Larry’s Garage
Actuellement, même le plus exigent des clubbers vendrait père et mère pour une soirée mousse dans un camping en Dordogne. Quand on pourra retourner en club, la première question qui se posera sera la suivante : lesquels seront encore ouverts ?
Si l’on doit essayer de voir du positif dans cet effondrement qui menace toute une industrie, ce serait l’obligation qui lui sera imposée de revenir aux fondamentaux, à une époque antérieure à son industrialisation à marche forcée. Revenir aux valeurs fondatrices du mouvement, c’est certainement revenir à l’esprit du Paradise Garage, club new-yorkais dont le nom est indissociable de celui qui a fabriqué sa légende, Larry Levan. À l’époque, ce DJ et producteur au flair incroyable, est mort dans une discrétion qui n’a pas fait honneur à son empreinte sur la culture club de la Big Apple, et bien au-delà. C’est cette vie que Corrado Rizza, un DJ italien installé à Miami, a souhaité célébrer à travers Larry’s Garage, un documentaire dont le point de départ est une vidéo dénichée sur YouTube (depuis supprimée), dans laquelle Larry Levan y explique sa vision de la dance music et de la culture club, entre autres choses. C’est autour de ces quelques paroles d’évangile que Corrado Rizza a structuré son documentaire qui donne surtout la parole à ceux qui ont vécu les années folles du Paradise Garage, faute de disposer de vidéos de ce qui s’y tramait.
Dans l’absolu, il est tout à fait louable de faire appel à l’imaginaire pour évoquer un endroit qui était au post-disco ce que le Tresor fut à la techno berlinoise – un temple autant qu’un mythe fondateur. Mais avec un matériel aussi ‘aride’ que des entretiens souvent filmés avec amateurisme ou de mauvaise qualité, il faut un réel talent derrière la caméra pour donner du souffle et du rythme à sa création. Et c’est clairement ce qui manque à Corrado Rizza pour faire de son bébé un must see. Heureusement, les anecdotes tantôt éclairantes tantôt savoureuses, contées par des gens aussi importants que François Kevorkian, David Mancuso ou Little Louie Vega, donnent à ce documentaire une vraie valeur informative, et en font un objet à visionner de toute urgence pour se rappeler qu’à l’origine, la culture club avait tellement plus à offrir que le grand barnum qu’elle a trop tendance à être en 2020. (Jeff)