s’enthousiasmer sur la suite des affaires du quatuor qui continue son admirable parcours depuis 2007.
Agriculture
Living Is Easy
Côme
A intervalles réguliers, un groupe de black metal réussit son incursion dans le mainstream avec un gloubi-boulga pseudo-philosophique et une cote de hype qui tient quasiment du priapisme. Dernier en date de ces groupes “à la Deafheaven / Liturgy”: Agriculture, qui joue certes du BM, mais du BM extatique ! Le concept peut faire sourire (déclencher le sublime et l’extase plutôt que le macabre et l’envie de crever la gueule ouverte), et les quatre américains ne jouent en réalité “que” du black metal influencé par le blackgaze et le post-metal, le tout avec quantité de tremolo dans les aigus pour mieux déclencher l’émotion. Formule pas vraiment nouvelle, mais hyper efficace sur cet EP qui fait suite au déjà très bon album éponyme sorti l’année dernière. Au programme de ce Living Is Easy, deux compos de black metal avec assez de riffs épiques pour mettre tout le monde d’accord, un petit interlude folk noisy qui ne déparerait pas sur un disque de Panopticon (c’est dire la qualité du produit), et une outro spoken word conceptuelle pour se payer le culot d’aller gratter le Best New Music chez Pitchfork. Et si ton voisin qui n’écoute que des tapes de groupes obscurs de DSBM risque de trouver ça beau à en vomir, rappelle lui que “Being Eaten By a Tiger” parle de Buddha dévoré vivant par des tigres, mourant un sourire sur le visage. Bien plus trve que n’importe quel corpse paint finalement.
SeeYouSpaceCowboy
Coup de Grâce
Erwann
Les années 2000 vous manquent ? Le mélodrame constant offert par la scène politico-merdiatique française ne vous suffit plus* ? SeeYouSpaceCowboy est là pour combler tous ces vides existentiels. Le groupe de San Diego s'est taillé une réputation de fer de lance d'un revival bien précis: celui du post-hardcore chaotique qu'on retrouvait fût un temps sur MySpace (sous-genre qu'on appelle sasscore de par son caractère impertinent). Avec Coup de Grâce, le groupe signe son album le plus foutrement revival: les refrains emo-pop semblent tout droit sortis de cette période bénie où les groupes emo pullulaient sur MTV, la théâtralité de leurs hurlements nous rappellent pourquoi nous sommes tombés amoureux de cette scène il y a deux décennies de cela, et les influences mathcore finissent de rappeler à quel point le groupe opérait dans des territoires beaucoup moins verdoyants à ses débuts. Vous savez quoi écouter si vous en avez marre de vous taper les mêmes albums de Glassjaw ou Dance Gavin Dance à longueur d'année.
*N'oubliez pas d'aller voter, et pas pour ceux dont le parti fût fondé par des Waffen SS.
CLEARxCUT
Age Of Grief
GuiGui
Avec ce 3e album et une signature sur le label Lifeforce Records, les coreux vegans straight edge teutons de CLEARxCUT semblent sortir tout doucement de la discrétion, ce qui n’est pas plus mal tant le groupe a clairement quelque chose à proposer. Formé initialement par des membres issus de formations aussi diverses que Heaven Shall Burn, Implore ou Wormrot (le chanteur a intégré il y a peu la formation grindcore de Singapour), CLEARxCUT officie dans une base hardcore metal de très bonne facture mais l’agrémente de sonorités qui le font sortir des carcans du style. En plus d’envolées mélodiques ou de riffs parfois dissonants, la production parfois grattée au papier de verre de ce Age Of Grief en fait un album colérique sans toutefois perdre le côté rentre-dedans d’un disque du genre. Bien sûr l’originalité n’est pas criante mais qui encore à notre époque peut se vanter de proposer quelque chose de neuf dans un style comme celui-là ? Néanmoins il faut souligner des compositions plus que solides avec quelques trouvailles parfois surprenantes en termes de riffs et d’harmonies et un morceau de clôture (« The Eternal Demise ») pour le moins simple, émouvant et méchamment bien foutu.
Meat Spreader
Mental Disease Transmitted by Radioactive Fear
GuiGui
Avec des groupes de death metal comme, entre autres, Vader ou Behemoth, la Pologne est un acteur qui compte sur la scène extrême européenne et internationale. Mais sa scène grindcore n’est pas en reste. En effet, le pays a vu naître des formations qui font encore office d’influence aujourd’hui comme Dead Infection ou Squash Bowels. Et ces 2 derniers ne sont pas cités par hasard puisque Meat Spreader dont il est question ici en est une espèce de rejeton dans le style pratiqué mais également de par certains de ses membres. Né en 2016, le groupe est un peu comme la réunion d’une bande de potes qui ont tous roulé leur bosse musicalement depuis le début des années 90 (notamment pour certains dans les 2 groupes précités) et qui veulent jouer un goregrind classique de derrière les fagots, à 1000 lieues de toutes les dérives que le style a pu engendrer dans les années 2000. Parce qu’une chose est sûre, Meat Spreader n’est pas là pour plaisanter ni pour lancer des farandoles durant leurs prestations live. C’est à grands coups de riffs « death-punk » salis volontairement, de rythmiques de batterie évoquant presque une mitrailleuse point 50 et de partie vocales faisant davantage penser à un siphon qu’à un instrument humain que Mental Disease Transmitted by Radioactive Fear attaque l’auditeur presque par surprise et ne lui laisse que peu l’occasion de respirer si ce n’est sur l’intro à la basse de « World is Running out of Body Bags » ou sur celle de « Shit Served by Flashing Screens ». Pour le reste, intensité et lourdeur seraient 2 mots qui décriraient assez correctement les 15 titres de ce second album des Polonais qui s’avère finalement être aussi un objet pédagogique pour ceux qui voudraient découvrir le style tant les codes du genre sont respectés.