Sneaks
On dit souvent que le principal défaut du post-punk consiste à répéter sans cesse une histoire dont on aurait tout dit : plonger dans la froideur du bruit pour ne plus ressentir que cette unique sensation. Sans vouloir donner totalement raison à la doxa, les morceaux purs du genre sont en effet assez prévisibles. Reste alors l’attitude du mouvement, plus subtile qu’une tenue punk : dans un jeu de destruction organisée, il s’agit tout de même de produire. Eva Moolchan, aka Sneaks, l’a bien compris en éloignant sa musique des guitares usées dont la mathématique n’a plus tellement de sens pour notre monde contemporain.
Ainsi, l’artiste originaire de Washington D.C. court-circuite les harmonies métalliques avec des sonorités bien mécaniques et digitales qui s’attachent tant à la pop et au hip-hop qu’à la house et toutes les déclinaisons de musiques électroniques underground. De titre en titre, depuis ses nombreux projets jusqu’à son dernier album Happy Birthday chez Merge Records, l’univers de Sneaks se mue en une nébuleuse uniquement identifiable par un roulement vers l’avant, toujours aussi caustique et éloquent. Ses paroles viennent alors le couvrir en un flot locutoire déterminé – dans l’esprit punk. Il convient donc surtout de faire passer un message qui rejoint la résistance forgée par les « queer black feminists who create, explore, empower, conquer, and play bass ».
Malgré le son des machines, les espaces figés n’ont pas ici leur place : les lignes doivent être brisées, Happy Birthday en esquisse les lézardes. (Amaury)