The Apollo
On ne va pas s'amuser à énumérer le formidable tableau de chasse de l'Apollo Theatre, non. On va juste énoncer un fait : toutes les plus grandes stars afro-américaines y ont débuté leur carrière, ou sont passées à un moment de celle-ci par la mythique salle de Harlem. Et rien que pour ça, n'importe quel documentaire alignant soigneusement les images d'archives et les anecdotes avait moyen de se mettre dans la poche le pékin de base.
Mais pour peu qu'on prenne la tâche au sérieux, consacrer un documentaire à la salle mythique de la 125ème rue, c'est l'assurance d'une plongée dans les fractures sociales et raciales d'une certaine Amérique qui cherche à exister face à un establishment qui ne connaît que la couleur blanche. The Apollo, c'est l'illustration de l'existence par l'art, et de ce combat permanent par la musique, la poésie, le rire ou l'engagement politique. Un combat de plus d'un demi-siècle que la salle de concert a embrassé volontiers, puisqu'avant d'être l'institution que l'on connaît, sa survie était intimement liée au contexte économique et social afro-américain, ainsi que par son obligation de mettre en avant le meilleur de la musique noire américaine, pour fédérer et influencer au-delà de son cercle.
Plus qu'un besoin donc, l'Apollo symbolise cette obligation pour l'artiste afro-américain de briller trois fois plus fort, de se surpasser constamment, et de se sacrifier pour exister dans un pays enclin au ségrégationnisme. C'est quand il illustre ce combat extrêmement inspirant – et encore tristement d'actualité – que le documentaire de Roger Ross Williams est pertinent; juste mais jamais larmoyant, et joliment transversal. Un must see, rien de moins. (Aurélien)